L’idiotie des plans de relance permanents

par Nono Ladette
jeudi 4 décembre 2008

 Depuis que George Bush a commencé à distribuer des chèques aux américains début 2008, presque tous les gouvernants dans le monde ont été pris d’une envie irrépressible : puiser plus vite que les autres dans l’argent public pour tenter de diminuer les effets de la crise. Une compétition court-termiste du plus gros déficit (dans laquelle la France part avec une longueur d’avance) semblable à la surenchère de risques pris par les banquiers dans le subprime ! Pourtant, des plans de relance en période de récession seraient nécessaires pour lisser les effets des cycles économiques... si des marges de manœuvre étaient dégagées en temps de forte croissance.

Je ne discuterai pas les plans de sauvetage du système financier : au point où on en était ils étaient inévitables. En revanche les plans de relance immédiats de la machine économique enrayée constituent une négation de la crise. En effet, une crise est une période de rupture entre un équilibre et un autre, de passage d’un monde à un autre. Elle implique des changements nécessaires et elle permet des évolutions souhaitables.

Prenons l’exemple de l’automobile : depuis plusieurs années le nombre de véhicules légers (voitures particulières et utilitaires légers) vendus en France était à peu près stable à 2,5 millions (la production française étant légèrement supérieure). Cette production générait beaucoup de richesses pour le pays, en termes d’emplois (environ 10% de la population active), de profits et de recettes fiscales. Soudainement la production a baissé de 20%, sans perspective de rebond à court ou moyen terme. L’Etat doit-il faire en sorte qu’elle revienne immédiatement à son niveau antérieur, quitte à devoir subventionner toute l’activité automobile du pays ? Ne devrait-il pas dans un premier temps laisser les patrons et leurs actionnaires à leurs responsabilités, eux qui avaient promis une hausse de la production ?

Ne devrait-il pas se demander quels secteurs relancer : ceux en crise ou ceux à potentiel ? La crise nous dit : nous vivrons demain dans un monde avec moins de voitures, un monde qui consomme moins d’acier, moins d’aluminium, peut-être moins de pétrole... Et tant mieux, on commençait à s’en rendre compte, c’est maintenant clair. Plutôt que d’utiliser des milliards d’argent public pour maintenir la production de lagunas, l’Etat devrait affecter ces ressources sur l’accompagnement des ouvriers qui y auront perdu leur emploi (formation ou prime directe) et sur la stimulation des secteurs économiques de demain dans lequel notre pays peut avoir un avantage technologique et qui peuvent être notre prospérité de demain (transports propres, énergie solaire, bio- et nano-technologies, sans oublier la recherche fondamentale...). Enfin, il le pourrait s’il n’était pas déjà en "plan de relance permanent".

En effet, rappelez-vous début 2007 : alors que la croissance mondiale dépassait 5%, l’économie française croissait de 2% par an depuis plusieurs années. Tous les candidats à la présidentielle - et surtout celui qui l’a emportée - estimaient pourtant qu’une fois élus ils l’augmenteraient à 3% ("avec les dents" si nécessaire). L’économie créait un nombre exceptionnel d’emplois (300 000 en 2007) mais nos dirigeants ont fait une erreur fondamentale de diagnostic : penser que la croissance était inférieure à son potentiel et donc la stimuler par defauras éxonérations fiscales. Par exemple la réduction de TVA à 5,5% sur la rénovation dans le bâtiment et les réductions d’impôt sur le revenu (Besson, Robien, etc) pour stimuler la construction de nouveaux logements alors même que les entreprises du secteur manquaient de main-d’oeuvre ! Il aurait mieux fallu remonter la TVA à 19,6% et supprimer ces avantages fiscaux dès que l’activité immobilière a dépassé son potentiel de moyen-terme en 2004-2005 (le déficit de l’Etat aurait été réduit) et utiliser cette marge de manoeuvre en 2009 pour que les entreprises du bâtiment n’aient pas trop à licencier !

Car en réalité, le potentiel de croissance était plutôt de 1,5% (ce que Patrick Artus rappelait souvent dans L’Expansion par exemple) et si nous étions au-dessus, c’est uniquement parce que l’activité était stimulée à court-terme par l’augmentation du crédit (en France comme ailleurs). Nos dirigeants auraient dû mettre des noisettes de côté comme les Allemands, pour pouvoir stimuler une économie en difficulté en 2009. Au lieu de cela, notre déficit restait très proche de 3% du PIB. Avant tout plan de relance, par le seul fait du ralentissement économique, il sera de 4% en 2009 et 5% en 2010, avec une dette nettement supérieure à 70%. Toute dépense additionnelle remettrait en cause - et pour la première fois - la solvabilité à moyen-terme de l’Etat français.

www.NonALaDette.fr


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