L’économie, les économistes et la démocratie

par Christian Delarue
samedi 26 septembre 2009

L’économie dominante, les économistes orthodoxes et l’oligarchie qui nous gouverne.

« Let’s make money » reflète l’incroyable suffisance et le cynisme des dirigeants et économistes libéraux .

Les temps sont durs. Alors que le travail, la technologie et la démocratie devraient servir à améliorer très fortement l’état du monde on remarque surtout des politiciens qui s’adonnent au racisme et de nombreux économistes toujours aussi sûrs et fiers de leurs théories pourtant boiteuses au regard de la pratique récente et de l’histoire.

En effet, pour qui n’est ni expert ni universitaire spécialisé sur le sujet mais simple citoyen, il est avéré que depuis les années Thatcher et Reagan (1980) et plus encore depuis la création de l’OMC en 1995, un vent de dérégulation économique nommé libéralisation ôtait les "rigidités" et les barrières aux échanges internationaux, aux privatisations afin de permettre la conquête de nouveaux marchés par les entreprises multinationales. Tout cela pour le bien des peuples quoique le plus souvent sans leur approbation citoyenne.

Le néolibéralisme comme dernier avatar du capitalisme a, sous l’influence des lobbies patronaux mais aussi des experts économistes, et grâce à l’intervention étatique (première vague des années 1980) et celle supra-étatique (seconde vague de 1995 et suivantes) permit la généralisation de la marchandisation du monde . Cette marchandisation s’est accompagnée de la mise en concurrence des acteurs institutionnels privés ou publics ainsi que des individus tant au travail (démantèlement des codes et statut) que hors travail (cherté de la vie dans le cadre de la consommation courante). La "paix marchande" est devenue "guerre économique" avec ses dégâts collatéraux (harcèlement, stress, suicides,...) et même "guerre tout court" tant en interne (sécuritarisme) qu’en externe (géopolitique de l’intervention militaire depuis 1991 en Iraq). Ce vent de libéralisation a touché quasiment tous les secteurs aussi bien la production marchande dont l’agro-industrie que les administrations publiques non marchande que la finance qui elle aussi a subie de nombreuses réformes notamment depuis celle de Bérégovoy en 1986 pour la France.

Tout cela rapidement résumé débouche en 2008 et 2009 sur une crise financière, économique, sociale, écologique, géopolitique sans précédent depuis les années 30. Cette crise globale est dramatique au Sud mais aussi au Nord car elle fait des morts en Afrique et des miséreux ailleurs . Elle est le fait 1 - des responsables politiques sous pression des dirigeants économiques des firmes et de leur lobbies qui n’hésitent devant rien pas même la corruption pour parvenir à leur fin : accroître au maximum les profits des sociétés nationales et transnationales, qui in fine tombe dans la poche des seuls dirigeants mais pas des travailleurs, ouvriers ou cadres. Elle est aussi le fait 2 - des économistes libéraux qui ne se contentent pas de faire tourner les modèles économétriques pour analyser les grands paramètres économiques. Ils se font les conseillers des maîtres du monde. Dés lors, comment ne pas être d’accord avec Serge Ruscam (1) qui pose la question : "Alors, allons-nous non pas reprendre les mêmes pour recommencer, mais garder les mêmes pour continuer ?" C’est bien cette reproduction des élites qui inquiète, car la mobilité tourne dans l’entre-soi. En effet, ces économistes qui aujourd’hui avouent s’être trompé continuent néanmoins de produire le même type d’analyse avec les mêmes outils. Ils continuent aussi d’ignorer la production théorique des économistes critiques qui ne forment pas pourtant pas un groupe hétérogène. Il est bon d’écouter Bernard Maris le matin en prenant le café mais d’autres que lui mériteraient une audience accrue dans les médias et les institutions. Ainsi, à mon sens, la théorie de Jean-Marie Harribey sur l’économie non marchande mériterait de nos jours une plus grande diffusion (voir site ATTAC France). C’est un exemple.

