La faillite de Tesla et Uber : déclencheur du futur krach boursier ?

par Laurent Herblay
mardi 7 mai 2019

La bulle autour des licornes rappelle étrangement celle de 2001, sans que beaucoup d’analystes semblent faire le lien. Pourtant, un tel scénario serait assez classique, et on peut souligner le caractère inquiétant du niveau record atteint par le Nasdaq alors que deux stars de la nouvelle économie, Tesla et Uber, viennent de faire des pertes colossales au premier trimestre 2019…

 

L’incapacité à dégager le moindre profit
 
Bien sûr, le modèle d’affaire de deux des licornes peut sembler gagnant. Uber est devenu la solution de transport automobile leader dans le monde, l’entreprise a peu d’actifs, que ses chauffeurs assument, et elle ajuste ses prix de manière agressive à la hausse, ne craignant pas de choquer ses utilisateurs, comme la rémunération de ses chauffeurs. Sauf que Uber aura bientôt dix ans, et que la licorne n’a toujours pas gagné d’argent, accumulant encore 1,8 milliard de pertes en 2018, pour 11 milliards de chiffre d’affairesLes résultats du premier trimestre sont extravagants : 1 milliard de pertes pour 3 milliards de chiffre d’affaires. Uber dépense toujours un tiers de plus qu’elle ne touche !
 
 
Du coup, l’entreprise, qui a prévu de rentrer en bourse ce printemps, ne se valorise « plus » qu’à 90 milliards alors qu’on évoquait 120 milliards il y a peu. Ces chiffres semblent totalement déconnectés de la réalité. Comment une entreprise qui perd encore autant d’argent pourrait-elle valoir autant d’argent, alors que sa croissance est tombée à 18% ? Au mieux, Uber fera 20 milliards de chiffre d’affaires en 2022 et si elle parvient à dégager 1 milliard de profit, alors sa valorisation pourrait approcher les 30 milliards. Du coup, les chiffres évoqués pour la valorisation de l’entreprise sont absolument extravagants et indiquent que les marchés et les investisseurs nourrissent une énorme bulle.
 
 
D’ailleurs, The Economist vient de signer un papier cruel demandant si « Uber pourra-t-il gagner de l’argent un jour ? », dont la conclusion n’est guère optimiste pour la licorne, pointant les caractéristiques du marché des taxis, et son histoire. Autre licorne en difficulté : Tesla, qui a annoncé un premier trimestre désastreux. Il y a trois mois, Elon Musk annonçait des profits tous les trimestres de l’année. Le réveil est rude : baisse de 41% des revenus des ventes de voituresperte de 700 millions sur un chiffre d’affaires de 4,5 milliards, chute de la marge opérationnelle de 24 à 20%, trésorerie qui tombe de 3,7 à 2,2 milliards. Après l’avoir refusé, Elon Musk a annoncé une levée de 2 milliards d’argent frais.
 
L’action, au-delà de 350 dollars en fin d’année, ce qui avait permis à Tesla de peser autant que Mercedes-Benz, est retombée autour de 250 dollars. Mais cela valorise encore Tesla à 40 milliards, autant que Renault et PSA réunis, ce que les chiffres du premier trimestre ne justifient pas du tout. Car si on peut attendre un rebond au second trimestre, Elon Musk ayant probablement chargé la barque, les fondamentaux de Tesla ne sont pas si bons. Certes, la Model 3 est lancée en Europe et en Chine, mais on peut se poser des questions sur la demande réelle actuelle pour les modèles alors que les concurrents allemands commencent tout juste à arriver et auront bientôt des gammes à opposer à Tesla.
 
La baisse des marges est extrêmement préoccupante dans ce marché à faible rentabilité. Tesla n’a tout simplement pas démontré sa capacité à y gagner de l’argent, d’autant plus qu’Elon Musk a multiplié les artifices pour gagner de l’argent au second semestre 2018, ne livrant que les modèles haut de gamme de la Tesla 3, bien plus chers, et arrêtant brièvement la commercialisation des modèles entrée de gamme des Model S et X. L’effondrement de leurs ventes au premier trimestre l’a poussé à un retour en arrière dont il a le secret, mais qui pose également la question de la gouvernance très erratique de Tesla, peu compatible avec les caractéristiques de l’industrie automobile
 
 
Bref, il me semble totalement délirant que Tesla et Uber puissent afficher une telle valorisation à ce stade de leur développement, les deux entreprises n’ayant jamais démontré une capacité à réaliser des profits. Cela révèle qu’une nouvelle bulle, pas moins enflée que celle de 2001, leur permet encore d’opérer. La question qui se pose alors est de savoir quand elle finira par exploser…

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