L’empire ne contre-attaquera pas

par Geneste
lundi 21 septembre 2009

Il est des situations, quand les crises se produisent, où les empires doivent apprécier la situation exacte de leurs forces avant de se lancer dans une éventuelle bataille.....

Il est des situations, quand les crises se produisent, où les empires doivent apprécier la situation exacte de leurs forces avant de se lancer dans une éventuelle bataille. Un empire, cependant, n’est pas un pays, c’est une entité beaucoup plus importante et, à ce titre, avant de se rendre compte de la crise, c’est un peu comme le dinosaure à qui l’on vient de chatouiller le bout de la queue. Quand l’influx nerveux est monté au cerveau, il peut être trop tard. Or, de quel empire parlons-nous, puisque nous parlons de crise ? De l’Empire hyper puissance actuelle que sont les Etats-Unis ? Non ! Ceux-là sont trop dérisoires même s’ils gouvernent, presque, le reste du monde. L’empire dont il est question ici est l’Occident, avec un grand O et regroupe l’Amérique du nord, l’Europe, le Japon et l’Australie. Regardons cet empire au travers de son histoire rapide et ciblée.

La « civilisation » est partie d’Europe, le coup de départ ayant été donné par les grandes découvertes. Le début s’est étonnamment bien passé et a été dû à la chance des européens de tomber sur des civilisations faibles, ce qui leur a permis une conquête rapide et facile. Ce fut le cas des 2 continents, Amérique d’abord puis Afrique. La conquête de l’Océanie s’est faite tout aussi facilement. Seule l’Asie a réellement résisté, mais elle finit par être vaincue. Ce qui donna sa force à l’Occident, c’est en grande partie sa maîtrise technique due, pour l’essentiel, à l’exploitation au mieux de l’héritage des mathématiques de la Grèce Antique. C’est d’ailleurs cette maîtrise qui a permis, à elle seule, la révolution industrielle qui elle-même a permis de maintenir les colonies dans un état de dépendance pendant encore un temps. Oui, c’est bien la puissance industrielle de l’Occident qui lui a permis de constituer et de maintenir son empire sur le monde jusqu’à aujourd’hui.

S’il était besoin d’une seule preuve de cela, bien que ce soit un fait historique avéré, il nous suffit de regarder la stratégie menée par l’Allemagne et le Japon après leur défaite lors de la deuxième guerre mondiale. Ces deux pays sont deux puissances industrielles majeures dans le monde aujourd’hui et on peut être tenté de penser que c’est la leçon qu’ont tirée ces peuples de la guerre, pour être plus fort la prochaine fois si besoin en est.

Néanmoins, la civilisation européenne a essaimé une philosophie du monde quelque peu différente outre Atlantique. Là, ce qui compte, dans un monde au final assez brutal, ce n’est pas l’avantage commercial objectif lié à une meilleure productivité, c’est l’avantage de l’argent qui est alors le seul régulateur de la société. Il serait bien trop long ici de détailler une étude exhaustive de ce fait. Pour nous convaincre que c’est effectivement comme cela que les choses sont, nous utiliserons un raisonnement un peu fallacieux qui consiste à regarder ce qu’est devenu aujourd’hui le système américain. Force est de constater qu’il est basé sur le seul argent, que la seule activité rémunératrice est l’activité financière au sens large et que via le dollar, les Etats-Unis ont étendu leur domination sur le reste du monde, notamment en obligeant les puissances européennes à se défaire de leurs colonies de façon à ce que ces dernières puissent tomber sous le joug américain tout en pouvant se dire « libres ». Les mêmes nations européennes, après 2 guerres « civiles » mondiales, se sont tant affaiblies qu’à leur tour on peut estimer aujourd’hui qu’elles font partie de l’empire américain en tant que colonies. L’élargissement de l’Europe ne se décide-t-il d’ailleurs pas à Washington en fonction des élargissements de l’OTAN ?

Néanmoins, la crise financière, due exclusivement à la cupidité et au système qui fait que l’argent est la seule valeur de l’empire, montre les limites de ce genre de civilisation. Les Etats-Unis sont endettés, globalement, à environ 4 ans de leur PIB et leur monnaie, de référence pour le reste du monde, ne vaut en fait plus rien si tant est qu’on l’évaluerait en fonction de critères objectifs de création de richesses réelles. C’est cela que ne voulait voir personne jusqu’à présent et que révèle en réalité la crise. Il ne reste en Occident que l’argent, qui ne vaut rien, mais entre temps, l’Occident a perdu la référence physique de ce qui peut créer de l’argent, à savoir le travail via l’agriculture ou l’industrie, bref, via une activité productrice de bien matériels. Certes, les biens intellectuels peuvent aussi compter, mais pour les exploiter il faut bien des supports matériels comme les livres, les CD, les téléviseurs ou ordinateurs, aussi sont-ils considérés ici comme des biens matériels au même titre que les autres.

