L’Etat français en faillite : la spécificité française

par francois DESVIGNES
lundi 7 mars 2011

La France vient de franchir le seuil fatidique de 1700 milliards d’euros d’endettement : elle est en faillite, sinon aujourd’hui, demain, inexorablement.

Cette série d’articles vise à démontrer la spécificité de la dette française quant au cumul de la dette avec l’impôt (I), quant au volume hors contrôle de la dette (II), quant à la la structure insoluble de la dette (III) et enfin quant à la philosophie de la dette (IV) qui sont les quatres raisons de son impossible apurement.

I LA SPECIFICITE DE LA DETTE & DE L’IMPÔT EN FRANCE

La normalité française

Une dette est un impôt différé et l’impôt une dette évitée.

Il ne faut pas reprocher « l’impôt » à la République : il a toujours existé et chacun comprend sa necessité ; Il ne serait pas sérieux en singeant proud’hon de prétendre que l’impôt en général et celui de la France en particulier est un vol d’Etat.

Sous l’Ancien Régime il éait toujours négocié en fait d’être imposé, le plus souvent par le vote aux Etats généraux. Pareillement, la République n’est pas voleuse au sens où on l’entend habituellement c’est-à-dire que sa gloutonnerie insatiable d’impôts ne constitue pas en soi la preuve de son vol manifeste, aurait-elle enrobé ses vols de promesses inconsidérées.

Et, pour sa défense, il faut dire que cette manière de voir de ses détracteurs, assimilant n’importe lequel de ses impôts au vol, quel qu’en soit le montant, est une démarche à la fois erronnée et démagogique.

Elle est erronnée parce que l’impôt voté par le parlement, censé exprimer la volonté générale, n’a jamais été imposé par surprise ou à l’insu du contribuable. Légalement s’entend.

Certes, ceux qui le votent ne sont pas toujours ceux qui le paient et le simple coup d’oeil sur la composition socio-professionnelle de nos assemblées suffit à démontrer que c’est en définitive plus souvent l’inverse qui se produit : une assemblée dont les membres sont issus par leur formation ou par leur occupation de la fonction publique lato sensu (http://local.attac.org/parisctr/doc...) demandant aux forces vives de la nation de payer l’impôt, une noblesse de fonction républicaine régissant un Tiers-Etat impuissant, sans accès réel aux pouvoirs, définitivement noyautés par eux.

C’est un procédé grossier de confiscation de la démocratie.

Il ne faut donc pas faire le procès de l’impôt même excessif à la République et surtout pas en prétendant que parce que c’est une république son impôt est systématiquement injuste. Ou que parce qu’elle est noyautée par une oligarchie, l’oligarchie ne fait que ce qu’il y a de pire, surtout lorsqu’elle nous impose. C’est vrai que l’oligarchie est toujours arrogante. C’est encore plus vrai que la République est noyautée par elle. C’est vrai que son impôt est injuste comme tout ce qu’elle fait mais pour d’autres causes.

Au fond, aussi longtemps que nous aurons la liberté d’aller et de venir, c’est-à-dire le droit inaliénable de lui claquer la porte au nez quand notre patience et nos deniers seront epuisés, on ne devrait pas parler de vol de la République mais plus sûrement de consentement forcé à l’impôt. L’impôt est certes voté mais le consentement à sa levée auprès des Français au lieu d’être préalable au vote lui est postérieur et au lieu d’être libre est contraint http://www.performance-publique.gou....

Contraint par les discours culpabilisants des élus, jusqu’à la démagogie, à l’adresse des forces vives chargées de le payer, toujours dirigés à l’encontre de ceux qui vont être victimes de la nouvelle mesure, jusqu’au lavage de cerveau. Pour faire accepter ce que tout un chacun sincère finit par trouver inacceptable, les augmentations d’impôts sont toujours presentées comme exceptionnelles et temporaires, toujours avec des taux minimes pour commencer et donc comme tels insuffisants à déclencher une insurrection.

Par exemple, l’impôt sur le revenu a été voté pour la première fois en France le 15 juillet 1914 ; il était de 2 % et à l’époque il avait declenché une vague de protestations sans précédent. Simplement comme seuls 1,7 % des foyers y était assujettis, l’insurrection n’avait pas plus de chances de voir le jour qu’un pétard mouillé de faire sauter l’assemblée qui l’avait voté. Le cancer va faire ses métastases : en 1980, l’impôt sur le revenu est devenu un impôt sur l’activité des personnes, l’immense majorité des Français ne tirant plus, dès cette époque, leur subsistance des fruits de leur épargne mais de leur travail. La tranche supérieure s’elève à 75% et 65% des foyers fiscaux y sont soumis.

Les dangers insurrectionnels ou d’exil fiscal sont alors réels à cause du caractère confiscatoire des tranches élevées et pour prévenir ces risques d’exode (car les riches ne montent jamais sur les barricades pas plus en 89 qu’aujourd’hui) les taux refluent pour la première fois de leur histoire en 2000, sous un gouvernement de gauche, et en 2007, sous un gouvernement de droite. Sous l’effet de l’émigration des riches de l’hexagone le taux marginal d’imposition est ramené à 40%, les droits de succession sont allégés : César n’obéit qu’à la menace.

