La double illusion de la dévaluation de l’euro

par Laurent Herblay
vendredi 22 août 2014

Comme me l’a signalé un commentateur du blog, quelle suprise de lire sur le site de Debout la République une tribune de Dominique Jamet, « Déflation : dévaluer l’euro ou en sortir  ». Changement de ligne du mouvement ? Maladresse estivale ? Petit retour sur sur l’idée de la dévaluation de l’euro.

Une illusion économique
 
Dans cette tribune, Dominique Jamet écrit : « Le chef de l’Etat et le Premier Ministre ont le devoir d’obtenir une franche dévaluation de l’euro face au dollar. A défaut, pour éviter le piège mortel de la déflation qui se refermerait fatalement sur elle, la France serait dans l’obligation de sortir d’urgence de la zone euro  ». Il évoque la meilleure santé de ceux qui ont poussé le cours de leur monnaie à la baisse, comme Washington et Londres. Mais comme l’a bien noté Saul, en 2012, sur 66,9 milliards d’euros de déficit commercial, 41,9 milliards viennent de la zone euro, imperméables à toute dévaluation de l’euro. Et une bonne partie du reste du déficit vient des importations d’hydrocarbures, dont le prix augmenterait en cas de dévaluation de l’euro. Bref, le cours de l’euro seul est loin d’expliquer tous nos problèmes. En outre, il ne serait pas évident de pousser à la baisse la monnaie d’une zone économique qui dégage un fort excédent commercial (au contraire des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne).
 
Le caractère déflationniste de l’euro est multiple. Il vient de l’impossibité de monétiser la dette publique, au contraire des autres banques centrales. Et avoir une seule monnaie pousse inexorablement les pays à baisser les salaires pour gagner en compétitivité, comme je le pointais début 1997 : « En fait, la concurrence des politiques budgétaires pourrait entrainer des politiques déflationnistes ayant pour but d’avoir une moindre inflation. Car dans un système où il n’y a pas d’ajustement monétaire, tout point d’inflation en moins permet de gagner en compétitivité ad vitam aeternam. Les risques de politiques récessives et déflationnistes s’en trouveraient augmentés  ». Bref, à quoi servirait un euro 15% moins cher s’il était toujours impossible de monétiser la dette publique et si les mécanismes qui poussent les salaires à la baisse étaient toujours en place, avec un déficit commercial toujours aussi fort ?
 
Une illusion politique

Ce faisant, ce discours est une double faute politique. D’abord, il laisse penser qu’il serait possible de faire pression pour faire baisser la valeur de l’euro, comme Nicolas Sarkozy le laissait entendre en 2006-2007, puis à nouveau avant l’élection de 2012, est totalement illusoire. Les statuts actuels de la BCE ne permettent pas la moindre pression et poussent au contraire à des politiques de monnaie chère et déflationniste. Pire, toute la construction de l’euro est un cercle vicieux puisque la langueur économique de la zone euro limite les importations, gonfle les excédents et pousse donc l’euro à la hausse, pénalisant la croissance. En outre, l’Allemagne a intérêt à avoir un euro cher et comme elle est le créditeur de dernier ressort, c’est sa ligne qui s’impose. Bref, évoquer une dévaluation, c’est agiter un mirage.

La deuxième faute politique, c’est le manque de clarté de la ligne politique. Alors que DLR avait pris position pour un démontage sans condition et unilatéral de la monnaie unique, il est curieux de sembler faire un pas en arrière pour prendre une position intermédiaire, qui a été celle du MRC de Jean-Pierre Chevènement alors même qu’il semble aujourd’hui se faire plus radical. La monnaie unique, qu’elle soit chère ou non, est un cancer pour les pays européens qui l’ont adopté. Certes, ce cancer peut être légèrement adouci si l’euro est moins cher, mais cela ne changera pas l’issue fatale. L’idée même d’uniformisation des pays européens doit être combattue sans faille et ne doit pas sembler pouvoir être soldée pour un mirage. Le combat contre la monnaie unique est fondamental et il ne faut pas reculer sur le sujet.
 
Maladresse estivale ? Volonté de tenir un discours plus compatible avec celui de l’UMP ? Difficile de savoir ce qu’il y a derrière de cette tribune. Mais l’idée de la dévaluation de l’euro, n’est ni crédible, ni suffisante. En aucun cas elle ne doit se substituer au retour à des monnaies nationales.

Lire l'article complet, et les commentaires