La belle Christine

par JDCh
mardi 12 février 2008

Cela fait un certain temps que j’avais envie de "poster" sur la "belle Christine". Pas celle qui a bercé le 20 heures de notre adolescence et que l’on revoit encore sur France 3 le dimanche soir, mais plutôt celle qui est notre actuelle ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi.

Les rumeurs démenties de sa démission la semaine dernière sont une bonne occasion de parler un peu d’elle...

Cette femme élégante au beau sourire est la plus Américaine des Françaises. Elle a travaillé vingt-cinq ans pour le cabinet d’avocat Baker & McEnzie dont elle a été la présidente de 1999 à 2004. Elle a appris, dans cette période, à beaucoup travailler, à entrer rapidement dans des dossiers compliqués, à négocier élégamment pour le compte de ses clients et elle a baigné dans un environnement international lui permettant à la fois d’être à l’aise partout sur la planète tout en étant soucieuse des différences "culturelles" que son parcours lui a forcément fait toucher du doigt.

Lorsqu’elle devint ministre du Commerce extérieur (étonnamment soutenue par un Chirac vieillissant et de plus en plus navrant), sa nomination relevait de l’excellent casting. J’ai, à cette époque, entendu la ministre s’exprimer sur les négociations au sein de l’OMC : elle était extrêmement pédagogue et semblait dominer parfaitement ce dossier complexe. De façon générale, dans une économie globalisée, dans une France de plus en plus dépendante de décisions européennes et dans un contexte où la France, nostalgique de son passé glorieux, paraît souvent ridicule à l’extérieur, avoir une ministre parfaitement bilingue (et comprenant la culture anglo-saxonne) était un atout évident (ndlr : je ne sais pas si l’onctueux Michel Barnier, actuel ministre l’Agriculture et ancien commissaire européen s’est mis à parler la langue de Shakespeare. En tout cas, son incapacité passée a pendant longtemps fait bien rire le "tout-Bruxelles").

Sarko élu, la belle Christine se voit attribuer pour un mois l’agriculture et la pêche. Elle aurait, si cela avait dû continuer, fait sans doute un excellent "job" pour trouver à Bruxelles les bons compromis défendant les intérêts de nos agriculteurs ou marins-pêcheurs sans pour autant ringardiser plus avant les positions de notre "pays de tradition" qui a peur de tous les changements et qui semble trouver normal que 50 % des dépenses du budget européen soient consacrées à l’agriculture...

Après le début de mission catastrophique du fièvreux Borloo à l’Economie et les législatives de juin 2007 (cf Les 22 de Sarko et Un coup de Juppé dans l’eau), elle est propulsée à Bercy dans le grand bureau d’angle où jamais une femme n’avait, pour l’instant, été titulaire du fauteuil...

Avocate habituée à défendre avec intelligence et ténacité ses clients et non forcément à être celle qui donne la direction, celle qui a tenté plusieurs fois sans succès dans sa jeunesse d’intégrer l’ENA, se trouve confrontée à la "bercytocratie" experte en règlements compliqués, en mesurettes politiquement correctes, mais inefficaces économiquement, et fort habile pour défendre à son corps défendant toute véritable transformation de notre pays affaiblissant le tout-puissant Etat colbertiste qui l’a engendré et lui donne des pouvoirs exorbitants...

Pendant presque huit mois, elle doit également, telle une girouette de bord de mer, essayer de suivre notre vibrionnant président un jour libéral, un jour étatiste, un jour apôtre du vrai changement, un jour ardent défendeur d’une réformette marginale... La période n’a pas été facile et le fait qu’elle ait souhaité, la semaine dernière, démissionner est plus que plausible. Quand on connaît, en plus, les croche-pattes que le vénéneux et néanmoins talentueux Xavier Bertrand, ministre du Travail a tenté de lui faire pour "avoir au moins Bercy si Matignon lui est refusé", on comprend que la vie quotidienne de la belle Christine n’est pas tout à fait celle qu’elle souhaitait.

"Christine, attendez les élections municipales et le remaniement" a dû lui demander François Fillon. Bonne fille, elle a accepté et démenti les rumeurs...

La morale de cette histoire est triste : une ministre de l’Economie talentueuse et motivée, qui sait dans quel monde nous vivons, mais qui n’est issue ni du sérail technocratique ni des partis politiques ne peut pas être le commandant en chef de Bercy. La mutinerie arriverait tôt ou tard et, encore plus vite, si l’empereur de l’Elysée se laisse à nouveau tenter par l’interventionnisme, l’étatisme et la démagogie qui ont conduit depuis vingt-cinq ans notre pays au déclin qu’il connaît.

La belle Christine ne sera pas sélectionnée dans les 22 du gouvernement Sarko 3... Triste, non ?

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