La cause essentielle de la crise actuelle

par bara paul karim
lundi 18 janvier 2010

Le schéma de la crise actuelle est bien connu : une crise immobilière aux Etats-Unis, suivie d’une crise financière et d’une crise économique mondiale.
L’ampleur de celle-ci a permis de dégager le seul point de comparaison possible : la crise de 1929.
 
Est-il possible de dégager, dans l’état actuel des choses, une cause essentielle à la crise ? Comme nous allons le voir, l’utilisation de produits titrisés a propagé et amplifiée les pertes initiales subies par le secteur financier, ce ne fut pas le cas en 1929, mais il y a un point commun entre la crise actuelle et la crise de 1929 : l’effondrement du système financier dû à l’endettement des ménages.
 
 
Le système financier a supporté, dans un premier temps, les pertes dues à la crise immobilière :
 
Ce sont les biens immobiliers de catégorie inférieure qui ont le plus augmenté, puis baissé, aux Etats-Unis, à la suite du retournement du marché immobilier. Ce sont, en revanche, les biens immobiliers de catégorie supérieur qui ont le moins augmenté et baissé.
A Los Angeles, San Francisco, San Diego et Miami, la baisse des prix a atteint 50%, voire 57%.
 
Lorsque le marché de l’immobilier s’est retourné à partir de 2007, un nombre croisant de maisons avaient une valeur inférieure à celle des emprunts contractés, cela concernait en décembre 2008, 10,5 millions de ménages.
Les premières victimes ont été évidemment les acquéreurs à faible revenu qui avaient contracté des crédits subprimes au sommet de la bulle immobilière et qui n’avaient pour seul bien que leur maison dont la valeur nette (prix du bien - valeur des emprunts contractés) était faible.
 
Le reste des pertes a donc dû être absorbé par le système financier.
 
On peut donc dire qu’il a subi un coup sans précédent depuis la Grande Dépression dû à la faiblesse de la situation financière des individus qui possédaient des actifs immobiliers en baisse, ce qui renvoie à un système bancaire, qui a cru que l’utilisation systématique de produits titrisés, lui permettait de se libérer du contrôle du risque et d’externaliser celui-ci sur des investisseurs institutionnels à la recherche d’une forte rentabilité ; ce qui lui a permis, en outre, d’alimenter la bulle.
 
Afin de mieux comprendre ce qui s’est passé, il faut prendre pour point de comparaison, la crise des valeurs internet des années 2000.
 
Entre décembre 1999 et septembre 2002, lors de la baisse du marché des actions, ce sont 10 billions de dollars de valeur nette qui se sont évaporés.
 
Si on prend, par ailleurs, l’indice BKX des sociétés financières, on se rend compte que, sur la même période, celui-ci avait baissé de moins de 6%.
 
Lors de la crise actuelle, la valeur de l’immobilier résidentiel a diminué d’environ 3 billions de dollars, mais l’indice BKX a chuté de 75% par rapport à son pont haut de janvier 2007.
 
Comment expliquer qu’une crise qui volatilise 10 billions de dollars, ne cause que peu de dommage au système financier, alors que la crise actuelle a failli provoquer son effondrement.
 
Durant la chute des marchés actions dans les années 2000, les actifs appartenait à des investisseurs institutionnels et à des particuliers qui étaient soit propriétaire de ceux-ci, soit en détenait une faible partie grâce à l’endettement, les pertes ont donc été supportées par leurs propriétaires.
 
Alors que dans la période actuelle, les actifs immobiliers aujourd’hui en baisse, ont été acquis avec un endettement de 90%, voir de 100% (sans remplir d’ailleurs le moindre questionnaire). Les baisses pouvant atteindre, dans les villes les plus touchées, 50%.
 
Au cours de la crise actuelle, avec la baisse des prix de l’immobilier, des millions de maisons se sont mises à valoir moins que le montant des emprunts contractés pour les acheter, les emprunteurs ayant toujours la possibilité d’abandonner leurs prêts afin de se libérer de leurs dettes. C’est en conséquence sur le système financier que des pertes énormes sont retombées : banques d’investissement, investisseurs en Mortgage - Backed - Securities, vendeurs de Credit Default Swaps, et sur l’assureur en dernier ressort, le Trésor Américain.
 
