L’Espagne dans la tourmente

par Michel Santi
vendredi 25 juillet 2008

En une année, le budget espagnol est passé d’un excédent de plus de 5 milliards d’euros à un déficit de près de 5 millards et l’Espagne, qui subit très sévèrement la crise de l’immobilier, risque d’entraîner avec elle certains autres pays européens. Une des entreprises du bâtiment espagnoles les plus importantes, Matinsa-Fadesa, a annoncé la semaine dernière son incapacité à honorer ses dettes estimées à 5 milliards d’euros et s’est aussitôt mise en liquidation judiciaire. Le P.I.B. du pays devrait péniblement se situer autour de 1,8% après une performance à 3,8% en 2007 et le taux de chômage espagnol devrait également s’y avérer le plus élevé d’Europe atteignant 11% en 2009...

L’Espagne est un cas d’école démontrant la mission quasi impossible de la Banque centrale européenne consistant à maintenir au sein de la zone Euro une politique monétaire se voulant harmonieuse. Ce pays, qui avait néanmoins pleinement profité dans le passé de la politique de cette même BCE, est à présent tiré vers le bas dans le contexte que l’on connaît d’augmentation des prix généralisée de l’énergie, des matières premières et des denrées alimentaires. En effet, l’Espagne a largement bénéficié jusqu’à un passé assez récent d’un environnement européen de taux d’intérêts bas, en partie grâce à la machine allemande, que la taille de l’économie espagnole n’aurait jamais pu assumer sans le parapluie de la BCE. Cette politique du crédit à bas prix ayant à son tour permis l’accélération des marchés immobilier, automobile et du petit crédit. A elle seule en 2006, l’Espagne a construit 700 000 nouvelles maisons, soit plus que l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne réunies ! Encouragés par des établissements de crédit locaux qui accordaient des crédits allant jusqu’à 100% même aux nouveaux arrivants d’Amérique du Sud, les investissements immobiliers ont représenté 10% du P.I.B. espagnol en 2006.

L’Espagne ne peut donc plus se payer le luxe de taux d’intérêts élevés mais la politique monétaire européenne n’est pas décidée depuis Madrid mais depuis Francfort et la BCE, qui se bat comme Don Quichotte contre le spectre de l’inflation, ne mettra pas en péril sa stratégie pour relancer l’Espagne... qui pourrait néanmoins opposer à la BCE l’argument légitime et valable selon lequel c’est précisément le contexte antérieur de taux bas voulus par M. Trichet et ses acolytes afin de permettre la croissance de la zone Euro qui a autorisé l’emballement et la surchauffe de l’économie espagnole...

De fait, les banques espagnoles sont sinistrées suite à la déconfiture de Matinsa-Fadesa et les banques européennes qui ont commencé en mai dernier à se débarrasser de leurs créances hypothécaires douteuses détenues sur le marché espagnol pourraient également être prises dans la tourmente. De plus, la crise immobilière espagnole est susceptible de contaminer des pays fragilisés comme l’Italie et l’Irlande. A ce sujet, souvenons-nous que le dernier ralentissement économique européen survenu en 2001-2002 a précisément pu être surmonté en grande partie grâce à la croissance spectaculaire de pays ayant fortement profité du boom immobilier comme l’Irlande et l’Espagne.

Qui sera la locomotive européenne en 2008-2009 ?


Lire l'article complet, et les commentaires