L’Europe devra marcher ou crever !

par Michel Santi
mercredi 26 mai 2010

En un sens, Madame Merkel - affublée récemment de l’explicite sobriquet "Geld und Gut" et qui ne compte plus ses détracteurs- a raison lorsqu’elle affirme en substance que l’échec de l’Euro serait également celui de l’Union. Pour autant, elle n’admettra jamais publiquement ce dont elle est du reste pertinemment consciente, à savoir que sa détermination - aussi flamboyante fût-elle - ne parviendra pas à restaurer la confiance en l’Europe et, en conséquence, à sauver la monnaie unique ! Car l’austérité qui va s’abattre sur l’Europe est en passe d’achever l’Euro ... en tout cas celui que l’on connaît depuis son lancement, donc depuis une grosse décennie.

Quelles motivations y aurait-il, au demeurant, à sauver une devise qui s’enlise irrémédiablement sous le poids des dysfonctionnements structurels de l’ensemble dont elle est censée être la vitrine ? Et comment pérenniser une monnaie (et un taux d’intérêt uniforme) qui représentent seize économies affichant de telles disparités fiscales et budgétaires ? L’avenir de l’Euro dépendra ainsi intégralement en la capacité de ses membres à se doter rapidement d’un organisme supranational dont le rôle sera la stricte supervision de leurs budgets respectifs avec un corollaire inéluctable qui consistera en la sortie - au moins provisoire - de certains Etats incapables de satisfaire aux exigences les plus basiques de cet organisme. Car l’avenir à très court terme et facile à deviner de l’Europe se réduira en un affrontement entre pays riches et pays pauvres de l’Union : Un Euro Allemand n’est-il pas en effet pas cent fois - mille fois - plus crédible qu’un Euro Grec ou qu’un Euro Portugais ? Sous sa forme actuelle où ses pays aisés et ceux dans la tourmente regardent obstinément dans des directions opposées, l’Union Européenne est condamnée à disparaître car l’ouvrier qualifié Allemand de Mercedes refusera toujours de payer pour le paysan ou pour le fonctionnaire Grec !

N’est-il pas affligeant que, dans un tel contexte, Madame Merkel - qui compte parmi les rares dirigeants Européens encore crédibles - sorte de son chapeau de magicienne l’interdiction de la vente à découvert, présentée comme la panacée pour solutionner les maux Européens ? Attaquer le spéculateur, telle est la tentative désespérée de la Chancelière Allemande pour détourner l’attention des carences Européennes qui n’ont pourtant qu’un seul et unique remède : l’intégration politique totale. Pourtant, la descente aux enfers de la dette des pays d’Europe périphérique est bien plus le fait de fonds de pension - donc d’investisseurs traditionnels qualifiés de "respectables" - déçus de l’abandon de la discipline fiscale Européenne que d’une spéculation effrénée et aveugle qui se serait attaquée à une Europe vertueuse... Qu’à cela ne tienne : les responsables politiques et économiques Européens préfèrent se livrer à des procès d’arrière garde et à des comptabilités d’épiciers plutôt que d’avoir le cran visionnaire ! N’est-il pas tellement plus simple de céder aux sirènes de la démagogie que de tirer de précieux enseignements de la crise financière actuelle ?

Pourtant, ces technocrates sans imagination, sans souffle et sans vision du futur qui nous dirigent se rendent aujourd’hui compte - et pour la première fois depuis de nombreuses années - que leur opportunisme et leur couardise ne permettront plus le retour au "business as usual" car les populations Européennes sont usées et ne peuvent plus assumer le coût de leurs délires. L’abolition des frontières nationales étant aujourd’hui sérieusement remise en question par la crise financière et par la disparition de la croissance Européennes, nos politiciens - champions de la déréglementation et la dérégulation à outrance - devront se préparer très rapidement à affronter un nouveau fléau, celui du nationalisme. En effet, la période heureuse où l’Union Européenne - et avec elle le monde Occidental - pouvait conjuguer démocratie, souveraineté nationale et commerce transfrontalier illimité dans un seul et même temps présent est aujourd’hui révolue. Plus aucun responsable politique ne tolèrera la volatilité exacerbée des marchés sous réserve de sanctions électorales !Et quel Etat serait encore prêt à abandonner souveraineté nationale et démocratie à l’autel de la globalisation ? Ce "trilemme" décrit par Dani Rodrik, professeur à Harvard, est néanmoins le legs empoisonné d’une Union de nations hétéroclites persuadées que l’hyper libéralisation finirait bien par insuffler une identité commune à ses membres...

Voilà pourquoi Madame Merkel tente aujourd’hui de calmer le jeu (et de regagner des électeurs) en s’attaquant à des ventes à découvert qui ne sont pourtant qu’un épiphénomène insignifiant de la globalisation, voilà pourquoi le retour à une certaine forme de contrôle des flux de capitaux est prévisible, voilà pourquoi la Banque Centrale Européenne est tout récemment entrée dans l’arène en amassant des créances pourries... En réalité, les membres de l’Union Européenne seront de manière imminente devant un choix Cornélien : abandonner leur souveraineté nationale ou ... la globalisation ! En un mot comme en cent : L’Europe doit s’intégrer plus et nettement plus au risque de se désintégrer et d’être la proie des intégrismes.
 

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