La débâcle du capitalisme mondial : plaidoyer pour une moralisation de la finance

par chems eddine Chitour
mercredi 1er octobre 2008

« Tout va très bien, tout va très bien. Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise, On déplore un tout petit rien : un incident, une bêtise, la mort de votre jument grise, mais, à part ça, Madame la marquise, tout va très bien, tout va très bien »… Ray Ventura.

 A bien des égards, cette chanson décrit bien la situation financière actuelle et les assurances des gouvernants, qui ne rassurent plus… La crise économique connaît de nouveaux rebondissements, de nouvelles faillites ayant eu lieu, Dexia, Fortis ? Qui est le prochain ? Utilisant l’argent du contribuable pour combler les pertes, le Trésor américain annonce un plan de 700 milliards de dollars. Mais la crise n’est pas finie. Le monde de la finance est en train de s’écrouler. Le refus du Congrès malgré des pressions énormes constitue un revers sans précédent pour le capitalisme immoral. Le 11 septembre 2008 a vu une panique généralisée, le dépôt de bilan de Lehman Brithers, le sauvetage de "Freddie", la nationalisation de l’assureur AIG et en définitive l’annonce en catastrophe d’un Plan de sauvetage par M. Paulson, secrétaire d’Etat au Trésor, de 700 milliards de dollars ; certains parlent de 1 300 milliards de dollars. Pour les démocrates, le plan de sauvetage présenté "n’est pas acceptable" en l’état, a déclaré mardi 23 septembre le président de la Commission bancaire du Sénat, le démocrate Chris Dodd. "Ce qu’ils (le gouvernement) nous ont envoyé n’est pas acceptable. Devant l’ONU, le président George W. Bush a assuré que le Congrès allait approuver le plan de sauvetage ’avec la rapidité requise’. Le président brésilien Luiz Inacio ’Lula’ da Silva a appelé à ’rebâtir’ les institutions financières internationales afin qu’elles puissent prévenir les crises à l’avenir. Malgré son ampleur, le plan de sauvetage américain ne lève pas les incertitudes. A l’ONU, le 23 septembre, Nicolas Sarkozy a invité les dirigeants des pays ’les plus directement concernés’ à se réunir avant la fin de l’année pour tirer ’leçons’ (...) de la crise financière la plus grave qu’ait connue le monde depuis celle des années 1930". (1)
 
 Il y a quinze jours, c’était la crise réelle qui tenait le devant de la scène, avec un monde développé en récession. Désormais, c’est la crise financière qui passe au premier plan. Elle progresse suivant toujours le même axe : l’effet domino, où chaque pièce qui tombe en entraîne une autre à sa suite. « Après Fannie et Freddie, écrit Isaac Joshua, les deux géants du refinancement hypothécaire américain, la banque d’affaires Lehman Brothers ; après Lehman, la compagnie d’assurance n° 1 mondial AIG après AIG, la banque anglaise HBOS, rachetée en catastrophe par la Lloyds TSB. (…) Mais l’effet domino, nous dit Isaac Joshua, a élargi son cercle et concerne de nouveaux acteurs, qui ne sont plus directement liés au marché hypothécaire américain. La chute de Fannie et Freddie s’explique évidemment par l’effondrement de ce marché. Tel est encore le cas de Lehman, fortement impliqué dans le crédit immobilier aux États-Unis. Nous en sommes même arrivés à un effet domino qui anticipe son propre mouvement. Une fois un domino tombé, les acteurs de la finance cherchent quel sera le prochain, persuadés qu’il y en aura un. Chaque fois qu’une victime est désignée, la meute de loups l’entoure, l’isole, fixant sur elle des yeux de braise, attendant qu’elle tombe pour la dépecer, tout en se lamentant sur la crise effroyable. La logique de la crise financière est désormais auto-entretenue ». (2)
 
 « Le plus grave, c’est qu’à côté de l’effet domino, il y a un effet ping-pong, où sphère financière et économie réelle se renvoient la balle. (…) En une dizaine de jours, la probabilité d’une crise mondiale s’est nettement accrue. Mais une autre possibilité est maintenant ouverte : celle d’un effondrement en cascade de l’ensemble du système financier mondial. Et les autorités publiques s’empressent de voler au secours du capital, comme elles l’ont fait avec Fannie et Freddie, puis à nouveau avec AIG. On nous a longuement et doctement expliqué que les marchés s’équilibraient eux-mêmes, et qu’il ne fallait surtout pas intervenir, ni perturber leur fonctionnement. Mais, dès que le système de profit est menacé, les beaux discours sont jetés aux orties, littéralement piétinés, et il ne reste plus que la réalité toute crue de la défense du fric. Le système capitaliste lui-même n’a-t-il pas démontré sa nocivité, l’effroyable capacité qu’il a d’entraîner avec lui toute l’humanité aux abîmes ? Un sursaut s’impose, la contre-offensive doit s’organiser. Il nous faut un nouveau plan d’urgence, un plan d’urgence face à la crise ». (2)
 