Une bulle basé sur un excès d’endettement des ménages induit donc un risque systémique fort. La Grande Dépression et la crise des subprimes en sont la parfaite illustration.
 
 
La crise actuelle et la crise de 1929 ont une cause essentielle commune : l’excès d’endettement des ménages qui a provoqué l’écroulement du système financier.
 
Dans un article paru en 1983, Ben Bernanke (l’actuel président de la FED) a expliqué, que durant la Grande dépression, les graves dommages subis par le système financier avaient entravé sa capacité à s’acquitter de son rôle économique qui est de prêter aux ménages afin qu’ils puissent acheter des biens durables ainsi qu’aux entreprises commerciales et industrielles.
 
Il faut reformuler cette hypothèse afin de l’adapter à la crise actuelle, de la manière suivante : les graves dommages subis par le système financier mondial dus à l’utilisation de produits titrisés, ont rendu celui-ci insolvable et ont entravé sa capacité à s’acquitter de son rôle économique qui est de prêter aux ménages afin qu’ils puissent acheter des biens durables et aux entreprises industrielles et commerciales afin qu’elles puissent financer leurs investissements et leurs cycles d’exploitation.
 
La crise actuelle est par définition une crise économique mondiale qui est due, au blocage synchronisé des marchés du crédit à l’échelle mondiale (à cause de la crise du marché interbancaire qui est un marché mondial), et, qui est marquée par des faillites en chaîne, une très forte augmentation du chômage et une contraction du commerce internationale. C’est une différence majeure avec la crise de 1929 qui n’était pas à l’origine une crise mondiale.
 
Rien n’illustre mieux cela, que la crise du secteur automobile due, en partie, à une offre excédentaire au niveau mondiale, mais aussi à la réduction drastique du crédit automobile, notamment aux Etats-Unis.
 
Elle marque donc une rupture dans un long cycle de croissance qui a commencé dans les années 80. Ajoutons à cela que les événements des 10 dernières années présentent une très forte similitude avec la période menant à la grande dépression.
 
En 1920, la dette hypothécaire résidentielle représentait 10,2% de la richesse des ménages américains ; en 1929 elle en représentait 27,2%.
 
La grande crise serait due à un excès de spéculation sur les actifs financiers, entre le printemps 1927 et l’automne 1929.
 
Or, si les difficultés des banques avaient été causés par les pertes sur les prêts faits aux courtiers concernant les achats sur marge (possibilité d’acheter une action en ne payant que 10% de sa valeur et en empruntant le reste à un courtier), celles-ci auraient du faire ressentir leurs effets immédiatement après le Krach boursier. Alors que le système bancaire n’a pas connu de tensions sérieuses avant l’automne 1930.
 
En 1929 les bénéfices des banques avaient atteint un montant record de 729 millions de dollars. Elles étaient, toutefois, fortement exposées à l’immobilier : la baisse des prix de l’immobilier et les abandons de prêts devaient par la suite balayer les banques par milliers. Afin de comprendre ce mécanisme, il faut se rappeler, de l’engouement des américains les plus riche et de la classe moyenne supérieur, qui les porte (à partir de 1919) à acheter un bien immobilier en Floride (Miami), le plus souvent gagé sur la valeur de leur portefeuille boursier. On retrouve le schéma connu d’une bulle immobilière suivi par une bulle sur le marché des actions, assez proche du schéma actuel : une bulle immobilière amplifiée par une bulle sur le marché des produits titrisés.
Si l’effondrement du système bancaire au cours du « Bank Holiday » de mars 1933 avait été provoqué, comme l’ont affirmé Milton Friedman et Anna Schwartz, par la contraction de l’offre de monnaie, alors les injections massives de liquidités au cours de la crise actuelle auraient du éviter l’effondrement des marchés financiers.
 
