La peinture locale dégouline de faussaires

par Chicetchoc
mercredi 13 février 2019

Et si le plus grand terrain de jeu pour les faussaires n'était pas celui que l'on croit ? Loin des copies extrêmement bien réalisées de chefs-d’œuvre, le monde de l’art est confronté à un autre fléau, plus discret, mais beaucoup plus inquiétant : celui des artistes locaux. Ces artistes – la plupart du XIXe siècle – sont très souvent imités et vendus au détriment de petits collectionneurs particuliers ou d’organismes publics. Le musée de la petite ville d’Elne (Pyrénées-Orientales) en a fait la douloureuse expérience il y a quelques mois de cela avec une collection qui a dû être expurgée de 60 % de ses œuvres qui se sont avérées contrefaites.

Les grands noms de la peinture et les plus petits partagent au moins une chose en commun mis à part leur amour pour leur art : les faux. Les artistes locaux sont eux aussi victimes de faussaires qui parviennent assez aisément à investir les salons et les musées en région. Celui d’Elne consacré au peintre local Etienne Terrus a eu la mauvaise surprise d’apprendre que 82 œuvres sur les 140 qui avaient été rassemblées sont des faux. Un coup dur pour cette municipalité de 8 000 habitants qui s’est démenée depuis plusieurs années pour faire connaître un artiste ami de Matisse et d’André Derain qui a préféré vivre et travailler dans son sud natal après des études à Paris. Ce choix l’a certainement empêché de faire une grande carrière, mais cela ne décourage pas les faussaires actuels.

« Le marché des peintres locaux est inondé de faux » selon l’historien d’art Eric Forcada. Un homme qui connaît son affaire puisque c’est lui qui est à l’origine de la découverte des faux du musée d’Elne. Missionné pour réorganiser le musée, il s’est vite rendu compte de la nature de certaines œuvres. Une signature qui s’efface au simple passage de son doigt ganté, plusieurs signatures sur le même tableau ou encore des anachronismes assez évidents ont constitué autant d’éléments à charge. Une observation attentive ne laisse planer aucun doute et le comité d’experts réuni pour confirmer les premières impressions d’Eric Forcada est formel : 60 % des dessins et tableaux exposés sont des faux.

Cette supercherie a coûté 160 000 euros à la ville d’Elne et s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, le musée a été créé par des amateurs passionnés, mais pas forcément avertis. La plupart des toiles ont été trouvées chez des antiquaires locaux et l’idée que des faux d’un peintre seulement connu dans la région puissent circuler n’a certainement pas traversé l’esprit de ces amateurs guidés par l’envie de réunir le plus grand nombre d’œuvres possibles. Ainsi, malgré des « supports en coton (qui) ne correspondent pas aux toiles utilisées par Terrus », malgré un « niveau stylistique » qualifié de « grossier » par Eric Forcada, les faux ont colonisé le musée d’Elne.

Le maire a décidé de porter plainte en raison de l’image désastreuse pour sa commune et des sommes en jeu. Malheureusement, les peintres locaux risquent d’être longtemps encore copiés, car leurs œuvres ne valent souvent au plus que quelques milliers d’euros soit une bonne partie des frais d’avocat induits par un recours en justice. Les faussaires et marchands d’art peu scrupuleux ont donc de beaux jours devant eux.


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