 Pour bien décrire la situation actuelle, Dominique Dhombres parle de hold-up du siècle. « Le contribuable américain doit sauver les banquiers pourris, sinon il lui en cuira ! Dobeliou l’a dit devant toutes les chaînes de télévision américaines réunies. C’est très fort. Le citoyen américain a intérêt à régler l’addition laissée par ces voyous de Wall Street. Sinon, il risque de perdre son travail, sa dignité, sa maison, jusqu’à son pantalon (..) Messieurs les parlementaires démocrates, s’il vous plaît, agissez ! Vous devez voter dare-dare mon plan d’urgence de 700 milliards de dollars. Si vous traînez, c’est le gouffre. Si vous rechignez, l’horreur. On admirera, au passage, le combat intérieur, digne des plus grands mystiques, dont Dobeliou est la proie ». « Le marché ne fonctionne pas correctement. En fin de compte, notre pays pourrait être confronté à une longue et pénible récession. Chers concitoyens, nous ne devons pas le permettre." En clair, payez ! Il faut à tout prix verser fissa la caution de tous ces bandits en élégants costumes à fines rayures qui sont en garde à vue au commissariat du coin. Si vous ne les sortez pas du trou, c’est vous qui y tomberez ! Payez, mais payez donc ! Le Congrès fait des manières ? Il voudrait qu’on en laisse quelques-uns, au trou. Dobeliou approuve ! Mais, par pitié, Messieurs les démocrates, majoritaires au Congrès, payez ! payez ! (…) Il fallait y penser. Le hold-up du siècle ! » (3)
 
 Pour "Attac France", M. Sarkozy a développé dans son discours de Toulon, une analyse en apparence sévère par rapport aux excès les plus visibles du capitalisme financier. Mais, ce qu’il n’a pas dit, c’était que la financiarisation, c’est-à-dire l’enrichissement des riches et la spéculation des institutions financières, était nourrie par toutes les dégradations sociales. Plus profondément, la responsabilité en revient à la logique même du néolibéralisme, c’est-à-dire aux politiques menées depuis trente ans et qui n’ont eu pour résultat que de renforcer l’emprise de la finance sur toutes les sphères de la société, et ses corollaires que sont l’explosion des inégalités et la marchandisation du monde. (…) Dans ces conditions, une démarche de rupture qui tirerait les leçons de la crise de ce système devrait remettre en cause toutes les politiques de dégradation sociale, appliquées aujourd’hui partout en Europe et dans le monde Parce qu’aujourd’hui un autre monde n’est pas seulement possible, il est aujourd’hui indispensable.(4)
 
 La faillite de Lehman Brothers, quatrième banque d’affaires américaine, fragilise un peu plus un secteur en crise depuis plus d’un an. Chacun craint une réaction en chaîne.  Par définition, les sociétés financières reposent sur la confiance. Une fois celle-ci ébranlée, les clients deviennent méfiants, exigent des garanties ou placent leur argent ailleurs, accélérant la chute. C’est ce qui s’est passé avec Bear Stearns, Fannie Mae et Freddie Mac, AIG, Washington Mutual, Lehman, Merrill Lynch... Les rumeurs négatives, de ce fait, accélèrent la descente aux enfers. Difficile à ce jour de cerner l’ampleur des dégâts. Tant que les banques créancières ne communiqueront pas sur le sujet, les seules informations disponibles sont consignées dans le document déposé dimanche soir par les dirigeants de Lehman Brothers aux autorités américaines lors de sa procédure de suspension provisoire de poursuites. (5)
 
 D’une façon synchrone à la Fed, les banques anglaises, japonaises et la BCE ont injecté des sommes énormes pour donner confiance aux investisseurs. Ainsi mardi 16 septembre 2008 : la Banque centrale européenne a injecté 165 milliards d’euros pour sauver les banques… Depuis huit jours, le montant des injections réalisées par la Banque centrale européenne a lui atteint environ 178 milliards d’euros et quelque 117 milliards pour la Fed. La Banque d’Angleterre n’est, de son côté, intervenue sur les marchés qu’à hauteur de 86 milliards d’euros, comme la BoJ, et la Banque nationale suisse de 7 milliards. Le montant des injections réalisées par l’ensemble des banques centrales atteint ainsi plus de 470 milliards depuis la mise en faillite de Lehman Brothers à la mi-septembre.
 
