La France vue par le FMI
par Argoul
vendredi 28 octobre 2005
En résumé, les remarques du FMI portent sur les points suivants :
1/ Sur les dix dernières années, la croissance de la France a été en moyenne meilleure que celle des autres pays de la zone euro.
2/ Bien que des réformes significatives aient été engagées, les progrès en termes d’emplois et ceux du marché des services ont été faibles. Le taux d’activité de la population reste piteux, et le chômage demeure le point noir.
3/ La véritable question de politique économique est : comment accroître le trend de croissance, et comment sécuriser la balance fiscale face aux dépenses dues au vieillissement démographique ?
La croissance française des années 1990 été plus intensive en capital par investissement dans les nouvelles technologies. Mais hors ordinateurs et logiciels, la substitution du capital au travail a décru durant la décennie. Cela a amélioré l’emploi structurel, de sorte que la croissance française s’est approchée de son potentiel durant les années 1990. La « croissance potentielle » tente de déterminer le niveau maximal d’activité compatible avec la stabilité du rythme d’inflation. Selon la Banque de France (août 2003), ce potentiel de croissance de notre économie est estimé entre 2.1 % et 2.8 %. L’intégration de la France dans le cycle mondial a fait que, selon le FMI, l’économie a souffert du ralentissement global 2001-2002. L’inflation a persisté, en raison de rigidités traditionnelles bien françaises, auxquelles s’est ajouté le coût des 35 h. C’est ainsi que le rebond, à la différence éclatante de l’Allemagne, n’a été impulsé que par la consommation des ménages, et pas par les exportations. Les dépenses des ménages sont fonction du revenu disponible mais, à la différence des États-Unis, la baisse des taux d’intérêts n’a pas eu d’effet immédiat sur ce revenu. Tout au plus cela a-t-il déclenché des achats immobiliers, gelant l’épargne à haut niveau pour des années. Car la France utilise en majorité des taux fixes, difficilement renégociables en cours de remboursement, alors qu’aux États-Unis, la pratique du crédit « revolving » permet à toute baisse des taux de la Banque Centrale d’offrir immédiatement un potentiel d’endettement supplémentaire aux ménages en fonction de leurs capacités de remboursement. Ils disposent d’une enveloppe de crédit fixe qu’ils consomment comme ils le veulent, avec des remboursements constants.
Le succès du recul du chômage dans la seconde moitié des années 1990 est explicable en partie grâce aux mesures prises par les hommes politiques. Une étude de M. Estevao (2003 FMI country report n°03/335) montre que les allègements de charges sont la mesure la plus efficace, tandis que les dépenses de formation semblent sans effet. La croissance de l’emploi, durant ces années, a été facilitée par la modération salariale, en raison du virage des syndicats vers les revendications d’emplois plus que de salaires. Mais il faut voir surtout la faiblesse globale des syndicats dans le rapport de forces avec le patronat. Pour l’avenir, les dépenses en faveur de l’emploi trouvent leurs limites, et il faudra bien entreprendre en France des réformes qui touchent aux rigidités de l’embauche et du licenciement, au salaire minimum trop élevé, et aux incitations au retour à l’emploi. La formation, si les coûts sont partagés entre employeurs et employés, peut utilement aider les non-qualifiés à trouver un emploi. Mais c’est l’assouplissement du CDI (qui devrait être le seul contrat d’embauche) qui paraît la meilleure solution pour Mme Zhou (2005 FMI country report).
Malheureusement, le « dividende fiscal » qui s’est accru en raison d’un meilleur emploi a disparu dans les diverses mesures de protection sociale et d’emplois publics qui ont été mises en place à la fin des années 1990, sans être financées de façon durable. Les marges de manœuvre dues à une meilleure croissance ont été aussitôt dépensées à coûts fixes sur le long terme. Cela, le FMI ne le dit pas, est bien la maladie de la gauche française, toujours prête à dépenser tout de suite par électoralisme - et poussée par ses extrêmes à qui tout argent brûle les doigts. Une ignorance des cycles économiques semble la règle chez les politiques. Le FMI recommande de laisser jouer les « stabilisateurs automatiques » par le désendettement lors des phases de croissance, afin de retrouver des marges de manœuvre budgétaires en phases de ralentissement. Mais cela ne sied pas au "courttermisme" forcené des démagogues de toutes tendances, les yeux fixés sur la ligne bleue des prochaines élections/congrès/prises de position (rayez la mention inutile).
L’intervention de l’État dans l’économie française reste trop élevée, malgré les privatisations des années 1980, ce qui engendre des distorsions de concurrence dans l’économie. Par exemple, le faible ajustement des taux d’intérêts pour les crédits à la consommation s’explique par la gestion politique du taux d’épargne (Livret A), ce qui rend peu lisibles les incitations de politique monétaire pour les ménages. MM. Allard et Fonteyne (2004 FMI country report n° 04/346) estiment par exemple que 3.25 % de croissance ont été perdus pour cette raison lors de la récente période de baisse des taux de la Banque centrale européenne.
M. Schule (2005 FMI country report) a mesuré les effets macroéconomiques d’une concurrence plus vive dans la production, le travail et les services. Les simulations du modèle économique du FMI montrent que les effets à long terme d’une meilleure concurrence peuvent aller jusqu’à 15 % du PIB. Des réformes un peu partout permettraient une meilleure distribution des bénéfices, ce qui améliorerait la consommation, tandis qu’une plus forte coordination entre les pays de la zone euro concernant les évolutions structurelles (fiscalité, travail, subventions) permettrait une politique monétaire mieux ajustée aux besoins.