La bulle délirante des Uber, Tesla & co

par Laurent Herblay
mardi 20 février 2018

Elon Musk a récemment envoyé une de ses voitures dans l’espace pour en faire la promotion. Par-delà le caractère totalement mégalomane et ubuesque de promouvoir une voiture électrique d’une manière si peu écologique, le plus effarant reste la confiance des marchés financiers à l’égard d’entreprises alors même que leur croissance amplifie leurs pertes au lieu de les combler.

 

Les chiffres totalement fous des licornes
 
Difficile de ne pas être pris de vertige par le grand écart entre les valorisations boursières et leurs résultats financiers. Les résultats 2017 annoncés récemment par Tesla sont accablants : 1,96 milliard de pertes pour 11,76 millards de chiffre d’affaires et seulement 1550 Model 3 livrées au 4ème trimestre, tout en assurant pouvoir en produire pas moins de 5000 par semaine au second trimestre. Comment ne pas être sceptique sur la rentabilité d’une telle accélération alors que la hausse de 68% des revenus en 2017 a encore creusé ses pertes, trois fois moins importantes en 2016 ? Tesla continue de ressembler à un shéma de Ponzi avec ses avances demandées pour des livraisons bien incertaines…
 
 
Sachant que les marchés attendaient trois fois plus de livraisons de Model 3, on aurait pu imaginer un krach de l’action de celui qui envoie une voiture dans l’espace en perdant près de 2 milliards. Mais non, si l’action a perdu 10% un moment, elle s’est vite reprise et les marchés évaluent la valeur de l’entreprise à 56 milliards ! Deux fois plus que Renault, dont les seuls bénéfices représentent près de la moitié du chiffre d’affaires de Tesla, et qui réalise près de 60 milliards de chiffre d’affaires. De même Tesla vaut plus que Ford, ses 150 milliards de chiffre d’affaires et près de 7 milliards de profits ! Warren Buffet n’a-t-il pas dit que les marchés sont « exubérants et irrationnels  » ?
 
Uber a également annoncé ses résultats 2017 et des pertes de 4,5 milliards sur l’année (contre 2,8 en 2016). Sur le 4ème trimestre, l’entreprise a touché 2,2 milliards sur les 11 milliards de CA généré par ses services, tout en perdant 1,1 milliard  : en clair, quand Uber touche 100, elle en dépense 150, dont près de 30 comme dépenses exceptionnelles du type rémunération des actionnaires… Bien sûr, les marchés peuvent se raccrocher à la croissance de l’entreprise, de l’ordre de 60%, mais comme pour Tesla, il est difficile de ne pas se dire qu’il s’agit seulement du même type de bulle qui portait tout ce qui touchait à la radio avant le krach de 1929 ou Internet avant celui de 2001.
 
Il y a une petite once de logique dans cette confiance effarante des marchés à l’égard des licornes : ils ne veulent pas passer à côté des prochains Microsoft, Google ou Facebook, dont la position monopolistique assure des profits colossaux. Si Uber pourrait en avoir le profil, cela est plus discutable pour Tesla, qui est loin d’être seul sur son créneau (Renault notamment) et va bientôt affronter une concurrence plus féroce. Le soutien des marchés a un caractère autoréalisateur car il donne à ses chouchous des moyens totalement décorrélés de leur performance financière. Mais le passif des marchés montre aussi qu’ils sont capables d’erreurs de jugements colossales qui se payent très cher.
 
 
Et quand on voit que les marchés valorisent Amazon 700 milliards pour moins de 2 milliards de profits et 60 milliards de chiffre d’affaires, difficile de ne pas en tirer la conclusion que nous vivons une nouvelle bulle totalement extravagante qui finira à nouveau par un krach financier et probablement la faillite de certaines licornes. La seule question qui se pose est de savoir quand.

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