L’EPR de Flamanville et l’avenir du nucléaire en France et dans le monde

par Trelawney
samedi 24 janvier 2015

Le réacteur pressurisé européen, EPR est un projet de réacteur nucléaire à eau pressurisée de troisième génération conçu et développé par Areva au cours des années 1990 et 2000. Quatre réacteurs de type EPR sont en cours de construction : un en Finlande à Olkiluoto, un en France à Flamanville et deux autres en Chine à Taishan. Prévue en 4 ans et demi, la construction de ces réacteurs se révèle très problématique puisque les chantiers de Finlande et de Flamanville sont respectivement commencés depuis 10 et 8 ans et sont encore loin d'être achevés. ...

Selon Areva, l’objectif initial, de la conception et de la construction des réacteurs EPR est d’améliorer la sûreté et la rentabilité économique. Cette dernière affirme que l’EPR offre un niveau de sûreté inégalé, du fait de la redondance des systèmes de sécurité et du système de récupération du corium. L’EPR est conçu pour utiliser de l’uranium enrichi à 5 % et éventuellement du combustible nucléaire MOX.

 

Coût de l’électricité produite par un réacteur EPR

L’étude réalisé en 2004 par le ministère de l’écologie, de l’énergie et du développement durable, s’est basé à partir du coût de l’EPR de Flamanville 3 pour calculer celui d’une tranche marginale équivalente, l’ensemble des dépenses initiales de développement étant assumé par la tête de série Flamanville 3. L’installation de référence est située en bord de mer, développe une puissance continue nette (PCN) de 1630 MWe correspondant à une puissance thermique de 4500 MWth avec un rendement aux conditions ISO de 36,2%.

 

Bien que l’EPR soit conçu techniquement pour un fonctionnement de 60 ans, une durée de vie économique de 40 ans est retenue dans l’étude afin d’être en adéquation avec un amortissement comptable traditionnel. Le mode de gestion du combustible a une incidence sur le coût du cycle combustible et sur la fréquence des arrêts, et par conséquent sur la disponibilité du réacteur. Pour le palier EPR, on retient un combustible à l’uranium enrichi à 5 %, irradié à 60 GWj/t en moyenne et renouvelé tous les 18 mois. Le plutonium issu du retraitement est recyclé sous forme de combustible MOX utilisé dans les mêmes conditions. La disponibilité de l’EPR, estimée pour un fonctionnement en base, est de 91 %, compte tenu de 2 % environ d’indisponibilité fortuite et de l’indisponibilité programmée concernant les arrêts simples pour rechargement, les visites partielles et décennales. Les hypothèses de calcul du coût de production d’un Mwh d’un réacteur EPR tient compte des conditions d’exploitation et d’une durée de vie optimum, ainsi que d’un cout de combustible calculé au plus juste.

Le coût d’investissement représente 75% du coût du MWh produit. Il est constitué du coût de construction auquel il faut rajouter les intérêts intercalaires. Pour le calcul du coût du MWh, il a été estimé un budget à 3.4 milliards d’euro intérêts intercalaires compris. Ce coût de construction tient compte d’un planning de construction s’étendant sur 54 mois entre la coulée du « premier béton » et l’atteinte de 100% de la puissance. Les dépenses s’échelonnent sur les 8 années précédant la mise en service industrielle dont 85% pendant la durée de construction.

Le poids des intérêts intercalaires dans le coût d’investissement actualisé est important. Par conséquent, tout retard dans les travaux de construction engendrerait des intérêts intercalaires plus importants et donc un coût final plus élevé. Le chantier a démarré le 11 avril 2007 et devait donc se terminer le 11 septembre 2011 pour une mise en production.

D'après ce rapport, pour 8760 heure de durée d’appel, avec un investissement initial de 3.4 milliards d’euro et un mise en service au 11 septembre 2011, nous avons un cout moyen de production de 100 euro le MWh. Le rapporteur de l’étude signale que le coût de référence augmente de 6% et 24% en cas de surcoût d’investissement de 10% respectivement 40% (6% par tranche de 10% d’augmentation). Une implantation en bord d’une rivière ou d’un fleuve réduit le rendement de 0.9% et augmente ainsi le coût de 3%. Enfin, un calcul sur une durée de vie de 60 ans réduit le coût de 2%.

