L’Etat solde PSA à Dongfeng

par Laurent Herblay
mercredi 22 janvier 2014

Beaucoup se réjouissent de l’accord entre PSA, l’Etat et Dongfeng, qui devrait fournir les 3 milliards d’euros dont le groupe automobile a besoin. Mais quand on prend un peu de recul, on se rend compte que la France laisse faire un accord qui est une aubaine assez injuste pour la Chine.

Le beurre et l’argent du beurre pour la Chine
 
Ici, il faut rappeller comment la Chine a fait pour construire son industrie automobile. Dans les années 1990, elle a mis en place des droits de douanes d’environ 100% sur les véhicules importés, imposant aux grands constructeurs de construire une usine sur place en partenariat avec une entreprise chinoise (Dongfeng faisant partie des heureux élus), qui pourrait ainsi apprendre à fabriquer des voitures et bénéficier de transferts technologiques. Ce faisant, la Chine réplique le modèle de développement asiatique, initié par le Japon, puis suivi par la Corée, entre protectionnisme et dirigisme étatique.
 
Ce faisant, la France et la Chine luttent de manière totalement déloyale, comme l’illustre l’écart entre nos exportations vers la Chine (15 milliards) et nos importations (41 milliards). L’Empire du milieu accumule de l’argent en protégeant son marché intérieur et en bénéficiant de l’ouverture du marché des autres. Pire, Dongfeng, qui est une entreprise publique, s’est enrichie grâce aux partenariats imposés par l’Etat chinois aux constructeurs étrangers, le tout sans fabriquer le moindre véhicule seul. Et quand on sait que la Chine est championne de la copie et la contrefaçon industrielles…
 
La trahison du gouvernement

Bien sûr, on peut se dire que cela devrait encore renforcer la présence de PSA en Chine, qui devrait être rapidement le premier marché de la marque Citroën, mais ce serait oublier que toutes les autres marques ont également des partenaires chinois qui peuvent les aider. Mais surtout, il est assez effarant qu’une telle opération soit conclue au point bas du cycle automobile, alors que tout indique que les ventes du groupe vont rebondir en 2014 (si ses ventes ont baissé de 5% sur 2013, sur le dernier trimestre, elle progressait déjà de 4%), d’autant plus que le marché iranien pourrait se rouvrir.

Bref, Dongfeng va gagner une participation à bon compte. En fait, il faudrait que l’Etat s’inspire de la façon dont l’administration Obama a sauvé General Motors en 2009, en n’hésitant pas à prendre 61% du capital du constructeur, avant de céder progressivement son capital jusqu’en 2013. Et si les Etats-Unis ont perdu comptablement 10,5 milliards de dollars, cette perte aurait été bien plus importante en cas de faillite. Au final, les 3 milliards dont a besoin PSA sont faibles par rapport aux sommes mobilisées par le gouvernement étasunien pour sauver sa première entreprise automobile en 2009.
 
En outre, la prise de participation sera bénéficiaire à terme, avec le retournement du marché. Ce faisant, le gouvernement va faire une forte plus-value à Dongfeng, le loup qui entre dans la bergerie. Pire ce n’est que justice que d’aider un constructeur qui a conservé 40% de sa production en France, plus que les 25% de Renault, où l’Etat est pourtant actionnaire. Et ce d’autant plus que ses difficultés sont la conséquence d’une crise sans précédent du marché européen (en baisse pendant six années consécutives) et de sa sortie imposée du marché iranien par GM, le groupe étant bien géré par ailleurs.

Le plan du gouvernement est un véritable scandale qui profite beaucoup trop à Dongfeng, un compétiteur redoutable qui n’a pas nos états d’âme. Pour 3 milliards (0,3% de la dette publique), l’Etat aurait pu parachever le redressement de PSA sans même prendre de risque pour le contribuable.


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