La guerre contre la finance, il faut scinder les banques !

par Zevengeur
vendredi 1er février 2013

Depuis la crise de 2007, une grande partie de la population a commencé à prendre conscience des effets catastrophiques issus des politiques de dérégulation mises en œuvre depuis environ 30 ans.
Le sujet de la finance reste cependant obscur pour la plupart des citoyens et - plus grave - pour la majorité de la classe politique.
Cette ignorance a créé un terrain favorable à l'oligarchie qui s'est créée autour de la doxa ultra-libérale, elle a permis aux spéculateurs véreux de faire sauter un à un tous les gardes fous qui protégeaient tant bien que mal le système financier. Ce dernier avait été conçu à l'origine pour être au service de l'économie et par voie de conséquence de la société.
Le coup de grâce fut porté en 1999 aux USA sous l'administration Démocrate de Bill Clinton avec l'abrogation du Glass Steagal Act.
Il n'a ensuite pas fallu 10 ans pour que le système soit mis à terre pour des raisons purement endogènes [1].

Le Glass Steagal Act : séparation des activités bancaires
Le Glass-Steagall Act (ou Banking Act) est une mesure anti-libérale votée le 16 juillet 1933 sous l'administration de Franklin Roosevelt qui avait pour but d'ériger des barrières de protection légales pour éviter qu'une crise telle que celle de 1929 se reproduise.
La mesure phare instaurait une incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d'investissement.
Il y eu donc séparation des métiers bancaires entre les activités utiles à l'économie telles que le financement des entreprises et celles qui sont inutiles et surtout très dangereuses comme la spéculation.

Dans ce mode de régulation, si une grande banque d'affaire fait faillite suite à la concrétisation d'un risque, il n'y a pas d'impact sur les activités utiles à l'économie.

Sans séparation, le risque est maximum
Dans le cas contraire (situation actuelle) les banques sont dites universelles.
Puisque ces dernières pratiquent les 2 activités, si le risque spéculatif provoque une chute dans ce secteur alors c'est toute la banque qui plonge.
Ajouter à cela la taille démesurée des plus grandes banques et l'on obtient le fameux "Too Big To Fail" qui oblige les états à venir au secours des banques en difficultés sous peine de laisser se détruire tout le système par effet domino.

Une promesse de campagne de François Hollande
Le 22 janvier, lors de son discours au Bourget, le candidat François Hollande avait désigné comme son adversaire principal une finance "sans visage" dont l’emprise était "devenu un Empire". Maîtriser la finance, affirmait-il alors, commencera ici par le vote d’une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives.

Les cyniques feront valoir qu'une promesse n'engage que ceux qui l'écoutent, en effet un an plus tard après un excellent travail de sape du lobby bancaire et à la lâcheté traditionnelle de l'état [2], la loi de séparation a été vidée de sa substance.
Grâce à notre ministre des finances Moscovici dont l'impéritie n'a d'égale que sa soumission, la loi présentée le 19 décembre 2012 se traduit par une simple filialisation de l'activité purement financière.
Cette proposition de loi qui sera discutée à l'assemblée en février 2013 est un coup d'épée dans l'eau, elle ne changera rien aux risques systémiques car une filiale peut bien entendu entrainer sa maison mère dans sa chute.

Le modèle Français de banques "Universelles" n'est pas plus robuste
Le lobby bancaire fait valoir que les banques françaises ont mieux supporté la crise que leurs homologues étrangères.
C'est faux !
Il suffit de regarder Dexia, Natixis ou même la Société Générale avec l'affaire Kerviel.
De plus, si les banques françaises sont en si bon état, alors pourquoi sont elles allées très discrètement se refinancer en masse à la BCE lors des 2 premiers plans de LTRO ? [3]

C'est la guerre, la séparation n'est que la première bataille
Depuis longtemps déjà la finance est devenue l'ennemi des peuples depuis qu'elle roule pour elle seule. Cependant aujourd'hui grâce à Internet, ces derniers possèdent les armes de de la contre-attaque leur permettant de réagir en donnant de la voix afin de faire plier les gouvernements.

Ce n'est pas aux banquiers de décider des règles du jeu, c'est aux peuples à travers leurs élus qui n'en sont que les représentants.

Après cette bataille, le prochain combat consistera à exiger la limitation de la taille des 29 établissements bancaires mondiaux classés comme systémiques afin de résoudre la problématique du "Too Big To Fail" (TBTF).
Aux États Unis il existe une loi anti-trust qui permet à l'état de démanteler une entreprise privé afin de l'empêcher d'atteindre une position de monopole.
Cette loi est maintenant insuffisante et il sera nécessaire de légiférer dans le même esprit y compris en Europe pour diviser en entités plus petites ces fameuses banques dites TBTF.

Cette bataille peut et doit être gagnée
De nombreuses voix s'élèvent pour demander une véritable séparation bancaire, cela avait d'ailleurs été évoqué ici même en 2009 [1].
L'excellent Olivier BERRUYER a tiré le premier à travers son blog les-crises.fr et son association Diacrisis [4] qui a regroupé environ 130 signatures de personnalités du monde politique et de la finance (*), y compris des (ex ?)ultra-libéraux qui exigent une véritable séparation des activités bancaires.
Cette séparation doit être complète avec la création d'établissements distincts n'ayant aucun lien entres eux.
En aucun cas, une simple filialisation des activités financières ne permettra de protéger efficacement le système.

(*) Ex : Warren Buffet, Bill Clinton (!), Christine Lagarde, Michel Rocard, Jacques Attali, Joseph Stiglitz, les ex PDG de Merrill Lynch et Citigroup, etc...

L'immobilisme des états
Il y a toujours de bonnes raisons de ne rien faire, on nous dit qu'un seul pays ne peut pas prendre ce type de mesures car elle aurait pour conséquence d'affaiblir ses banques par rapport à la concurrence.
C'est ce type de raisonnement qui conduit à l'immobilisme des états auquel on assiste depuis 5 ans [2].
Ce dernier laisse perdurer un contexte qui a mis le système dans le mur en 2007 car non seulement les responsables de la crise n'ont pas été inquiétés mais ils occupent toujours les mêmes postes avec la même capacité de nuisance.

Le débat sur ce sujet est tabou en France avec une situation comparable au nucléaire, les gouvernements de gauche comme de droite prennent des décisions sans consultation, les seules entités qui interviennent sont...les lobbies !

Paradoxalement, dans les pays anglo-saxons, temples de ce que l'on appelle l'industrie financière - terme qui s'apparente à un oxymore - le débat a eu lieu.
Les réformes Vickers en Angleterre et Volker aux États-Unis sont allées beaucoup plus loin que la timorée proposition Moscovici.

Lors du conseil des ministres du 19 décembre, le ministre Moscovici s'est cru obligé de déclarer lors de la présentation du projet de loi que « Ce n’est pas une réforme qui est faite pour le lobby bancaire ».
C'est en effet plutôt une réforme qui est faite PAR le lobby bancaire !

Que faire concrètement ?

Chacun peut adhérer gratuitement à l'association Diacrisis [4] qui milite pour cette bataille, lorsque le nombre d'adhérent se comptera en dizaines de milliers, la voix du peuple commencera à se faire entendre par dessus celle des lobbies.

Cette association peut s'apparenter à un lobby citoyen en mesure de faire contre poids au lobby bancaire.

Références
[1] Crisis ? What Crisis ?
[2] L'esprit de Munich
[3] Où sont passés les 1000 Milliards injectés par la BCE ?
[4] Association Diacrisis : http://www.les-crises.fr/l-association-diacrisis/
[5] Site Scinder les banques

 


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