Il y a quelques jours, l’INSEE publiait une étude indiquant que les inégalités auraient baissé en 2013. Par-delà le caractère limité, épisodique et myope d’une telle interprétation, les chiffres sur la rémunération des grands patrons du CAC 40 en relativise la portée : +6% en 2014, à 4 210 000 euros !
Des rémunérations devenues extravagantes
Bien sûr,
ceux qui défendent les salaires des grands patrons prennent soin de revenir jusqu’en 2006 pour montrer que la rémunération moyenne de 2014 n’est pas à son plus haut. Bien sûr, elle atteignait plus de 5 millions d’euros peu avant le grand krach. Mais une telle présentation des choses est biaisée. Car si l’on remonte un petit peu plus dans le temps,
au tout début des années 1990, Raymond Lévy, patron de Renault, gagnait alors 1 million… de francs, soit 150 000 euros, par an ! Et la rémunération de Jacques Calvet, alors patron de PSA, avait fait grand bruit quand il avait été révélé qu’elle dépassait 2 millions… de francs, soit plus de 300 000 euros. Aujourd’hui,
Carlos Ghosn, patron de Renault et Nissan, touche la bagatelle de 15 millions d’euros, 100 fois ce que touchait son prédecesseur !
Quand le patron de Renault touchait un peu plus de 20 SMICs il y a 25 années, son successeur en ramasse aujourd’hui 1000 en une seule année ! Voici sans doute le meilleur résumé de l’explosion des inégaliltés au sommet de la pyramide, qui rend totalement caduques
les analyses de l’INSEE, qui, suivant l’indice de Gini, comparent les 10% les plus riches et les 10% les moins riches. Cette moyenne écrase l’envolée des salaires du 1%, ou même du 0,1% le plus riche, sur laquelle dissertent
Thomas Piketty et ses comparses, ou
Joseph Stiglitz. Il est vrai que
Carlos Ghosn est en pôle position du classement 2014, devant l’ancien patron de Sanofi, qui émarge à plus de 12 millions seulement et celui de Dassault Systèmes, à 11 millions. Un patron du CAC 40 gagne aujourd’hui environ 300 SMICs par année !
L’alliance des grands patrons et des actionnaires
En effet, en déversant des montagnes l’or dans les comptes en banque des grands patrons s’ils atteignent les objectifs qu’ils leur ont donnés, les actionnaires ont poussé l’obsession des résultats trimestriels, des rachats d’action, du transfert de plus en plus exagéré de la valeur dans leur poche. Mais ce sont ces obsessions qui ont poussé la finance au bord d’un précipice en 2008, dont seul les Etats pouvaient les rattraper. Ce sont aussi ces obsessions qui ont envoyé les taux de rentabilité à des niveaux tellement hauts (rattrapant ceux de 1929, c’est dire) que même The Economist s’en est inquiété. Et si les actionnaires et une petite élite en profitent, en revanche, la situation est bien moins rose pour les 99% restant, qui n’ont jamais profité du ruissellement fantasmatique des néolibéraux.