La deuxième mort de Keynes

par Michel Santi
mercredi 22 septembre 2010

Si je me suis laissé aller ces dernières semaines à des critiques, parfois virulentes, du Keynésianisme, ce n’était en réalité pas tant du fait de cette théorie que je respecte en tant que telle que de l’usage qu’en ont fait nos Etats au fil des décennies. L’ironie suprême de la crise actuelle est qu’elle a définitivement enterré le Keynésianisme et ce à la faveur des excès de dépenses Gouvernementales !

Quels sont les faits ? Les dépenses de l’Etat Fédéral US, qui se montaient à 3.4% du P.I.B. en 1930, ont enregistré un sommet quelques années plus tard avec le New Deal de Roosevelt puisqu’elles sont parvenues à 10.7% du P.I.B. Américain en 1934. Pourtant, ces chiffres paraissent aujourd’hui dérisoires au vu des 24.7% (par rapport au P.I.B.) des dépenses Fédérales US pour 2009... Si l’intervention de l’Etat était assurément justifiée dans le cadre de la récession des années 2007-2010, l’efficacité de ses stimuli a été rendue obsolète - en tout cas a été considérablement neutralisée - par des dépenses Gouvernementales n’ayant cessé de progresser depuis les années 30. Ce même Etat, dont l’intervention dans l’économie pouvait efficacement être amplifiée dans les années 30 et 40 précisément parce qu’il n’y occupait pas une position dominante, constate aujourd’hui l’échec de ses stimuli rendus caducs par sa position prépondérante comme acteur économique !

Que dit Keynes ? Il soutenait, avec raison, que la place de l’Etat dans l’économie se justifiait dès lors qu’elle était contre cyclique, c’est-à-dire que son intervention devait effectivement être généralisée en cas de ralentissement économique. Pour autant, Keynes insistait également sur la décélération progressive du rôle de l’Etat une fois cette économie rétablie ... enseignement qui, manifestement, n’a pas été suivi par nos responsables politiques successifs. En réalité, le Keynésianisme n’a été appliqué qu’à moitié puisque les Gouvernements (et au premier chef celui des Etats-Unis) n’ont quasiment pas réduit leurs dépenses en période de croissance et ce pour des motifs purement politiciens et électoralistes. La part de l’Etat dans nos économies est donc aujourd’hui deux fois et demi plus importante qu’elle ne l’était à l’époque du New Deal !

C’est précisément parce que l’Etat concentre aujourd’hui tant de ressources en ses mains que l’impact de l’augmentation de ses dépenses injectées dans l’économie n’est plus optimal. En fait, l’Etat n’est strictement plus en mesure de tripler le volume de ses interventions comme dans les années 30. Attention cependant car il s’agit là de volumes relatifs à la taille du P.I.B. : les sommes nominales injectées dans l’économie sont certes massives mais ne représentent que peu au regard de la taille de l’économie... Pour conclure, comme la part et l’importance de l’Etat au sein de nos économies sont aujourd’hui sans commune mesure par rapport à la période de Keynes, son intervention - aussi ambitieuse fût-elle - ne se solde en quasiment plus d’effets bénéfiques car l’apport stimulatoire de l’Etat décline à mesure que sa place dans l’économie, elle, prédomine. 


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