La galaxie des gueux !

par Danjou
samedi 12 juin 2010

« Tous ruinés dans 10 ans ! » Au delà du titre apocalyptique ce qui interpelle c’est l’identité de l’auteur, Jacques Attali. Membre de l’élite auto proclamée il a contribué de près (Conseillé du Prince, Président de la BERD) ou de loin (catalogue de propositions majoritairement d’essence ultra libérales) à l’accomplissement de sa prophétie. Sans jamais, à aucun moment, remettre en cause le dogme, il évite bien entendu de préciser que ceux qui subissent ne sont pas ceux qui décident. Or cette crise, conséquence de décisions politiques prises depuis 30 ans, a été construite avec méthode et, reconnaissons le, avec une redoutable efficacité.

La mondialisation ultra libérale (ou néo libérale) n’a rien de spontanée. Le rejet du keynésianisme et l’application zélée de la doctrine de Milton Friedman, gourou de l’école monétariste de Chicago, par Reagan auteur de l’indépassable "l’Etat n’est pas la solution, c’est le problème" et Thatcher, puis par leurs héritiers pouvait-elle produire d’autres résultats ? Que pouvait-on espérer d’une telle progression du déséquilibre dans la répartition des richesses produites ? De la confiscation par une caste des gains de productivité ? De la mise en concurrence frontale des travailleurs du monde entier, deux dollars par jour contre dix dollars de l’heure ? Des délocalisations massives de production vers le moins disant social et salarial ? De l’abolition des barrières douanières pour favoriser le "libre" échange sans aucune protection (OMC - Accords de Marrakech en 1994) ? De la totale libéralisation, c’est à dire sans aucun contrôle, des mouvements de capitaux (en France, Pierre Beregovoy en 1983) ? De la privatisation des services publics ou de l’énergie (toujours ce même souci du bonheur du consommateur) ? De l’interdiction faite aux banques centrales d’accorder des avances au Trésor Public (1973 pour la France, décret Giscard Pompidou confirmé par Maastricht) ? Du monopole exorbitant donné aux banques privées de créer la monnaie ? Rétrospectivement on reste ébahi d’une telle docilité et d’un tel consentement collectif ! Ou admiratif d’une telle virtuosité à dissimuler !
 
L’hyper endettement public et/ou privé des pays occidentaux n’est donc pas une fatalité. Il n’est que le résultat d’une redoutable mécanique mise en mouvement depuis une bonne trentaine d’années. Méticuleusement, cyniquement. Comme il devenait évident que les effets de la corrosion provoquée par l’acide surpuissant de l’ultra libéralisme mondialisé à la sauce Friedman se révèleraient in fine contre productifs - érosion des salaires, extinction de la production locale, chômage de masse, multiplication des petits boulots, temps partiel imposé, déficits abyssaux des caisses de protection sociale (conséquence des précédents effets), collectivité spoliée par le développement exponentiel des paradis fiscaux - l’arme fatale, le crédit débridé et son corollaire le surendettement, ont été promus remèdes miracles afin de compenser.
 
Il fallait coute que coute que le troupeau continue à surconsommer, que le troupeau continue à dépenser pour alimenter le PIB. L’imagination féconde des architectes virtuoses, créateurs de l’usine à gaz des produits dérivés (subprime, CDS et tutti quanti, 10 fois la production mondiale) afin de maquiller l’escroquerie - notamment Alan Greenspan dit le Maestro Président de la Réserve Fédérale US de 87 à 2006 - a donc parachevé le chef d’oeuvre. Efficacement épaulé par les agences de notation sensées évaluer avec impartialité les risques ! Et en 2007, la galaxie des bulles a explosé entrainant la finance vers un abyme sans fond. Etonnant non !
 
En 1989, la doctrine sera d’ailleurs gravée dans le marbre par John Williamson économiste de la banque mondiale, prendra le nom de Consensus de Washington (les 10 commandements) et sera appliquée sans pitié aux pays émergents d’Amérique Latine et d’Asie par l’entremise du FMI. Parallèlement la puissante machine propagandiste nous inoculait le principe indiscutable qu’une seule solution existait. "There is no alternative" proclamait avec force Thatcher dans les années 80. Malheureusement pour nous, la globalisation heureuse allait s’avérée n’être qu’une funeste entreprise. Qu’une vaste supercherie. "There is no alternative" la plus désastreuse exceptée, bien entendu !
 
Le piège s’est donc violemmment refermé. Sommés de renfloués les caisses de la sphère financière les Etats, de facto naturellement et excessivement endettés, sont une nouvelle fois quelques mois plus tard, mis en demeure par les marchés. Mais cette fois-ci de se désendetter. Dès lors ce sont les victimes qui auront le plaisir de régler le coût du sinistre et toute dérobade sera considérée comme un casus belli. Par petites touches successives pour certains ou avec brutalité pour d’autres, nous nous alignerons ainsi docilement sur le moins disant social et salarial, histoire d’apporter notre obole aux dieux assoiffés. Tel est notre horizon à défaut de considérer les causes et nous acharner à ne traiter que les conséquences. En pure perte.
 
Tout ceci pose bien entendu la question du niveau de connivence et de complicité de nos dirigeants, représentants normalement les intérêts du peuple, démocratiquement élus. Il est en effet bien improbable qu’ils aient pu collectivement, entourés d’experts aussi brillants que Jacques Attali, collectionner autant d’incompétence et aussi peu de clairvoyance. Sans l’alliance objective des politiques et des ploutocrates tout ceci aurait-il été possible ? Sans l’allégeance des politiques qui ont concocté toutes les lois appropriées, le hold-up aurait échoué. Sans l’ombre d’un doute. Ils nous ont donc ruinés en toute conscience. Reste à déterminer pourquoi d’aussi désastreuses décisions ont été prises et scrupuleusement appliquées. Pourquoi ont-ils trahi ?
 
Mais cette histoire est si tragique que j’ai choisi une forme plus divertissante pour vous la raconter. Sous forme de petites fables, afin d’en sourire plutôt que d’en pleurer. Ces petites fables ne constituent qu’une très libre interprétation de faits contemporains, directement inspirés de ces trente dernières années. Les personnages sont bien réels, acteurs incontournables de l’idéologie dominante, les citations rigoureusement exactes, les situations à peine exagérées.
 
Une première fable, "Et Dieu déprima" a déjà été publiée le 10 Octobre 2008. La suite, "Milton is back", arrivera sans tarder (déjà sous presse !).
 
Alors, si le coeur vous en dit, en route pour "La Galaxie des Gueux". Vous y découvrirez Milton Hermès, omnipotent et très redouté Dieu du Marché et vibrerez aux aventures d’Alan, Ronald, Margaret et Petit Teigneux ses très serviles envoyés.
 
Episode 1 : La Galaxie des Gueux - Et Dieu déprima.

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