L’insoutenable légèreté de nos politiques économiques

par Michel Santi
vendredi 9 janvier 2009

Les taux d’intérêts britanniques se retrouvent depuis jeudi 8 Janvier à 1.5%, soit au plus bas depuis la création de la Banque d’Angleterre en 1694 ! Pour la première fois dans l’Histoire des Etats-Unis, les taux US, eux, se retrouvent proches du zéro absolu. Bienvenue dans le monde des rendements nuls ! Accueillons à bras ouverts un cycle nouveau dit des "baisses quantitatives" dont l’objectif théorique est de conjurer les effets dévastateurs d’un cocktail détonnant fait de déflation et d’accroissement de la dette ! Une économie - même développée – pouvant généralement s’accommoder avec difficultés de l’un de ces deux maux, le dilemme reste insurmontable en cas de conjugaison de ces deux calamités...

Le schéma est pourtant aisé à comprendre car, à mesure que prix et valorisations baissent, le poids de la dette se creuse car celle-ci demeure évidemment inchangée, ce tandem déflation/dette se transformant en spirale infernale auto alimentée ! C’est ainsi que les débiteurs ont été étranglés entre 1929 et 1933 du fait d’une dette réelle qui s’était creusée de 40%. Aujourd’hui, la dette des ménages Américains se retrouve quasiment à son plus haut niveau historique à 14’000 milliards de dollars tandis que leur richesse s’est effondrée de 14% à cause de la chute des valorisations immobilière et boursière. Quelqu’un douterait-il encore que les Etats-Unis subissent de plein fouet la déflation par la dette ?

On comprend mieux pourquoi la Réserve Fédérale US fait fonctionner à plein régime la planche à billets dans le seul but d’acheter tous types d’actifs, caressant ainsi l’espoir d’en faire remonter les valorisations...La Fed en devient du reste boulimique puisque son bilan s’est gonflé de 800 milliards de dollars depuis Septembre dernier pour atteindre 2’200 milliards de dollars à fin Décembre, les prévisions le donnant à 3’000 milliards dans le courant de ce trimestre. En outre, la nouvelle administration Obama persévèrera dans cette voie avec un plan consistant à accroître la dette de quelques 850 milliards de dollars : Les Gouvernements successifs des Etats-Unis prennent donc le risque délibéré d’attiser l’inflation tout en portant les déficits aux abysses.


Bienvenue également dans le monde des déficits budgétaires colossaux : celui des Etats-Unis atteindra 9, voire 10%, du P.I.B. en 2009 ! A l’exception de l’Allemagne, l’Europe n’est pas épargnée dans cette inflation désordonnée des déficits budgétaires, la situation des déficits Japonais, elle, étant tout bonnement catastrophique...

La confiance ayant disparu, les investisseurs se ruent donc sur les obligations d’Etat, en dépit de l’aggravation de l’endettement de ces mêmes Etats. Aujourd’hui autour de 2%, le rendement des bons du Trésor US à 10 ans deviendra prochainement nul à mesure que la Banque Centrale Américaine exécutera son projet fou de racheter ses propres bons afin d’injecter un surplus de liquidités sur les marchés ! En fait, le marché obligataire Américain est au bord de l’implosion, sur le point de céder sous le poids d’une stratégie - ou plutôt d’un manque de stratégie - des autorités US qui consiste à noyer marchés et intervenants de liquidités sans prévoir de porte de sortie en cas d’une réapparition de l’inflation qui pourrait s’avérer cataclysmique.

Comment s’étonner dans ces conditions que, eu égard aux dettes Gouvernementales qui ne cessent de s’alourdir, certains pays - et non des moindres - soient menacés de défaut de paiement ? De fait, les marchés obligataires mondiaux anticipent déjà que ces stimuli fiscaux fort coûteux n’auront pas les effets escomptés par les autorités politiques et monétaires des divers pays concernés. Les autorités Américaines se rendront très prochainement compte des effets néfastes de cette politique monétaire extrême en vigueur dans leur pays tout comme ils commencent à s’apercevoir des conséquences dramatiques découlant de leur propension légendaire au crédit...

Cet endettement Gouvernemental US massif se combine donc aujourd’hui à des taux officiels nuls. De fait, zéro est un chiffre énigmatique, élément absorbant en mathématiques, il est synonyme de catastrophe en finance dès lors que zéro devient la rémunération des taux d’intérêts directeurs d’une Banque Centrale. Les investisseurs du monde entier sont perturbés et déboussolés à la perspective que les Etats-Unis s’engagent irrémédiablement sur les traces du Japon des années 90 alors même que le pays est totalement dépendant des capitaux étrangers ! Les Etats-Unis ne sont toutefois pas le seul pays à glisser - ou à s’enliser - dans ce taux zéro puisque l’Europe y viendra fatalement après eux et après le Japon qui y est durablement installé depuis plus d’une décennie...

A l’évidence, les politiques appliquées par nos Gouvernements respectifs ne fonctionnent pas tout comme ces flots de liquidités à bas prix déversés par nos Banques Centrales n’ont pas empêché la congélation du marché du crédit. Notre monde serait certes en nettement plus mauvaise posture sans ces mesures d’urgence mais toutes ces précieuses munitions dilapidées manqueront cruellement dans quelques mois lorsque les effets de la politique monétaire zéro et autres stimuli fiscaux seront dissipés.


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