 

Calcul du coût de production d’un Mwh EPR en tenant compte des informations que nous avons :

Le coût de construction du réacteur EPR est annoncé aujourd’hui à 8.5 milliards d’euro intérêts intercalaires compris et tenant compte du dépassement de délai de 6 ans. Soit un surcoût de 150%

Donc on part de 100 euro, auquel on ajoute les 90% de surcout dû à l’augmentation du budget, puis on retranche les 2% pour la durée de vie à 60 ans. Ça nous fait un coût de production estimé à 188 euro. Pour un particulier, le prix d’achat d’un MWh est plus prêt de 120 euro et il comprend 13.5 euro de taxe CSPE, 9 euro de taxe TFCE et 19.5 euro de TVA ce qui fait 78 euro dans la poche de EDF.

 

Il est clair que dès le départ, le coût de production de l’EPR ne permettait pas sa mise en fabrication dans des conditions économiques correctes. C’était donc aux anciens réacteurs PER à pallier les coûts de production de l’EPR. Le retard dans les travaux et l’augmentation du budget n’a fait qu’accentuer le phénomène. On ne peut pas tabler sur un accident industriel propre à Flamanville, car en Finlande les retards et l’augmentation du budget se font dans les mêmes proportions.

Areva, EDF et l’état ont décidé la construction de ce réacteur pour servir de vitrine technologique et pouvoir le commercialiser ailleurs sur la planète. Il faut cependant noter que la production d’électricité issue du nucléaire a constamment diminué depuis 2002. Elle est passée de 16 % à 11% en 2012 et continue de chuter. En 2000 on produisait pratiquement autant d’électricité issue du nucléaire (2590 TWh) que d’électricité issue des énergies renouvelables (éolienne, solaire, hydraulique, biomasse, géothermie haute énergie, biogaz et des nouvelles énergies de la mer) soit 2920 TWh. En 2012 on en produit le double issu des énergies renouvelables (2460 pour 4700). De nombreux projets de construction de réacteurs nucléaires sont reportés à plus tard ou sont tout simplement annulés. Des prolongations de la durée de service d'autres réacteurs sont annulées pour n'avoir pas à réaliser les travaux nécessaires. La commercialisation, le développement et la construction de centrale nucléaire dans le monde est donc très incertain. Si Areva veut encore perdurer, elle devra se cantonner au SAV, à la production et au retraitement des combustibles ainsi qu’à la déconstruction car il y a fort à parier que Flamanville et la Finlande sont les premiers et derniers réacteurs EPR construits par Areva.

Certaines personnes vont nous dire que si l’électricité est si peu cher en France, c’est grâce au nucléaire qui représente 75% de la production. L’UE a établi une correspondance entre le prix d’achat de l’électricité (HT) et le pourcentage d’électricité produite avec le nucléaire. En France nous avons 75% d’électricité nucléaire pour un KWh vendu à 0.102 euro HT. En Belgique nous avons 51% de part nucléaire pour un KWh à 0.168 euro. En Slovaquie ; 54% pour 0.140 euro, En Finlande 33% pour 0.11 euro, En Grèce 0% pour 0.107 euro, au Portugal 0% pour 0.117 euro, en Autriche 0% pour 0.141 euro. Le prix de l’électricité ne dépend pas de son mode de production, mais de la politique énergétique du pays. La transition énergétique et la diminution de la part du nucléaire vers des énergies renouvelables est une nécessité économique que tous les pays sauf la France ont compris. Croire que l’on peut encore être le fer de lance d’un mode d’énergie rejeté par tous les pays parce que trop couteux, trop dangereux et technologiquement pas abouti est un folie qui nous conduira à la dépendance énergétique parce que nous n’avons pas su ou voulu opérer notre virage à temps.


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