 Bref retour en arrière pour parler de la précédente crise qui de l’avis des spécialistes est moins brutale que celle déclenchée aux Etats-Unis un certain 11 septembre 2008, décidément ce chiffre porte la poisse. Impossible écrit Thomas Wieder d’y échapper. A chaque grande secousse de l’économie mondiale, la question revient sur toutes les lèvres : "Sommes-nous en 1929 ?" Ceux qui la posent ont en tête les mêmes images : hommes attroupés devant Wall Street lors du fameux Jeudi noir ; familles en haillons rassemblées autour d’une soupe populaire ; et puis, bien sûr, ces fermiers de l’Oklahoma chassés de leurs terres et jetés sur les routes, dont Steinbeck a raconté la triste odyssée dans Les Raisins de la colère... Comme le remarquait l’économiste John Kenneth Galbraith (1908-2006), 1929 est l’une des rares années, aux Etats-Unis, dont "chacun se souvient". Au point, ajoutait-il, que la mémoire des Américains s’est longtemps structurée autour de ce sombre millésime ("On est allés en faculté avant 1929, on s’est mariés après 1929, on n’était même pas nés en 1929"). Rien, a priori, ne devait faire de 1929 une année noire. Dans le dernier discours sur l’état de l’Union qu’il prononça avant de quitter la Maison-Blanche, le 4 décembre 1928, le président Calvin Coolidge avait déclaré aux membres du Congrès qu’ils pouvaient "considérer le présent avec satisfaction et l’avenir avec optimisme" » (3).
 

 « Au cours des années 1920 poursuit Thomas Wieder, les Etats-Unis se sont en effet considérablement enrichis. Malgré quelques à-coups en 1924 et en 1927, la production industrielle s’est envolée. Or, la croissance entretient la confiance. Et celle-ci s’accompagne d’une véritable frénésie spéculative. En 1927, 577 millions d’actions sont échangées à la Bourse de New York ; en 1928, 920 millions. Dans le même temps, les cours grimpent en flèche. Au cours de l’été 1929, certaines valeurs gagnent plus de 25 %. Courant septembre, cependant, le marché commence à s’essouffler. "L’envolée des cours était telle qu’un rien pouvait suffire à inverser la tendance. La faillite de Clarence Hatry, un homme d’affaires londonien à l’honnêteté douteuse, semble avoir joué un rôle déclenchant dans cette époque où la hausse se fragilisait à mesure qu’elle se confirmait", explique Bernard Gazier, professeur d’économie à la Sorbonne Tout bascule le 24 octobre. Ce jeudi, six millions d’actions sont mises en vente. Du jamais vu. Tout au long de la matinée, les prix s’effondrent. La foule se presse autour de Wall Street. Selon un journaliste, on lit sur les regards "une espèce d’incrédulité horrifiée". A midi, on compte déjà onze suicides de spéculateurs ruinés ». (6)
 
 « Au même moment, dans les locaux de la banque J. P. Morgan, en face de la Bourse, une réunion de crise est improvisée en présence d’une demi-douzaine de grands banquiers. Ils décident de soutenir le marché en rachetant massivement des titres stratégiques. L’effet est immédiat. A la fin de la journée, certaines actions sont même en hausse par rapport à la veille. Mais le sursaut n’est qu’éphémère. Le Jeudi noir a définitivement rompu la confiance lundi 28 octobre, neuf millions de titres sont vendus ; mardi 29, seize millions. Cette fois, les banquiers n’interviennent pas. Plus rien ne peut enrayer le krach. Mi-novembre, l’indice Dow Jones a perdu 51 % de sa valeur depuis septembre. L’effondrement des cours se poursuivra, de façon presque linéaire, pendant plus de trois ans. Le krach de 1929 est donc, avant tout, lié à l’éclatement d’une bulle spéculative. Celle-ci s’est notamment constituée grâce à l’engouement spectaculaire pour les call loans (prêts au jour le jour) ». (6)
 
