La financiarisation de l’économie au service de notre pouvoir d’achat
par Aurelien
jeudi 5 avril 2007
La financiarisation constitue le nouveau bouc émissaire à la mode. Thématique toujours chère à la gauche et à l’extrême droite, cet amalgame concerne des mécanismes, des secteurs d’activité et une dynamique suffisamment complexes pour interdire des réponses simplistes, brèves. La « financiarisation de l’économie » rejoint les thèmes populistes tels que « les immigrés prennent notre travail ».
Dans notre pays qui comprend peu de choses aux mécanismes des échanges, le rôle de plus en plus voyant des capitaux fait peur. « Grand capital », « fuite des capitaux », ou « mouvements spéculatifs » viennent immédiatement à l’esprit de celui qui craint cet univers composé de chiffres abstraits. Il suffit de rajouter quelques termes anglo-saxons, « hedge fund » ou « private equity », pour susciter un rejet épidermique chez autrui. Lorsque KKR investit 29 milliards de dollars dans First Data juste après avoir annoncé une offre de 10 milliards de livres dans Alliance Boots, les montants de ces opérations de "private equity" apparaissent démesurés au profane qui ne saisit pas l’enjeu global de ces rouages.
Difficile de rester serein dans un débat pourtant fondateur pour les économies développées. Cette appréhension révèle en tout cas une prise de conscience de l’impact réel de ces allocations de capital par des acteurs réellement engagés et heureusement libres de leurs mouvements. Pourtant, les nouvelles règles de cet univers globalisé sont positives : pas de castes, pas de frontières et pas d’a priori. Les pays ou les entreprises qui n’avaient pas accès aux capitaux voient arriver ces investissements avec bonheur (après tout, ces fonds n’obligent personne à les accepter) mais aussi appréhension. Ils savent que dorénavant, ils devront accepter les remises en question et les règles du jeu des économies capitalistes s’ils veulent profiter des fruits de cet argent venu d’autres cieux.
Il serait intéressant de commencer par la révolution de l’économie américaine dans les années 80. Si Reagan est le plus souvent cité comme l’initiateur du formidable retour à la croissance de ce pays, les acteurs financiers de l’époque ont alors probablement joué un rôle encore plus grand. Mike Milken, le génie de la Drexel Burnham Lambert, qui inventa les LBO et les junk bonds, et sa génération de financiers révolutionnaires sont partis sans complexes à l’assaut des grands conglomérats industriels encroûtés dans des modèles économiques poussiéreux. Ils sont parvenus à en déloger les directions somnolentes et grassement payées, à restructurer complètement ces assemblages hétéroclites et à remettre en ordre de bataille des groupes remis sur pied. L’allocation hautement risquée de capitaux considérables a eu un impact lourd en changeant brutalement la stratégie de ces belles endormies. Les premiers bénéficiaires de cette révolution initiée par le monde financier ont été les consommateurs américains : 25 ans d’hypercroissance, quasi -disparition du chômage et bond du niveau de vie moyen.
Aujourd’hui, le lien entre cette financiarisation et ses avantages directs n’est toujours pas clair dans l’esprit d’une partie des Français qui s’arrêtent aux discours les plus simplistes. Ils ne regardent pas les effets positifs des actions des « hedge funds », mais plaignent leurs victimes qui, jusque là, vivotaient pourtant sur notre dos sans crainte. Au contraire, ces fonds donnent du muscle à des secteurs d’activité grassouillets ou corrigent des situations instables, pour notre bien à tous. S’ils n’ont pas hésité à s’attaquer à des cours de change artificiellement tenus par des banques centrales ou à des taux d’intérêt jugés inappropriés, ces capitaux concentrés à fort effet de levier s’investissent aussi sur des cibles dont ils souhaitent l’amélioration durable de la rentabilité. A la sortie, ces entreprises retrouvent le chemin de la croissance par une réorganisation brutale mais efficace. Cette prétendue « vision à court terme » aboutit à des restructurations qui apportent de la valeur à l’entreprise et à ses clients. Le « private equity », qui constitue une forme d’investissement similaire, vise exclusivement des entreprises non cotées en Bourse. Si la volatilité de ces investissements est plus faible, nous retrouvons aussi, dans ce cas de figure, un investissement réel, parfois massif, dans une activité préalablement étudiée dans son potentiel de développement et d’amélioration des performances.
Si le débat se focalise trop souvent sur ces brassages d’argent qui permettent de remuer nos peurs et sur les licenciements immédiats, personne ne vient parler des embauches que ces restructurations autorisent quelques années plus tard, une fois l’entreprise remise sur les rails. Personne ne parle des innovations, de l’amélioration de la qualité et de la baisse du prix, au final, pour le consommateur. En Asie, en Amérique et dans une bonne partie de l’Europe, les effets de cette « financiarisation » sont indéniables : ce processus d’allocation des capitaux a donné naissance à des économies fortes, à des taux de chômage faibles et à une formidable dynamique d’amélioration du pouvoir d’achat. La France, engluée dans ses monopoles et fleurons indéboulonnables, fait encore une fois exception.