Le simple citoyen a sans doute remarqué la fétichisation montante du marché conçu comme le sésame de tous les problèmes, alimentaires, énergétiques, de santé, de scolarité, de logements, d’emploi, de transport, de réchauffement climatique, etc. Ont-ils cessé nos économistes libéraux d’adorer cette soi-disant "main invisible" qui cache le poids des firmes transnationales ? Ont-ils fait plus de place aux services publics et à la démocratie, à l’intervention citoyenne dans les divers champs sociaux des pays. Que neni ! Plus le chômage et la précarité montait plus les codes du travail devaient être démantelés. Non content d’avoir instauré ou rétablis la dictature dans l’entreprise nos élites diminuaient le pouvoir d’achat, celui des prolétaires pas des nantis. En effet, plus l’écart des revenus entre les riches et les pauvres augmentaient ( ) et plus on individualisait les salaires, on créait des primes. "Travailler plus pour - peut-être - gagner autant qu’avant voire moins", voilà le marché de dupe qu’ont du avaler l’immense majorité des travailleurs salariés. Et cela continue. Ce n’est pas une illusion. Si les salariés sont très majoritaires en France (autour de 88%), les prolétaires qui épuisent leur salaire en fin de mois dépassent les 65 % de la population si l’on
prend une barre supérieure relativement assez élevée : 3000 euros par mois. Si vous n’êtes pas famille mono-parentale avec de nombreux enfants sans pension alimentaire le plafond du prolétariat sera plus bas, de l’ordre de 2600 euros par mois dans les pays occidentaux. Les travailleurs aisés sont ceux qui épargnent beaucoup et régulièrement car ils gagnent entre 3000 euros et 5000 euros par mois. Ce sont les cadres supérieurs, le petit patronat, les indépendants. Les riches sont au-dessus et pour certains d’entre eux les revenus perçus dans les 20 dernières années sont faramineux, inimaginables. On comprend que la bourgeoisie se blinde dans des ghettos et s’organise en classe collectiviste bien organisée pour la défense de ses intérêts ainsi que le dit Monique Pinçon-Charlot.

Pour changer, on ne saurait compter sur les mêmes au plan politique, à savoir pour la France la droite UMP ou la gauche social-libérale du PS. Au plan économique, critiquant l’économie dominante, on ne saurait non plus tomber dans l’anti-économisme frustre ou nationaliste xénophobe (4) sous prétexte que l’économie n’est pas une science exacte. A ce propos il ne faudrait surtout pas confondre économie et capitalisme et capitalisme et économie de marché. Critiquer les tares du marché et du capitalisme ne saurait aboutir à jeter aux orties l’économie . Ce qui importe c’est de la réintégrer dans les rapports sociaux et dans la biosphère et finalement la remettre à sa place. A ce propos, certains indicateurs n’ont pas leur juste place. Si le PIB annonce que l’économie, la production et les profits remontent alors que le chômage, la précarité et les écarts de revenus augmentent c’est que d’autres critères sont nécessaires notamment des critères sociaux et environnementaux pour connaître la société et surtout construire l’avenir.



Le peuple-classe français et notamment sa base prolétarienne mérite mieux que les économistes orthodoxes et mieux que nos dirigeants actuels. La nature défigurée aussi. C’est tout l’enjeu de Copenhague et d’une autre économie non productiviste fondée sur la valeur d’usage (5).

Christian Delarue

Altermondialiste non économiste (quelques formations données en fac de droit il y a longtemps...)

http://eco.rue89.com/2009/09/23/pour-une-reflexion-economique-alternative-mais-comment

http://www.legrandsoir.info/Les-fabriques-de-l-ideologie.html

Michel Husson : La fable de la flexibilité

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=598

3) L’économie, science ou idéologie ? Christian CHAVAGNEUX pour l’Economie politique

http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/2007/11/12/l%E2%80%99economie-science-ou-ideologie/

4.L’économie est en plus une imposture de Paul Craig Roberts

http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=15349

5. "Arracher la valeur d’usage avec les dents" C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article720

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