La réforme de l’APL : nouveau scandale en perspective pour le logement

par Laurent CRIADO
lundi 29 août 2016

Depuis le 1er juillet, le calcul de l’APL a changé. Ce changement concerne 80.000 foyers dont le montant de l’aide est revu à la baisse, voire annulé. Objectif de cette réforme : freiner l’inflation des loyers et mieux les encadrer. Que cache vraiment cette réforme et quelles en sont les conséquences pour les bénéficiaires ? Analyse.

Si l’intention est louable, puisqu’il s’agit de mieux encadrer les loyers, le mode opératoire est critiquable. La brutalité de mise en œuvre est déplorable et certains bénéficiaires sont mis devant le fait accompli.

Des actions qui ne sont pas à la hauteur des enjeux

Selon le gouvernement, ce dispositif s’expliquerait par sa volonté de lutter contre l’inflation déraisonnable des loyers. Car, oui, le gouvernement, dans toute sa splendeur ubuesque, reproche à certains locataires de subir des loyers trop élevés. Suite à la réforme, lesdits locataires prendront acte d’une diminution, ou d’une extinction pure et simple, du montant de leur APL.

Ce gouvernement reconnaît que l’APL contribue à dérégler, d’une certaine façon, le marché de la location immobilière. Le hic, c’est que le marché immobilier est faussé dans sa globalité depuis bien longtemps à cause de toutes les aides dont il bénéficie et qui ont pour effet de le maintenir à flot artificiellement.

Bon an, mal an, le budget de l’Etat alloué au logement est de 40 milliards d’euros. Pour quels résultats ? Inexistants et constants dans la médiocrité, quel que soit le pouvoir en place. Voilà plus de 20 ans que l’immobilier jouit de niches fiscales à gogo quand les secteurs productifs sont assommés de charges. Aujourd’hui, l’immobilier évolue sous perfusion de taux de crédit excessivement bas et, entre autres largesses, du PTZ.

Logique de nos dirigeants : attaquons-nous à une infime partie du vaste problème du logement et à une infime partie des aides qui lui sont consacrées pour obtenir des résultats globaux. « Infime » car le gouvernement se focalise sur une fraction du fonctionnement de l’APL, avec, en ligne de mire, 225 millions d’euros d’économies. Dans les faits, il faudra plutôt tabler sur 116 millions d’économies comme le détaille cet article du Monde.

Cette polémique sur la réformette de l’APL, dont les 116 millions pèsent bien peu face aux 40 milliards dilapidés chaque année, est en fait un écran de fumée destiné à cacher la vacuité créative de ce gouvernement sur la grande question du logement. Pour lutter contre les loyers prohibitifs, pénalisons les locataires ! Voilà la logique grand-guignolesque des joueurs de poker qui nous gouvernent. Pathétique aveu d’incompétence.

L’échec qui se profile est prévisible

Ce gouvernement entend donc enrayer l’inflation des loyers en supprimant tout ou partie de l’APL à certains bénéficiaires. Et ce, en misant sur l’hypothèse, hasardeuse, que les propriétaires ajusteront à la baisse le montant des loyers. Le problème de ce gouvernement est qu’il n’arrête pas de miser.

Croire que la suppression de l’APL va conduire à un ajustement des loyers est, au mieux, naïf, au pire, une entreprise de destruction massive des acquis sociaux. Si nous dressons un parallèle avec le secteur de la santé, l’avenir s’annonce plutôt sombre. Pour mémoire, voici les grandes étapes de la réforme opérée sur les frais de santé :

  1. Plafonner les remboursements prévus par les mutuelles pour que les praticiens ajustent les tarifs de leurs actes et se calent sur ces plafonds ;
  2. Le prix des actes n’a bien entendu pas baissé et le patient est maintenant contraint de payer le différentiel de sa poche ;
  3. Les tarifs des mutuelles ne baissent pas ;
  4. Le patient est le dindon de la farce puisqu’il paye toujours autant de cotisations moyennant des remboursements de moins en moins conséquents.

Cet article du Figaro explique très bien le processus et la réalité mathématique. Il donne des exemples très concrets sur les frais que les patients doivent à présent acquitter. A ce titre, le cas de l’opération de la prostate est édifiant. Facturée 3.300 €, elle était prise en charge intégralement avant la réforme Touraine. Désormais, le patient doit débourser 1.644,56 €. Même conséquence pour une consultation chez le gynécologue ou un rhumatologue, le patient doit fouiller bien au fond de ses poches pour se soigner.

Cette réformette de l’APL prend le même chemin. La suppression de l’aide au logement n’aura aucun impact positif sur le montant des loyers. Le locataire qui jouait déjà les équilibristes, avant la réforme de l’APL, risque de se retrouver à la rue s’il ne peut plus honorer son loyer. Mais ça, le gouvernement n’en a cure. Dans un cas comme dans l’autre (réforme sur les frais de santé et APL), ce gouvernement commet des fautes de gestion impardonnables qui risquent de créer un désastre social sans précédent.

Conclusion

Derrière les conséquences de cette pseudo-réforme de l’APL qui, rappelons-le, touche 80.000 foyers de plein fouet, se cache un problème beaucoup plus grave. Le vrai scandale réside dans le fait que ce gouvernement ne dispose d’aucune politique viable pour faire du logement une priorité nationale.

Un jour, il sera nécessaire de s’affranchir des postures électorales et de prendre la question du logement à bras-le-corps afin d’enrayer la cherté de l’immobilier en France en remettant tout à plat. Avec pour objectif de définir la place que doit vraiment occuper le logement dans notre société. Un produit de luxe réservé à certains ou un besoin fondamental qui doit permettre aux citoyens de vivre dignement, sans devenir des esclaves modernes s’épuisant à la tâche afin de payer un loyer ou un crédit exorbitant pour occuper un logement tout à fait quelconque.

Ce gouvernement se contente d’en faire le moins possible, de passer entre les gouttes et de surfer sur un marché immobilier qui semble en bonne forme. En apparence seulement, car le marché ne se porte pas aussi bien que les illusionnistes voudraient nous le faire croire. Henry-Buzy Cazaux livre dans sa dernière tribune, dans le magazine Capital, une vision très juste et à contre-courant de l’ensemble des acteurs de l’immobilier.

En substance, il évoque :

Encore une fois, il est dans le vrai et ses analyses sonnent juste.

Quant à ce gouvernement, constatant l’échec patent de la réforme de l’APL, il pourra toujours prétexter avoir joué de malchance sur cette question après la guigne du chômage et la poisse de la Santé. Vraiment pas de bol.

Laurent CRIADO

Site Internet : guidepratiqueachatimmobilier.com

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