 "Aucune muraille de Chine ne sépare le fiduciaire du réel, souligne John K. Galbraith dans son étude classique sur La Crise économique de 1929 (Payot, 1970). Le rôle de la catastrophe boursière dans la grande tragédie des années 1930 (...) fut d’une importance indiscutable." La spirale est infernale. La ruine des courtiers accule les banques, dont ils sont les débiteurs, à la faillite - 4 300 établissements ferment entre 1929 et 1931. Des millions d’épargnants perdent leurs économies en un jour. L’effondrement du pouvoir d’achat entraîne une chute de la demande et une contraction de l’activité. Quatre millions d’Américains sont au chômage en 1930, douze millions en 1932. Mais l’ampleur qu’elle prend aux Etats-Unis n’est pas la seule originalité de cette crise. Celle-ci, souligne Bernard Gazier, "se caractérise surtout par sa propagation fulgurante à travers le reste du monde". L’économiste insiste sur "l’effet domino" du krach de Wall Street dans l’épanouissement de la Grande Dépression à partir de 1930-1931. Avec une double conséquence. D’une part, l’abandon progressif de l’étalon-or aboutit à la désintégration du système monétaire mondial. D’autre part, les pays industrialisés recourent à des méthodes protectionnistes (hausse des barrières douanières, quotas, etc.). Pour Bernard Gazier, ce "verrouillage protectionniste" constitue la première différence entre la crise de 1929 et la crise actuelle. La seconde différence, majeure, tient, selon lui, à la place des Etats dans le règlement de la crise. "En 1929, l’Etat n’avait absolument pas les moyens d’intervenir comme il le fait aujourd’hui en injectant des liquidités quand le système menace de s’effondrer. Roosevelt, qui était à la tête d’un Etat fédéral pesant 10 % du PIB, n’a jamais imaginé mener une vraie politique de relance de type keynésien. Aujourd’hui que l’Etat pèse 40 % du PIB, il peut intervenir beaucoup plus facilement. L’Etat doit en effet à la fois punir des spéculateurs et sauver le système. Pour le grand public, c’est incompréhensible." (6) 
 
 Déjà en 2007 avec le déclenchement de la crise des subprimes, on s’interrogeait si ce n’est pas une réplique de 1929. « Sommes-nous confrontés à un nouveau jeudi noir ?, écrit Danielle Bleitrach. La fermeture de trois fonds de la Banque BNP Paribas a déclenché un vent à la baisse sur toutes les places boursières. A l’origine de la panique, expliquent les commentateurs, il y aurait les "subprimes". Ces prêts immobiliers accordés aux ménages nord-américains les moins solvables et que leurs débiteurs pourraient de moins en moins honorer. On nous présente la crise comme étant liée au fait que les ménages nord-américains non solvables ont été incités par des prêts à acheter des logements. La baisse du prix des terrains et de l’immobilier n’avantage que ceux qui auraient les moyens d’acheter au comptant, les autres qui à un moment quelconque sont obligés de réaliser leurs biens se retrouvent avec un bien moins cher, dont ils doivent continuer à payer les intérêts en hausse. Or, les prix ont commencé à redescendre depuis quelques mois. Comme les taux d’intérêt grimpaient, il leur était de plus en plus difficile d’honorer leurs prêts. Plusieurs ménages endettés, qui croyaient faire une bonne affaire, ont cessé de rembourser leurs prêts hypothécaires. Enfin, il faut voir que la crise dite des subprimes part des pauvres surendettés, précarisés, au chômage, mais atteint de plus en plus des couches beaucoup aisées de la population. (…) Les subprimes ne sont que le niveau visible de l’iceberg. La crise des liquidités, crise de confiance, n’est pas simplement liée au défaut de paiement des ménages non solvables nord-américains, mais c’est tout le système de financement de l’économie par le biais des jeux monétaires, qui est en cause. Nous avons donc une économie de casino qui engendre des phénomènes spéculatifs, mais cette spéculation n’est pas purement virtuelle, elle repose dans tous les cas dans sur un renforcement de l’exploitation, un accroissement monstrueux des inégalités au niveau planétaire (…). Nous sommes non pas seulement dans des crises financières à répétition, mais dans une crise systémique ». (7) 

Plus dure est la chute après la gloire. Bear Stearns, Lehman Brothers, Goldman Sachs, Merrill Lynch, Morgan Stanley. Depuis vingt ans, ces cinq banques d’affaires américaines faisaient rêver les financiers du monde entier. En raison des profits exceptionnels qu’elles dégageaient et en raison des bonus mirifiques que touchaient les salariés. En 2006, année record, leurs 170 000 employés s’étaient partagés 36 milliards de dollars de primes de fin d’année. Avec des pointes à plus de 100 millions de dollars pour quelques-uns des traders stars. Leur puissance et leur opulence se doublaient d’une arrogance sans limites.Mais voilà, en quelques mois, la bande des cinq a disparu, victime de la crise des subprimes et plus généralement des marchés de crédit. Cette déconfiture s’explique facilement lorsqu’on sait que ces banques tiraient l’essentiel de leurs profits des activités de marchés. Avec la paralysie observée sur les marchés du crédit à la suite de la crise des subprimes, c’est une bonne partie de leur fonds de commerce qu’elles ont perdus. Fragilisées, elles ont ensuite été victimes de l’action de certains hedge funds qui, en vendant massivement les titres, leur ont fait rendre gorge.  
 
