La Crise – an IV

par maltagliati
jeudi 5 avril 2012

La crise financière internationale est terminée. (Rengaine sur l’air de Tout va très bien…). Tout est au contraire en train de se remettre en place pour un nouvel épisode du feuilleton.

En deux épisodes la Banque centrale européenne a jeté un épais brouillard sur le monde financier international. Les mille milliards d’euros avancés aux Banques à un taux de 1% pour une durée de trois ans correspondent (même si techniquement il y a astuce ou subterfuge) à une injection massive de liquidités qu’on qualifie communément de « planche à billets ».[1] Le principal effet de ces LTRO injectés à la veille de Noël 2011 et à la fin de février 2012 a été une sérieuse pause des marchés. Tout cela pendant qu’on « réglait » la crise grecque et qu’on se permettait même le luxe de déclencher les fameux CDS qui avaient entraîné la chute de Lehman Brothers en 2008 et ont fait dans la crise grecque l’effet d’un pétard mouillé.
 
Sur le marché obligataire, un vaste mouvement à la hausse des taux d’intérêt s’est enclenché au début du mois de mars aux États-Unis par le retournement des taux obligataires longs. Cela au moment même où l’Angleterre tentait de profiter de leur situation historiquement basse en lançant des emprunts à 100 ans, le terme le plus long jamais enregistré sur le marché. Les taux américains ont franchi la barre des 2% et pourraient progresser rapidement vers les 3%, entraînant les autres taux à leur suite, ce qui rendrait rapidement la dette ingérable. C’est plus de 10 000 milliards de $ d’argent frais  qui doivent être levés par les États de l’OCDE pour cette seule année 2012.
 
La Bourse se porte trop bien, aux États-Unis avant tout. Une correction est prévisible à court terme. Peut-être sera-t-elle brutale à New-York un jeudi ou l’autre. Peut-être est-elle déjà engagée par chez nous où le CAC40 a vu sa tendance, à la hausse pendant un trimestre, se retourner il y a une semaine. Mais tout le monde sait maintenant que ce marché boursier est sous influence des manœuvres des grands opérateurs (banques et fonds d’investissements). Quelques opérateurs font  la tendance ; ils ont mené des milliers de petits actionnaires à l’évaporation de leur épargne. A bien des égards, la Bourse est devenu un indicateur qu’on fait en quelque sorte jouer plus ou moins à sa guise.
 
Le marché immobilier est au bord de l’effondrement. Depuis quelques années les opérateurs ont réussi à dissimuler l’existence d’une très importante bulle immobilière, dans toute l’Europe occidentale, mais en France notamment, où la correction des prix qui s’amorce par le retournement du marché en province et maintenant jusqu’en Île-de-France, devrait atteindre les 33%. Rien d’étonnant à ce que les biens soient aujourd’hui invendables, un immeuble ou appartement de 200 000 € devrait dans les mois à venir se négocier aux environs de 140 000 €. Dans ce contexte, plus que jamais les candidats acheteurs attendent… Les crédits à l’immobilier ont baissé de 40% entre janvier et février. Cette crise de l’immobilier s’étend évidemment à la construction de logements neufs, qui est elle plombée par la fébrilité des banques à accorder des prêts.
 
Sur le plan de l’activité économique, le mot d’ordre est de positiver. On cherche activement tous les indicateurs dénotant le moindre indice de reprise aux États-Unis ou on célèbre comme une grande victoire le fait que par de nouveaux artifices le P.I.B. de la France n’a pas reculé au dernier trimestre, ce qui fait que nous ne sommes toujours pas officiellement en récession. Un des facteurs de cette « non-récession » apparente est la reprise indubitable de l’inflation, qui est notamment de 5% environ sur les produits alimentaires depuis un an, l’indice des prix étant loin de refléter cette évolution réelle de notre pouvoir d’achat.
 
La Dette souveraine ne fait plus trop parler d’elle. Il faut noter que sur les 100 € de crédit souverain grec, les créanciers ont en définitive opéré en mars une remise de dette de 53€50 et se sont fait « rembourser » 15€ en prêt du FESF et 31€50 en « nouvelles créances » grecques. Ces 31€50 cotaient dès le lendemain de leur émission à… 8€ ! C’est tout dire de la confiance des opérateurs en ce plan grec…  Après que le Portugal ait donné de sérieux signes d’inquiétude, qu’on a toutefois minimisés étant donné les montants relativement faibles concernés, c’est maintenant un client beaucoup plus important qui s’avance : l’Espagne. La tension sur les taux espagnols est réelle. Le pays a annoncé la révision de ses objectifs budgétaires pour l’année en cours, nouveaux objectifs que l’État espagnol ne pourra pas tenir, c’est d’ores et déjà certain, étant donné l’intensification de la récession que provoque la politique d’austérité. Mais tous les observateurs hésitent à mettre l’Espagne au premier plan de la crise… car c’est un beaucoup plus gros client qui risque de se présenter très rapidement !
 
Restent les pays émergents, dont l’activité marque le pas suite à la crise internationale. Ils tentent de leur côté de s’organiser pour constituer des réserves indépendantes du dollar ou de l’euro en constituant une Banque internationale de réserve. Mauvaise nouvelle pour le Dollar.
 
Il reste très difficile de déterminer où va s’ouvrir la prochaine faille. Je ne crois personnellement pas aux fameux indicateurs économiques. S’ils montrent certaines tendances, ils sont toutefois incapables de nous dire où le bât va blesser. Le plus souvent, voire toujours, la crise éclate là où on ne l’attendait pas… ! C’est seulement par après que tous les économistes peuvent chanter en chœur : « ainsi que JE l’avais bien prévu… ». Il ne nous reste qu’à attendre les tout prochains développements.
 
MALTAGLIATI


[1] En gros, la moitié de ces 1000 milliards correspondent au recyclage d’avances en cours, l’autre moitié à de nouvelles avances. Quant à la répartition géographique de ces avances, ce sont les banques italiennes et surtout espagnoles qui en ont été les premières bénéficiaires.

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