Le cabinet d’audit PWC a publié une étude prospective sur le niveau des salaires en 2030. Une étude reprise par tous les médias comme une démonstration que tout finira bien avec la mondialisation du fait de la convergence des salaires. Une conclusion naturellement abusive.
Beaucoup de bruit pour rien
La Tribune met en avant le fait que «
les salaires indiens 8 fois inférieurs aux français en 2030, contre 28 fois en 2013 ». Tout le monde a également repris la prévision selon laquelle les salaires chinois atteindraient la moitié des salaires espagnols. On fait également grand cas du fait que les salaires moyens mensuels en Inde devraient passer de 132 à 616 dollars d’ici à 2030. Bref,
comme le conclut l’étude, «
les entreprises pourraient relocaliser certaines activités de production ou de service dans leur pays d’origine, comme ont déjà commencé à le faire certaines sociétés américaines ».
Pire, cette étude décidément bien superficielle oublie un aspect essentiel :
la productivité. Même si les salaires progressent plus vite en Chine ou en Inde, il est probable que leur productivité augmentera aussi plus que dans les pays dits développés. Et il n’est pas du tout sûr qu’au final, les écarts de coût salarial unitaire disparaîtraient, voire même baisseraient avec de telles hypothèses.
Une présentation biaisée et partisane
Ce qui absolument affligeant, c’est que les médias ont relayé les conclusions de cette étude sans la moindre nuance ni distance critique. Tous relaient cette vision idéale d’une mondialisation heureuse qui permettrait l’enrichissement des pays les plus pauvres et la fin prochaine des délocalisations. Tout d’abord, étant donné l’entreprise qui a réalisé l’étude, des journalistes sérieux auraient dû se demander si cette étude n’est pas réalisée à charge, pour défendre la mondialisation. Ensuite, on peut contester que les salaires montent dans les pays dits développées : c’est le contraire qui se passe aujourd’hui.
Des journalistes sérieux auraient également dû pointer que les chiffres avancées ne sont pas suffisants pour justifier la relocalisation des activités. Au contraire, l’écart augmentant en valeur absolue avec l’Inde, cela justifierait plus de délocalisations, mais en Inde au lieu de la Chine. Ensuite, il est toujours hasardeux de raisonner en moyenne
comme le montre la récente étude d’Emmanuel Saez qui montre que si les revenus ont progressé de 6% depuis 2009 aux Etats-Unis, les revenus des 10% les plus riches ont monté de 15% quand ceux des 90% restant ont baissé de 1,6%.
En tout cas, bravo aux partisans de cette mondialisation délétère. Avec cette étude biaisée et partisane, ils ont réussi à faire passer leur thèse, reprise sans la moindre distance critique par la plupart des médias. Pourtant, il n’était pas bien difficile de la remettre en question…