 Comme le décrit Michael Shedlock sur le site de Seeking Alpha Financial, ce fut un grand moment de vérité : « Lorsque vous l’entendiez décrire la situation, vous aviez la gorge nouée », raconte le sénateur démocrate de New York, Charles E. Schumer. Ces mesures, au mieux, retarderont l’Armageddon, mais qu’ils n’ont pas écarté le danger : « Les interventions gouvernementales ne peuvent jamais empêcher un Armageddon financier. En fait, l’intervention du gouvernement dans les marchés libres garantit l’Armaggedon. L’Armageddon n’a pas été évité, juste retardé, au frais du contribuable. » Ecoutons l’économiste Nouriel Roubini dont la plupart des prévisions se sont révélées exactes. Il prédit, selon le journaliste économique Felix Salmon, « des pertes de 2 000 milliards de dollars de crédits, la nationalisation de la moitié du système bancaire américain, des défauts de paiement, l’accélération de la baisse des prix de l’immobilier, un arrêt brutal de la consommation des ménages, une contagion globale, une récession, que sais-je encore. » (8) 
 
 Aujourd’hui, tous les ingrédients d’une récession sont réunis, en particulier aux Etats-Unis. En 2000, l’éclatement de la bulle technologique a provoqué une récession relativement légère. Mais rien ne garantit qu’il en sera de même pour la prochaine récession. En économie, le passé n’est pas un guide pour l’avenir. La crise actuelle des marchés monétaires renforce la perspective d’une récession affectant l’ensemble de l’économie. L’économie n’est pas une science exacte. La morale de cette débâcle est : « Contribuables : "Payez !" » Quand les banques privées européennes jouent à l’économie-casino, elles gagnent toujours. L’Etat vient au secours de leur gabegie en puisant dans les fonds publics. Par contre quand tout va bien pour elles, c’est une minorité, les actionnaires, qui empoche la mise ! Joseph Stieglitz prix Nobel d’économie a bien raison de parler de « socialisation des pertes » et de "privatisation des profits"…
 
 « Comme le pense Robert Cohen, l’effondrement du modèle de Wall Street n’est pas uniquement financier, mais aussi moral. La perspective de l’argent facile, qui a grisé une génération, a eu pour effet de détourner nombre d’esprits parmi les plus agiles de domaines d’activité pourtant bien plus utiles socialement. Roger Cohen suggère aux jeunes Américains de consacrer leur énergie à relever les infrastructures si mal en point du pays, à l’image des grands travaux lancés par Roosevelt. Mais d’autres chantiers, peut-être plus urgents sont à ouvrir. Faut-il rappeler l’immense défi que constitue le changement climatique pour rendre patent le fait qu’il est grand temps que la finance n’accapare plus les fonds et les talents qui seraient plus utilement déployés ailleurs ? » (9) Ce n’est pas en nationalisant les banques que les Etats mettront de l’ordre, plus que jamais, il faut tout remettre à plat et repartir du bon pied, notamment en mettant fin à cette spéculation qui a ruiné les damnés de la terre.

1. "Le plan Paulson n’est "pas acceptable" en l’état", AFP, 23.09.2008.

2. Isaac Johsua. http://www.millebabords.org/spip.php?article9153# forum923. 27.09.2008.

3. Dominique Dhombres, "Le Hold-up du siècle", Le Monde, 25.09.08.

4. Discours de N. Sarkozy, Communiqué d’Attac France, 25.09.08.

5. "La Finance mondiale redoute l’effet domino", Challenge.fr, 18.09.08.

6. Thomas Wieder, "24 octobre 1929, tout bascule", Le Monde, 21.09.08.

7. Danielle Bleitrach, "La Crise financière pour les nuls, par une nulle…", 11.08.07.

8. D. Schechter, "Notre 11-Septembre financier", http://www.legrandsoir.info/spip.php&nbsp ;?article6879.

9. Roger Cohen, "Finance : la fin d’un monde", International Herald Tribune, 17.09.08 (adaptation).
 
Pr Chems Eddine Chitour

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