L’effarante chasse aux sorcières protectionnistes du Monde

par Laurent Herblay
samedi 17 mars 2018

L’annonce de mesures protectionnistes très limitées, pour ne pas dire cosmétiques, de Trump, a provoqué un déluge de critiques absolument hallucinant de la majorité des médias, comme le Monde. L’occasion de voir à nouveau que les pseudos-ouverts sont d’abord les moines-soldats d’une idéologie coupée des faits, dogmatique et profondément intolérante à l’égard de toute contestation.

 

L’inquisition du 21ème siècle ?
 
Même si cela fait plus de 25 ans que je n’attends plus rien du Monde sur les sujets économiques et européens, la bêtise crasse de cet éditorial a presque réussi à me surprendre. Tous les clichés les plus éculés sont utilisés. D’abord, le titre, « le protectionnisme de Trump s’appuie sur une vision dépassée de l’économie » : dépassé par quoi ? Comme le soutient Benjamin Masse-Stamberger dans le FigaroVox, au contraire, tous les pays asiatiques qui se sont développés depuis quarante ans, Japon, Corée, puis Chine, se sont appuyés sur un protectionnisme féroce. Pékin barricade largement ses marché agricole, automobile, et même numérique. Ce n’est pas pour rien que Google se dit Baidu, et Amazon Alibaba dans l’Empire du milieu, tout en produisant l’immense majorité des téléphones…
 
La caricature se poursuit : « à peine investi, Donald Trump a mis en œuvre ses promesses et décidé de placer le protectionnisme au cœur (pas en périphérie) de sa politique économique  ». Pourtant, après quelques tweets superficiels, plus rien, et pas grand chose n’a changé… Puis le Monde poursuit : dans les années 1980, « il fallait réduire ses importations et maximiser ses exportations pour s’enrichir. La mondialisation des entreprises a rendu cette analyse caduque. Les économistes raisonnent en chaine de valeur : chaque pays doit apporter le maximum de valeur ajoutée dans la création d’un produit complexe. Ainsi il n’est pas grave d’importer des IPhone ‘assemblés en Chine’  ».
 
Toujours le même exemple… D’abord, on se demande pourquoi ce qui aurait été vrai dans les années 1980 ne le serait plus aujourd’hui. Bien sûr les chaines de valeur se sont complexifiées, mais pourquoi le solde commercial n’aurait plus d’importance ? La production de l’IPhone aux Etats-Unis, avec plus de composants étasuniens créerait des emplois, et donc une richesse qui profiterait à tous. Le shéma actuel ne profite qu’aux actionnaires de l’entreprise, qui maximisent le profit qu’ils en tirent, dans des shémas comptables qui permettent en outre souvent d’échapper à l’impôt ou de le minimiser. 99% de la population des Etats-Unis ne profite nullement de cette conception californienne.
 
Sur France Inter samedi matin débattaient deux nuances de libre-échangistes, la journaliste étant contrainte d’essayer un peu de contradiction, avec grand mal. Ce serait pourtant le rôle du service public d’inviter de vrais contradicteurs, qui ne manquent pas : Jacques Sapir, Emmanuel Todd, Benjamin Masse-Stamberger ou Franck Dedieu. Plus le temps passe, plus je me dis que les tenants de la ligne oligo-eurolibérale se comportent comme des croisés à mi-chemin entre Pravda et inquisitions, paradoxalement plus fermés que ne le sont les dirigeants du Front National sur bien des sujets. Comme dans 1984, les mots ont été retournés : les pseudo-ouverts sont en réalité les plus fermés.
 
 
Car le débat sur le protectionnisme n’est pas un débat en noir et blanc. Ce que l’Asie nous montre depuis des décennies, c’est un jeu sur les nuances de gris, un vrai protectionnisme sur des secteurs clés, tout en s’ouvrant au monde, avec un objectif : la défense des emplois et des citoyens. Quel dommage de ne pas pouvoir un débat apaisé et factuel sur ce sujet dans notre pays.

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