La coopérative autogérée : le modèle du socialisme de demain
par Adrien Faure
samedi 1er décembre 2012
L'entreprise privée est l'entité basique du mode de production capitaliste.
Elle existe sous diverses formes, dont deux principales : premièrement, l'entrepreneur/patron (gestionnaire et propriétaire) et son salariat (cas des PME), et deuxièmement, le manager/patron (le gestionnaire), l'actionnariat (le propriétaire), et le salariat (cas des grandes entreprises).
La principale critique socialiste envers le mode de fonctionnement de pareille entité tourne autour du processus de domination du propriétaire et/ou gestionnaire de l'entreprise sur les travailleurs membres de son salariat, et de l'expropriation de la valeur du travail qui en découle.
A cette critique, certains socialistes répondent par l'entreprise étatique et la planification totale.
Si ce modèle étatiste et planificateur fait sens lors de phase de développement industriel (et pré-industriel), ou dans des cas d'économie de guerre ou de pénurie, il est moins évident qu'il soit la réponse socialiste la plus pertinente à notre époque et dans le contexte que nous connaissons (et compte tenu de notre état actuel de développement économique et technologique).
Ainsi, le socialisme que je prône préférera défendre un mode de production fondée sur la coopérative autogérée.
Concrètement, cela signifie que la collectivisation des moyens de production donne la propriété non à l’État socialiste, mais aux travailleurs eux-mêmes.
(Oublions la querelle philosophique entourant les PME, il est évident que la collectivisation concerne avant tout le grand capital et non les petites entreprises avec un petit salariat.)
La propriété des travailleurs sur leurs entreprises est la grande véritable révolution économique du socialisme, car elle change la structure de base de tous les rapports économiques entre les individus.
En effet, dans la coopérative autogérée (CA), tout rapport de domination économique est supprimé puisque le statut même de salarié est aboli (l'égalité de statut est instauré).
Chaque travailleur recevant une part égale des bénéfices (à ne pas confondre avec le revenu normal du travail) de la CA, il en résulte une plus forte incitation à s'investir et à s'impliquer dans le bon fonctionnement de l'entreprise et dans la réussite de ses activités. Cette incitation représente un gain probable de productivité élevé et constant pour toute l'activité économique de la société socialiste.
Les conséquences psychologiques de cette révolution sont par ailleurs sûrement aussi importants (bonus de motivation, gain en autonomie, responsabilisation, croissance de l'estime de soi, etc.)
Toutefois, il est évident que toute production au niveau technologique actuelle nécessite une division du travail (par exemple simplement entre travail manuel et intellectuel). Cette division du travail implique une différence de fonction dans la CA, sans induire du tout une inégalité de statut.
Ainsi, les fonctions de coordination, d'administration, et de gestion, de la CA sont toujours assurés par certains travailleurs. De cette façon, les améliorations en innovation (à différencier avec le progrès de la recherche et de la technologie, l'innovation représente la mise en place de nouvelles configurations d'organisation pour améliorer la production) peuvent se poursuivre.
Concernant les modalités pratiques de l'organisation interne des CA, l'autogestion peut être découpée en temporalité décisionnelle différente.
A long terme, c'est l'Assemblée Générale des travailleurs (coopérateurs) qui prend les décisions stratégiques sur l'avenir de la CA (comme les décisions touchant aux investissements ou à des choix de développement sectoriel). Pour cela elle peut utiliser la démocratie directe, éventuellement par unanimité.
A court terme, l'AG des travailleurs délègue, par mandat impératif, à quelque uns des siens la prise de décisions, en ce qui concerne la gestion, l'administration, et la coordination, des activités quotidiennes de la CA.
A moyen terme enfin, les délégués à la coordination appelle des AG extraordinaires pour traiter des prises de décision tactiques.
De cette façon, la coopérative autogérée représente-elle un véritable modèle de démocratie économique socialiste.
On notera toutefois, que une majorité de travailleurs pourraient fort bien décider de stigmatiser ou de dominer une autre minorité de la CA.
C'est pourquoi, l'État socialiste se doit-il de contrôler un minimum les CA pour éviter toute dérive (surtout en ce qui concerne les licenciements).