Ce n’est pas l’Humanité qui a lancé ce débat, ni même la presse « de gauche », tellement eurolibérale qu’il ne lui vient pas à l’idée de changer quoique ce soit, mais The Economist, le journal des élites globalisées, qui consacre un nouveau dossier à cette nouvelle perversion du néolibéralisme.
Tes actions tu rachèteras
La situation a atteint de tels extrêmes que 38% des entreprises y consacrent plus que leur trésorerie ne le permet, le reste étant couvert par des emprunts !
The Economist cite le cas de Home Depot, qui, depuis 2008 a consacré 28% de sa trésorerie au paiement des dividendes et 52% à l’achat de ses propres actions, au point d’emprunter 2 milliards en partie pour cela. Depuis 2010, l’action a triplé… Les 500 plus grandes enterprises y consacrent un tiers de leur trésorerie. Apple, après avoir longtemps mis ses actionnaires à la diète, a annoncé vouloir consacrer 130 milliards de dollars à racheter ses actions.
The Economist note que le secteur financier avait consacré 207 milliards de dollars pour racheter ses actions de 2006 à 2008, avant d’obtenir 250 milliards de l’Etat pour être sauvé de la faillite en 2009.
La prise de pouvoir des actionnaires
Malgré tout, The Economist soutient que « les rachats d’actions ne sont pas forcément une mauvaise idée. Quand les entreprises achètent leurs actions sur le marché, elles retournent l’argent en trop aux actionnaires d’une manière comparable aux dividendes ». Sauf qu’il démontre bien que le phénomène atteint aujourd’hui un niveau totalement délirant. En outre, il pointe que les mécanismes de rémunération des dirigeants des entreprises alignent leurs intérêts sur ceux des actionnaires avec un biais extrêmement court-termiste qu’il peut pousser à sacrifier les investissements à long terme pour pouvoir racheter toujours davantage d’actions dans une logique de bulle absolument délirante et dangereuse. La Tribune montre également qu’il s’agit d’un moyen commode de déguiser la rémunération de ses salariés.
Du coup, il note que les gestionnaires de fonds commencent à s’inquiéter du manque d’investissement des entreprises et préviennent que «
le capitalisme actionnarial doit promouvoir la croissance et la création et non just partager les dépouilles ». Curieusement,
The Economist note que le rachat d’actions était interdit avant, que les Etats-Unis ont changé les règles en 1982, le Japon en 1994 et l’Allemagne en 1998. Ce faisant, il donne sans doute malgré lui la solution à cette nouvelle perversion du système économique actuel : il faut purement et simplement interdire les rachats d’action par les entreprises, ou, a minima, le traiter de manière extrêmement dissuasive d’un point de vue fiscal.