La réduction du déficit de la France passe par la taxation des revenus du capital (et c’est un libéral qui l’a dit !)

par lemexicain
mardi 18 mai 2010

Dans un entretien accordé samedi dernier au journal Le Monde, Patrick Artus, directeur des études économiques de la société bancaire Natixis,a fait preuve d’un grand scepticisme quant à l’efficacité des mesures d’austérité annoncées un peu partout en Europe, aussi bien pour les divers plans de rigueur préparés notamment en Grèce, en Espagne, en Irlande, au Portugal, en Roumanie et en Italie, que pour les « efforts » attendus des Français par le gouvernement Fillon... Le lecteur notera au passage, grâce à cet extrait d’Arrêt sur images, la subtilité lexicale de nos chers ministres ! Selon Patrick Artus la recette appliquée à ces différents pays - toujours la même ! - ne peut conduire qu’à aggraver la situation : « Personne n’a encore dit que réduire les dépenses publiques de 1 point de PIB ne réduit pas le déficit public de 1 point de PIB. Il faut prendre en compte l’effet négatif sur la croissance. Baisser les dépenses publiques, réduire les salaires des fonctionnaires, augmenter la TVA, tout cela entraîne une moindre consommation, donc une baisse du PIB. Moins de PIB signifie moins d’impôts ». Résultat des courses l’Espagne, par exemple, ne parviendra pas à atteindre son objectif qui est de ramener son déficit à 5% du PIB en 2011 : « il devrait se situer autour de 8% ».
 
Une chose est sûre, c’est que la Grèce n’arrivera pas à remonter la pente avant un bon moment, suite à la saignée que lui ont imposé les autres États européens, en échange de leur « aide » - dont l’objectif (non avoué) était de plutôt de sauver les banques. Les chances de voir la dette grecque diminuer dans les années qui viennent sont presque nulles, car la croissance de ce pays est doublement handicapée : par la réduction drastique des dépenses publiques imposée par la « solidarité » européenne, et par les difficultés qu’il connaît actuellement en matière de tourisme, un secteur non négligeable puisqu’il représente 17% de son PIB.
 
Selon l’économiste Frédéric Lordon, invité vendredi dernier dans l’émission Arrêt sur images, le plan d’aide à la Grèce semble voué à l’échec : « Il impose à l’économie grecque une telle restriction budgétaire qu’il ne peut s’ensuivre autre chose qu’un ralentissement de croissance encore plus profond que celui qui est déjà à l’oeuvre, de telle sorte que l’ajustement budgétaire aura toujours un temps de retard sur l’effondrement des recettes fiscales ». Ce constat s’appuie notamment sur le cas de la Lettonie, « qui a reçu l’aide du FMI et de l’Union européenne, moyennant quoi elle a dû s’imposer une potion des plus sévères, au terme de laquelle le déficit public letton s’est accru au lieu de se réduire. Il va certes se réduire un petit peu l’année prochaine, prévoit-on, mais pour passer de 9% à 8,5% - c’est un gain évidemment triomphal, pour des douleurs en contrepartie qui sont phénoménales. La Lettonie est en train de se taper une récession monumentale  ». Par conséquent : «  dans le pire des cas le déficit budgétaire grec ne se réduira pas, dans le meilleur il se réduira à un rythme si lent que l’économie grecque est partie pour une décennie d’austérité et de chômage de masse (...), alors que l’ajustement budgétaire normalement ça se fait essentiellement par le retour à la croissance  ».
 
Après avoir effectué ce petit détour par la Grèce, qui paraissait nécessaire - car personne n’en a parlé dans ces termes, pas même Patrick Artus - revenons-en au cas de la France et à notre article du Monde. Lorsque la journaliste du Monde demande innocemment « La France n’est pas l’Espagne, mais doit aussi réduire son déficit. Le plan Fillon suffira-t-il ?  », la réponse de Patrick Artus montre qu’il ne se fait aucune illusion : « Selon nos calculs, il faudrait qu’en deux ans la France réduise son déficit de 96 milliards d’euros. Le gouvernement assure que la croissance apportera 20 milliards d’euros, mais il se fonde sur une prévision optimiste de 2,5%. S’il faut trouver 96 milliards de réduction de nos déficits structurels, ce sera compliqué. Cela représente deux siècles de bouclier fiscal !  ». Jusque là, rien de bien nouveau sous le soleil me direz-vous ! C’est que le meilleur est à venir : « On peut toujours, comme en Grèce, décider de ne plus payer les retraites ni les fonctionnaires. Ce n’est pas efficace. La seule façon de faire, c’est de procéder à une grande réforme fiscale, en alignant la taxation des revenus du capital sur celle du travail. Cela pourrait rapporter 100 milliards d’euros, sans dégât économique puisque ces revenus sont épargnés ».
 
Oui, vous avez bien lu ! Ce monsieur, directeur des études économiques de Natixis (un véritable repaire de trotskystes, n’est-ce pas ?), préconise de réduire le déficit public de la France en taxant les revenus du capital autant que ceux du travail. Et il affirme que cela ne causerait aucun dégât économique ! Mais alors... Pourquoi Mélenchon, Buffet, Besancenot et tous ceux qui proposent cette solution depuis des décennies ont-ils toujours été pris de haut par leurs adversaires politiques et par les « chiens de garde », comme si leurs propos n’avaient aucun sens ? Et pourquoi tous les gouvernements - de droite comme de « gauche » - persistent-ils à rogner des miettes sur les retraites et sur le nombre de fonctionnaires, si même les financiers estiment que cette méthode n’est pas efficace ? En réalité il n’y a pas besoin d’être un génie de l’économie pour comprendre que la quasi-totalité des retraites et des salaires versés aux fonctionnaires est réinjectée dans l’économie, contribuant ainsi à la croissance... Le fait est que la solution miracle sans arrêt préconisée contre la dette publique par le FMI et par les gouvernements n’a jamais fait ses preuves, bien au contraire...
 
Pour une analyse très pertinente de l’actualité économique, je vous conseille de jeter un œil à l’émission "Parlons net" du 14 mai, qui donnait la parole à Jacques Généreux, qui est professeur d’économie à Sciences Po, ainsi qu’au dernier billet du blog de Jean-Luc Mélenchon.
 

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