La Grèce reprend le contrôle de son énergie

par Enjeux Electriques
jeudi 29 janvier 2015

A peine élu, le nouveau Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a déjà frappé un grand coup en annonçant le blocage de la privatisation de DEI, l’équivalent local d’EDF. Plus largement, il replace l’économie réelle, et en premier lieu l’énergie, au cœur de sa stratégie pour sortir le pays de l’ornière. 

Pour les 300 000 foyers les plus pauvres, déjà dans l’incapacité de régler leurs factures, il a promis l’électricité gratuite. Il faut dire que l’opinion publique a été indignée en juillet 2014 par la mort d’une tétraplégique sous assistance respiratoire, privée d’électricité pour quelques centaines d’euros d’impayés.

Vente de DEI, une mauvaise affaire pour le pays

Pour mener à bien son projet, le chef de Syriza a décidé d’abandonner la vente de DEI, l’entreprise publique qui alimente en électricité les deux tiers des Grecs. Le précédent gouvernement n’était déjà pas très favorable à cette décision, « très sévère », imposée par la Troïka (Union européenne, BCE et FMI), mais avait finalement cédé en juillet 2014. L’objectif était de faire passer la part de l’Etat grec dans DEI de 51 à 20% du capital. En comparaison l’Etat français détient 85% d’EDF et 33% de GDF Suez, sans que la Commission européenne trouve à y redire. 

Le montage prévu pour la cession de l’entreprise grecque n’était pas non plus très avantageux pour le pays. Seuls les actifs rentables (mines de lignite, barrages hydroélectriques, réserves de gaz naturel, réseaux électriques) devaient être mis en vente, pour environ 2 milliards de dollars. A côté, une structure de défaisance était prévue pour concentrer les 5 milliards de dollars de dettes. Bref, il était prévu que les pertes soient assumées par les contribuables grecs (mais aussi du reste de l’Europe via le programme d’aide financière), tandis que les bénéfices seraient privatisés.

Et maintenant, que faire ?

Dans ces conditions, si l’abandon de la vente est une bonne nouvelle pour la population, la situation de DEI est loin d’être réglée. L’entreprise publique est toujours criblée de dettes. De même, la promesse de rendre l’électricité gratuite pour les plus pauvres valide plutôt un état de fait (l’impossibilité de rembourser ce qu’ils doivent déjà) qu’une réelle politique sociale. Le nouvel exécutif ne pourra pas faire l’impasse sur une amélioration drastique de l’efficacité de DEI, faute de quoi le problème continuera de s’aggraver.

Une bonne gestion de DEI pourrait servir la cause d’Alexis Tsipras pour négocier avec ses créanciers. En donnant des gages de son sérieux budgétaire, son projet d’étaler le remboursement de la dette grecque en fonction de la reprise économique deviendra plus crédible. De plus, l’arrêt de la privatisation de l’énergéticien public a déjà mis un coup d’arrêt aux craintes d’une hausse du prix de l’énergie, facteur-clef pour la compétitivité des entreprises. De fait, cette décision doit contribuer à une amélioration du climat économique, et potentiellement à la reprise.

Paradoxalement, l’arrêt de la cession de DEI pourrait rapporter plus d’argent aux Grecs que si l’électricien national avait été vendu. Il reste que le chemin est encore long et les incertitudes nombreuses, mais une lueur d’espoir existe pour relancer le pays.


Lire l'article complet, et les commentaires