L’Empire se trouve donc en crise. Il a l’argent, ou, tout au moins, la possibilité de le créer, mais il n’a pas ce que les banquiers appellent un sous-jacent, c’est-à-dire qu’il possède du vent puisque sa monnaie n’est que de papier, ce que traduisent les médias par « confiance ». Comment un pays comme la Chine pourrait-il avoir confiance en une entité qui ne brasse que du papier et voudrait décider de la valeur de sa monnaie ? L’Empire Occidental est donc, en cette année 2009, l’Empire du Néant. La crise vient de révéler aux dirigeants qu’ils sont assis sur un abîme. Les déficits industriels de l’Europe et des Etats-Unis vis-à-vis de la seule Chine, croissent au rythme d’environ 200 milliards d’euros par an et chacun. Les transferts technologiques ont non seulement créé des hordes de chômeurs en Occident mais ont, en plus, fait perdre beaucoup de compétences de savoir faire si bien que l’Occident, sur certains sujets industriels, est devenu « sous-développé » et incapable d’avoir une quelconque autonomie par manque de connaissance.

Une solution envisagée a été celle d’une révision de la parité des monnaies. Mais comment établir une parité plus favorable de monnaies avec la Chine par exemple ? En effet, cette dernière produit beaucoup pour l’Occident. On pourrait penser que si l’Occident périclite, la Chine sera en crise. Les données économiques récentes devraient inciter à davantage de réflexion sur ce sujet. Le monde est en crise, la récession est aigüe partout, mais la croissance officielle chinoise reste de 8%. Pourquoi ? Tout simplement parce que la Chine a 1,5 milliards d’habitant dont environ 800 millions vivent dans des conditions proches de celles du Moyen Age. Les chinois ont donc une croissance intérieure colossale devant eux, rien que pour faire progresser leur propre population. Il en est de même pour l’Inde. En conséquence, les pays comme l’Inde ou la Chine, n’ont rien à faire de l’Occident et de son argent. Ils ont pris ce qu’il y avait à prendre, donnant résonance à la célèbre phrase de Lénine comme quoi, un jour, les bourgeois vendraient la corde qui les pendraient. C’est ce qui arrive sous nos yeux ! La corde est vendue, c’était l’industrie et le temps de l’exécution a sonné !

Face à un tel problème, l’Empire du Néant aurait deux attitudes possibles. La première pourrait consister à reprendre ce qui a été concédé : à savoir rétablir des droits de douane et reconstruire ex-nihilo et dans la douleur et la souffrance une industrie Occidentale. Il n’en sera rien car entre temps le capital s’est à la fois internationalisé et diffusé si bien que ses intérêts sont partout et surtout en dehors des nations. Peu importe pour le capital que la richesse soit produite en Chine ou ailleurs, ce qui compte c’est le bénéfice qui en sera tiré. Les détenteurs du capital interdiront donc ce retour en arrière. Que reste-t-il alors comme solution à l’Empire du Néant ? Il pourrait y avoir la guerre, mais, là encore pour les mêmes raisons que plus haut, elle n’aura pas lieu car les gouvernements sont dépendants du capital dans cet Empire. L’Empire ne contrattaquera donc pas. Il va donc faire ce que tout empire moribond fait juste avant sa chute, il va faire de la politique. Cela va donc se traduire, rapidement, par une fusion officielle interne à l’Empire. La fusion sera celle des composantes. Le livre blanc de la défense parle déjà de l’ensemble Euratlantique. Cela va devenir une réalité. L’Europe et l’Amérique vont fusionner. Elles vont faire une nouvelle monnaie unique qui passera peut-être, pour donner le change un temps, par une sorte de serpent monétaire. Représentant alors un bloc de l’ordre du milliard d’habitant, l’Occident pense qu’il va pouvoir donner le change et continuer de vivre sans réellement travailler. Soyons clairs, le peuple aimerait bien travailler et ceux qui manipulent la finance ont l’impression de travailler. Mais, encore une fois, tout cela ne crée pas de richesse réelle. En conséquence, le dinosaure, après avoir mué, va prendre une taille supplémentaire, dernier avatar de son évolution. L’influx nerveux mettra un temps supplémentaire à arriver à un cerveau atrophié ce qui garantira la mort de la « bête » à l’étape suivante. Celle-là sera simple, une zone sinistrée d’un côté, sans industrie, avec des populations délinquantes, droguées, vivant dans une sorte de jungle urbaine déshumanisée, une zone industrieuse et appliquée de l’autre qui fera revivre une civilisation brillante, voilà les ingrédients du basculement prochain du monde. L’empire ne contre-attaquera donc pas, mais, au final, il ne pourra même plus songer à contre-attaquer, il sera à son tour colonisé.


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