Il semble que la Grande dépression et la crise actuelle trouve leur origine dans un excès d’endettement des ménages (en particulier de l’endettement hypothécaire pour la crise actuelle ou celle de 1929).
L’hypothèse que l’on peut proposer est que celui-ci peut provoquer un écroulement du système financier, en particulier lorsqu’il concerne les ménages qui sont concentrés dans le bas de l’échelle de la répartition des richesses et des revenus.
 
Nous assistons donc au deuxième grand effondrement dû à l’endettement des ménages, même s’il y a une grande différence avec 1929.
La crise de 1929 a provoqué l’effondrement du système financier américain, alors que la crise des subprimes a provoqué l’écroulement du système financier mondial, à cause de la mondialisation des marchés financiers et de l’utilisation de produits titrisés qui ont lié entre elles les différents zones économiques du monde.
 
Une question vient intuitivement à l’esprit pourquoi les dirigeants du monde, surtout aux Etats-Unis d’ailleurs, ont-ils permis un endettement aussi extravagant ?.
A mon sens, ils étaient prisonniers d’un modèle de croissance basé sur la primauté de la finance et donc sur la recherche d’une très forte rentabilité à court terme (rentabilité des capitaux propres).
Dans ce cadre, on ne pouvait que stimuler la croissance par l’endettement, sans remettre en cause le partage des richesses et des revenus.
En définitive le recours à l’endettement a permis de masquer, un temps, la faiblesse de la croissance.
 
En conséquence aucun dirigeant n’était prêt à remettre en cause le principe de l’endettement, car cela aurait consisté à remettre en cause l’euphorie ambiante et le rôle dominant du secteur financier mais également un taux de chômage faible. Le prix politique à payer aurait été trop important.
On préfère toujours la mort lente à la mort rapide.
 
Dans son remarquable ouvrage, La crise économique de 1929 - Anatomie d’une catastrophe financière, J.K.GALBRAITH, identifie cinq critères qui permettaient de déterminer que l’économie américaine était en mauvaise santé : la mauvaise répartition des revenus, la structure déficiente des sociétés (Holdings et sociétés d’investissement), la piètre qualité du système bancaire, l’état incertain de la balance commerciale et la faiblesse des connaissances économiques.
Remarquons que ces critères sont toujours d’actualité, mais il insistait particulièrement sur le premier d’entre eux : la mauvaise répartition des revenus.
La courbe des revenus a ainsi suivi, aux Etats-Unis, une courbe en U. Elle a retrouvé au début des années 2000, les niveaux de 1920.
 
La solution définitive à la crise de 1929 a consisté à mettre, après la seconde guerre mondiale, en face des innovations technologiques (l’automobile) et des gains de productivité, le modèle de consommation adapté : la consommation de masse.
Si l’on veut résoudre la crise actuelle, il faut faire exactement la même chose, dans des formes adaptées à notre époque, ce qui passe par une meilleure répartition des richesses et des revenus à l’intérieur de chaque pays et dans le monde. Les inégalités freinent la croissance, d’autant plus que le poids financier de la crise financière économique pèse sur les États (même si dans un premier temps, le système financier a supporté les pertes dues à la crise immobilière).
 
Il faut, en outre, tenir compte d’un paramètre important. La crise actuelle est plus grave que celle de 1929, car elle est mondiale. Et selon les calculs des économistes Barry Eichengreen et David O’Rourke, la chute de la production industrielle mondiale a été durant les neuf premiers mois aussi violente qu’en 1929. La chute des cours de bourse deux fois plus rapide, de même que le recul du commerce international.
 
C’est dans ce contexte qu’il faut mettre en place un nouveau modèle de croissance. La question posée est avant tout politique : le secteur financier doit-il continuer à accaparer une partie significative de la richesse produite ?
Comment définir, en outre, un modèle économique où le partage salaires / profits permette à la fois, au salarié de jouer, sans endettement excessif, son rôle de consommateur, et aux entreprises de dégager à long terme des gains de productivité ?.
 
 

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