La nécessaire régulation de l’immobilier en France

par Bob Lemeusien
lundi 13 décembre 2010

Soyons clairs, les prix dans l'immobilier ont atteint des niveaux à la fois invraisemblables mais aussi insupportables.
Invraisemblables car quand le salaire moyen augmente de 20% en 10 ans, le prix d'un appartement augmente de 200%.
Insupportables car nombre de foyers (assez modestes) ont décidé de s'endetter parfois sur trente ans pour l'acquisition d'un bien de qualité très relative.

L'immobilier serait-il dans l'esprit des citoyens un « marché » à part ? Alors que la population s'entend pour dénoncer à juste titre la spéculation financière, voilà qu'un marché d'amateurs (la plupart des intervenants sont des particuliers) illustre à la perfection la non consistance des théories sur l'efficience d'un marché et du nécessaire laisser-faire.

Des prix décorrélés des fondamentaux

Les agents immobiliers nous répètent à l'envie qu'il y a de la demande, donc il est « normal » que les prix soient si haut. A cela je répondrai simplement qu'il y a eu de la demande pour acheter des actions au cours de la bulle internet, avant que celles ci ne perdent 90% de leur valeur. Il y également eu de la demande au début des années 90 au Japon pour acheter des appartements qui ont perdu 50% de leur valeur dix ans plus tard.


Autrement dit, la loi de l'offre et la demande ne permet pas de garantir que les prix reflètent les fondamentaux économiques. Les facteurs qui expliquent les dérapages sont connus : surabondance de liquidités dans un marché tendu (taux très bas, très peu d'apport personnel exigé), et effet moutonnier. Ce facteur psychologique est très important ! Les théories (fausses) qui s'immiscent dans beaucoup de conversations relatant que « les prix ne peuvent que monter » amplifient très fortement les mouvements à la hausse.

Des risques importants

Quels sont les risques ? Comme le montre la décorrélation entre le salaire moyen et le niveaux des prix, nous avons glissé dans un schéma de Ponzi dans lequel une grande partie de l'argent qui est injecté dans l'immobilier ancien n'est pas de l'argent réel (issu d'un travail et d'une création de valeur). Il s'agit d'un argent virtuel issu de la plus value réalisée lors de la revente d'un bien acheté avant le début de la bulle. Au bout de la chaine sont les primo-accédants décidant dans le délire ambiant de s'endetter sur des durées excessives pour avoir la chance de faire partie du « club » et de pouvoir eux aussi revendre plus tard avec une plus value qui financera l'acquisition d'un bien de meilleur qualité.

Nous avons tout intérêt à stopper ce schéma au plus vite. Simplement parce qu'un système économique basé sur une pyramide de Ponzi n'est pas viable !

Plus tard la richesse virtuelle générée par l'augmentation de la valeur du patrimoine immobilier disparaitra, plus forte et plus douloureuse sera la baisse. Malheureusement, même en agissant maintenant, le laisser-faire de nos décideurs politiques depuis 10 ans se paiera. En favorisant sans contrôle l'endettement des particuliers sur des durées très longues, nous impactons négativement la consommation des ménages sur le long terme.

Des solutions simples existent

Deux mesure simples permettraient de retrouver les fondamentaux.
La première est de taxer à au moins 50% la plus-value hors inflation sur la revente d'un bien immobilier ancien (y compris la résidence principale). L'enrichissement personnel indu généré par l'augmentation délirante du prix d'un bien ancien ne doit pas être réinjecté dans l'acquisition d'un autre bien.
La seconde est d'empêcher les banques de financer une acquisition immobilière dans l'ancien avec un apport personnel inférieur à 25% et sur une durée supérieure à 20 ans. L'accès trop facile au crédit a toujours conduit à des situations catastrophiques.

Vouloir ramener les prix dans l'ancien à des niveaux cohérents comporte également des risques.
Il est nécessaire de maintenir en parallèle les dispositifs de défiscalisation (type scellier) pour l'acquisition dans l'immobilier neuf. La baisse des prix doit pouvoir être contrôlée (en agissant sur le niveau de taxation des plus-values) afin de ne pas dépasser 10% par an pour ne pas anéantir le secteur de la construction. En effet une baisse des prix dans l'ancien fait mécaniquement baisser les prix dans le neuf et rend moins rentable certains projets dont le terrain a déjà été acquis trop cher.

Nos décideurs doivent agir ! Le dispositif de prêt à taux zéro constitue en période de bulle un contre sens économique incroyable. Le niveau de remboursement et les frais supportés par un néo-propriétaire sont bien souvent très supérieurs au montant consacré pour la location du même bien. Plus nombreux seront les primo-accédants modestes à s'endetter trop longtemps, plus le potentiel de création de richesse réelle de notre pays sur le long terme sera amputé.

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