La mondialisation expliquée aux Français

par Loic Le Meur
mercredi 12 octobre 2005

Dans cet article du Figaro, Philippe Gordon tente de comprendre la réticence de la France devant la mondialisation économique, et il y a pour lui trois raisons essentielles qui expliquent le refus français de ce phénomène inéluctable :

1- La mondialisation menace directement la tradition politique et économique étatiste du pays. Les dépenses du gouvernement continuent à représenter 54% du PNB français, un chiffre beaucoup plus élevé que celui de la plupart des pays industrialisés.

2- L’attachement des Français à leur culture et à leur identité, que beaucoup estiment menacées par une mondialisation assimilée à une américanisation.

3- La mondialisation menace la notion d’égalité, un des principes fondateurs de la République française. Les fortes inégalités qui sont créées par la mondialisation, plus ou moins acceptées par les Américains, plus individualistes, ne sont pas admises dans une France qui semble préférer l’égalité, même au prix d’un taux de chômage élevé et d’un niveau de vie réduit.

Et il commente aussi le nouveau concept inventé par Dominique de Villepin : "le patriotisme économique" :

"L’idée du premier ministre est qu’il faut défendre des « champions nationaux », comme si, de nos jours, l’idée d’une compagnie vraiment « française » avait un sens. La majorité des employés de Danone, par exemple, travaille à l’étranger, et la firme réalise 70% de ses profits hors la France. Est-ce une firme « française » ? Ses patrons investissent-ils plus en France que ne le ferait un patron étranger, et le font-ils pour des raisons patriotiques ?"

Si je n’ai pas beaucoup de commentaires à faire sur la première raison, je suis moi aussi très attaché à la culture et l’identité française, mais je pense que la meilleure manière de les protéger est justement de faire en sorte que les réussites françaises et leur reconnaissance à l’étranger soient de plus en plus nombreuses, plutôt que de nous replier sur nous-mêmes.

Le monde est un village, et la France est beaucoup trop concentrée sur la protection illusoire de notre confort plutôt que sur la création, sur le passé plutôt que sur l’avenir. Le "patriotisme économique" est une illusion tant les "grands champions français" sont déjà internationaux : la majorité des employés de Danone travaillent à l’étranger, comme le souligne Philippe Gordon.

Enfin, sur la troisième raison, "les fortes inégalités qui sont créées par la mondialisation", tout dépend de quel point de vue on se place. La très forte croissance économique de pays comme l’Inde, la Chine ou la Corée du Sud montre au contraire une très forte évolution dans bon nombre de pays dans lesquels le niveau de vie progresse de manière fulgurante. Ce sont au contraire, d’un point de vue mondial, des inégalités qui s’estompent ; sauf erreur de ma part, le niveau de vie moyen des citoyens de Singapour est aujourd’hui supérieur à celui des Français. Ces pays concentrent leurs efforts sur le progrès et sur une réussite à l’échelle mondiale et non nationale.

Quand va t-on cesser de se plaindre des méfaits de la mondialisation et se concentrer sur la compétitivité de la France ? Comme je l’entends souvent lorsque je rencontre mes amis asiatiques ou américains, la France est en train de devenir un musée où il fait bon se rendre pour apprécier sa culture, son savoir-vivre et sa cuisine. Est-ce vraiment ce que nous souhaitons ?

Hier encore, à Londres, un investisseur américain me demandait pourquoi j’étais encore en France, pourquoi je ne déménageais pas à San Francisco, centre mondial absolu de ma passion et de mon activité, le Web. J’ai longuement envisagé de le faire, et à plusieurs reprises, pourtant je me suis fait une raison, j’aime la France et j’aime y vivre, beaucoup d’aspects de la culture américaine me déplaisent et je ne me sens pas chez moi outre-Atlantique. Je ne défends pas non plus un modèle inégalitaire individualiste, mais je suis très inquiet sur le fait que nous nous concentrions à ce point sur notre confort, et si peu sur notre avenir.



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