Et ne craint que deux choses : sa solitude qui le rend vulnérable. Et notre union déterminée qui nous rend invincibles.

Aussi, César en soumettant tout le monde à l’impôt, et de plus en plus, a-t-il ruiné l’impôt !

Ce qu’il recommence à faire après avoir tenté de s’amender en cherchant à revenir sur les baisses consenties antérieurement, le bouclier fiscal lui coûtant trop cher, aujourd’hui ceci, demain cela http://www.lepoint.fr/economie/fill...

Une dette est un impôt différé et l’impôt une dette évitée.

Du côté de la dette, une critique de son montant, de sa structure ou de sa periodicité, au seul pretexte qu’elle serait française ou républicaine, ne serait pas plus légitime.

La dette est inhérente à l’Etat et à la guerre, les Etats finançant toujours leurs guerres par la dette, les ressources ordinaires de l’impôt étant insuffisantes à financer leurs engagements militaires ce qu’illustre le graphe suivant, celui de l’endettement du Royaume Uni :

Ainsi, la dette britannique a représenté jusqu’à 300% de leur P.I.B. au lendemain des guerres napoléoniennes et de la seconde guerre mondiale, des chiffres bien supérieurs à ceux que nous connaissons aujourd’hui.

La spécificité française ne vient même pas, contrairement au titre annoncé, à ce qu’elle serait en faillite car, sur ce terrain, si le fait est d’ores et déjà indéniable comme il sera démontré, la France ne sera pas la première à essuyer une faillite par exemple celles, retentissantes et en chaine, de Philippe d’Espagne en 1557, 1575, 1596, 1607, 1627 à comparer à celle partielle de la France en 1797 avec le vote de la loi du "Tiers consolidé", une littote signifiant que seul le tiers de la dette serait payée (et non sera) http://fr.wikipedia.org/wiki/Tiers_....

En matière de dette publique ou d’impôts ces tendances, mouvements de balanciers, coups de force et boomerangs ne sont donc pas spécifiques à la République.

Car au fond, tous les Etats à toutes les époques adoptent des procédures analogues avec plus ou moins de bonheur et d’intelligence c’est-à-dire de mesure et de justice.

La spécificité française

La spécificité française est ailleurs. La spécificité républicaine encore autre part. Ni l’une ni l’autre ne permettrait de qualifier la République de voleuse. De suicidaire oui, de voleuse non.

La specificité française vient de ce qu’elle a toujours été en guerre depuis sa création en ce sens que chaque génération a connu sa guerre, ayant à chaque fois mobilisé l’essentiel des forces vives du pays. Très tôt, l’Etat s’est donc construit sur des nécessités de guerre et l’impôt levé l’a été à des fins de financement de la guerre. Dans cette culture de guerre, même lorsque la France est en paix, elle est encore en guerre, en après-guerre ou en avant-guerre.

Aussi, même lorqu’elle est en paix, elle n’oublie pas la guerre. Au contraire, même en paix, elle ne sait que réparer la guerre précédente et préparer la suivante. Quand elle ne se trouve pas d’ennemis à l’étranger, elle s’en découvre à l’intérieur ; quand ils n’existent pas, elle se les fabrique : guerre étrangère, guerre civile, guerre religieuse, guerre coloniale, guerre de décolonisation, guerre des croisades, en guerre, en avant-guerre, en pré-guerre et en après-guerre, dans sa culture de guerres tout est prétexte à des guerres et sa diplomatie se réduit le plus souvent au nombre de ses canons (http://francoisdesvignes.over-blog.com/).

Aussi, la spécificité française est d’être traditionnellement surimposée et d’avoir en temps de paix une rentabilité de l’impôt et de l’Etat déplorables : ni l’un ni l’autre ne sont institués pour la paix et pour tout dire, en temps de paix, hors leurs environnements naturels, l’impôt ne sait plus comment se justifier et l’Etat ne sait plus comment se tourner.

Total des prélèvements obligatoires, en % du PIB, dans quelques pays de l’OCDE, en 2005 :

La France est traditionnellement surimposée par rapport à ses voisins car plus qu’eux elle finance des guerres.

Et c’est donc par l’endettement, toujours, qu’a été financé cet effort de guerre, le budget étant traditionnellement à peine équilibré c’est-à-dire sans les marges de manoeuvres nécessaires à des engagements extérieurs pour fait de guerre.Puis pour le service de la dette et le remboursement des emprunts de guerre par une tradition de surtaxation par rapport à ses voisines.

Mais retenez bien que le "Puis" est très important : d’abord le surendettement pour financer cette belliciste ; suivi de la surimposition pour le remboursement, jamais les deux à la fois. (en principe).

L’anomalie républicaine

La guerre étrangère en moins, le système est donc resté inchangé de nos jours et le tableau supra autant que la remise en cause récente des allègements fiscaux illustrent tristement cette vérité.

