L’Or et la Liberté
par Michel Santi
mercredi 4 novembre 2009
Dans un essai extraordinaire - et prémonitoire - datant de 1960 et intitulé « L’Or et la liberté économique » ( « Gold and Economic Freedom » ), celui qui n’était pas encore qualifié de « maestro » - Alan Greenspan - notait (en traduction libre ) que « dans un système où est en vigueur l’étalon Or, le montant du crédit toléré par une économie est soutenu par des actifs tangibles ». Poursuivant son plaidoyer en faveur d’un tel régime qui empêche les Etats de s’engager sur la pente savonneuse du crédit excessif, Greenspan affirmait que, « les déficits des Gouvernements sont simplement une confiscation de la richesse qui ne peut survenir en présence d’un étalon or agissant comme un protecteur des droits à la propriété ». Notre configuration financière actuelle n’a plus, à l’évidence, que peu de points communs avec le contexte des années 60. La globalisation, l’intégration et l’interdépendance des économies ayant même eu des conséquences à certains égards pire que lors de la crise des années 30...
Déroute de LTCM, implosion des valeurs technologiques, effondrement de l’Euro sous la barre des 0.90 dollar, liquéfaction du marché immobilier, débâcle du billet vert atteignant 1.60 vis-à-vis de l’Euro, gel de tout crédit, déroutes de Banques majeures...Les crises financières et monétaires qui se succèdent depuis une grosse décennie tout en prenant une ampleur dramatique ne font que souligner le besoin impérieux tout à la fois de cette sobriété comptable et financière vantée en 1960 par Greenspan - mais jamais appliquée quand il était aux affaires - et d’une unité de compte dont la valorisation n’est pas condamnée à se réduire comme une peau de chagrin.
La confiance - cet ingrédient vital - s’estompe progressivement : comment et pourquoi se fier encore à la monnaie fiduciaire qui perd tous les jours un peu plus de son lustre, aux fonds de retraite et autres plans d’assurance dont la valeur est hypothéquée par une inflation à venir induite par les injections massives de liquidités, à un pouvoir d’achat en berne et à des responsables politiques, financiers et économiques bien plus préoccupés de mesures démagogiques court termistes et d’artifices comptables que de préservation du niveau de vie des générations futures ? Les épisodes de croissance faste ponctués par une dérégulation à outrance et par la suppression de toute surveillance et de toute discipline un tant soit peu restrictive n’ont pu dissimuler le drame qui se jouait inéluctablement en coulisse et qui voyait une montée en puissance de la désaffection vis-à-vis des moyens de paiement et de thésaurisation courants. Les conséquences de plus de trente années de "deficit spending" consistant à dépenser sans compter de l’argent qui ne nous appartenait pas et à enfler nos déficits sont perceptibles aujourd’hui avec cette incontestable perte de confiance dans des monnaies fiduciaires ( il y a théoriquement la notion de confiance dans le terme « fiduciaire » ), monnaies dont la valorisation est aujourd’hui soutenue non plus par des stocks d’or mais par un endettement colossal.
Cette combinaison perdante consistant à s’endetter aujourd’hui en laissant les générations futures gérer le poids de ces ardoises n’a au demeurant en rien été amendée à la faveur de la dernière crise. Les récentes Administrations successives Américaines, Républicaine et Démocrate, ayant effectivement fait preuve d’une réelle obsession à éviter absolument la dépression, fût-ce au prix de porter leurs déficits à des niveaux cosmiques ! Les Etats-Unis - et par extension les pays Occidentaux qui leur ont emboîté le pas - ne cessent de vivre au-dessus de leurs moyens en abusant d’un système qui leur a permis de vivre à crédit jusque là impunément. Cette rigueur que conférait naturellement l’obligation de maintenir des stocks d’or en quantités précises en échange de toute monnaie en circulation n’étant plus de mise dès le début des années 70, certains pays ont pu se vautrer dans un confort tout à fait artificiel, vivant au crochet d’autres nations plus industrieuses, ne parvenant à pérenniser ce système quasi mafieux que par un impérialisme – et parfois par un chantage – financier et géopolitique.
Le miroir aux alouettes entretenu par nos responsables se fissure inéluctablement car leurs manipulations consistant à inonder nos économies de liquidités et à dévaluer les monnaies afin de s’offrir un répit ne font qu’aggraver le chaos ! L’investisseur et le citoyen moyen se retrouvent donc confrontés à la politique des taux d’intérêts nuls qui sont leur seul et unique lot de consolation que peuvent encore offrir leurs Banques Centrales et se demandent s’ils seront mangés et accommodés à la sauce de l’inflation ou de la déflation ?
Le métal jaune, de protection " naturelle " face à l’inflation, acquiert dès lors un statut complémentaire et inédit de refuge à l’encontre de la déflation. Le contexte ambiant des taux zéro aidant, comment ne pas privilégier l’or - cet actif tangible et immuable - en période de déstabilisation et de liquéfaction des institutions et des actifs financiers ? L’expansion sans précédent de la Masse Monétaire provoquera ainsi une nouvelle ruée vers le métal jaune, sorte de quête désespérée d’une civilisation Occidentale en perdition qui s’accroche à une bouée de sauvetage...Inflation ou déflation : Réserve Fédérale US, Banque Centrale Européenne et autres Banque d’Angleterre du monde dit "développé" nous poussent littéralement dans les bras de la relique barbare ( pour reprendre l’expression de Keynes ).