Sauf que le système s’est en plus aggravé pour cause de guerre économique : notre système d’imposition est non seulement un des plus lourds du monde mais notre endettement atteint 80 % du P.I.B après les plans de relance, en constante augmentation depuis 1981 où il n’était que de 20% :

Pour le dire autrement, nous sommes encore plus en état de cessation des paiements que Louis XVI qui comparé à nous l’était à peine... quand nous le sommes absolument.

Et contrairement à l’idée communément reçue nous sommes les seuls dans cette situation si exceptionelle (et tragique) et pourtant si typiquement républicaine. Car nos voisins, eux, sont soit surendettés soit surimposés mais jamais les deux à la fois.

Nous si.

C’est la nouveauté de l’exception française.

La spécificité française s’est d’être soit surimposée soit surendettée pour fait de guerre et l’anomalie républicaine, phénomène nouveau, sans précédent, c’est d’être surimposée ET surendettée sans aucun motif de guerre à avancer c’est-à-dire STRUCTURELLEMENT en banqueroute.

Par exemple, un Japonais est surendetté à hauteur de 200 % et plus de son P.I.B. Mais il est de ceux les moins imposés : en fait il a fait payer son impôt par la dette.

Un Suédois est surimposé. Mais il est "sous-endetté" ou à tout le moins dans un processus d’apurement de sa dette même si le Danemark fait beaucoup mieux qu’elle. En fait, chez eux les générations futures seront libres de toute dette.

Le vrai mal français, sa triste exception, est dans ce cumul : l’Etat a surimposé les parents et surtaxés les enfants. Les parents parce qu’ils paient l’impôt, les enfants parce qu’ils devront rembourser la dette.

Dira-t-on, demain est un autre jour. C’est vrai. Même si ce n’est pas très moral. Et d’autres avant nous ont dit « Après nous le déluge ».

Si les budgets (Etat, collectivités territoriales et protection sociale) mangent 50% du P.I.B. chaque année, sans pour autant être en équilibre, et s’il faut en plus rembourser le capital des dettes d’hier pour un montant égal à 80 % du P.I.B., comment voulez-vous avec 100 payer 130 ? On va étaler la dette ? Si vous voulez.

Mais déjà nous optons pour des solutions « subsahariennes ». La qualité de notre signature va s’en ressentir. Mais admettons : rééchelonnement de la dette sur dix ans.

Mais alors parlons franc : nous avons bien volé les générations futures en leur imposant une dette que nous avons déjà entièrement consommée ! Et si nos budgets ne sont toujours pas en équilibre, autant dire les choses clairement et honnêtement : nous sommes en banqueroute.

C’est cela l’exception française. Ou plus exactement républicaine.

La dernière fois que nous y avons été confrontés, nous avons fait quatre choses : on a ruiné tout le clergé en leur volant tout ce qu’ils avaient pour un maigre profit. On a récidivé avec les biens des émigrés sans beaucoup de profit additionnel. Et donc comme cela ne suffisait pas, on a fait une troisième chose : on a spolié les banques avec la loi du tiers consolidé de 1797 en ne s’engageant plus à leur payer que le tiers de ce qu’on leur devait. Comme cela ne suffisait toujours pas, on a fait la chose que l’on savait le mieux faire : on a fait la guerre à l’Europe entière pendant quinze ans imposant à nos vaincus des indemnités de guerre colossales.

Pour en définitive aboutir à un désastre à la fois militaire, Waterloo, et démographique ; la France devra attendre un siècle pour se remettre des saignées des guerres révolutionnaires et impériales, entamant un siècle d’instabilité et de division, politique, morale, économique : toujours à partir de cette date l’astre France est descendu dans le firmament des nations alors même qu’en essuyant des éclipses comme celle de la guerre de cent ans la France était toujours montée dans le concert des nations avant cette date.

Aussi, ne croyons pas qu’une dette est une dette et qu’on finit toujours par la rembourser.

Aujourd’hui, pour la France, encore moins qu’hier : elle a perdu le droit de se mettre en faillite en perdant sa monnaie ; pour des raisons analogues, et de bon sens qui l’honorent, elle ne peut davantage spéculer sur la fuite en avant guerrière ; elle ne peut pas augmenter les impôts sans asphyxier pour de bon le pays ; elle ne peut non plus augmenter son endettement, le seul service des intérêts étant déjà devenu le premier poste du budget, avant celui de l’Education nationale, 40 % de son montant, que l’impôt sur le revenu lui-même ne permet plus d’amortir.

Sire, gardez-vous à droite ! Sire, gardez-vous à gauche ! Elle avance un pas de plus dans l’endettement, elle tombe ! Elle recule dans l’imposition, elle s’écroule ! Elle relance, elle s’effondre ! Elle serre toutes les vis, elle s’asphyxie !

Elle vient, avec le service des intérêts de la dette devenu premier poste du budget, de perde toute liberté de manoeuvre.

Le signe de croix est son seul salut et l’enfer qu’elle vient d’ouvrir son seul avenir. (à suivre)

François DESVIGNES


Lire l'article complet, et les commentaires