La « taxe Robin des bois »
par Lucilio
vendredi 19 février 2010
Robin des Bois ne volait pas les banquiers pour donner aux pauvres, il reprenait aux agents du fisc l’argent extorqué et le rendait aux gens écrasés d’impôts. S’il avait jamais existé, Robin devrait aujourd’hui se retourner dans sa tombe en voyant comment son nom est désormais détourné par les descendants spirituels du Prince Jean.
Cette pétition amène quelques réflexions. Tout d’abord, bien loin de ce que les économistes signataires avancent, nous ne nous trouvons pas devant un marché financier, national ou international, déréglementé ou libre. Pratiquement tous les États du monde possèdent une banque centrale, c’est-à-dire une institution planificatrice, qui agit comme prêteur de dernier recours et qui est la source de bulle financière grâce à la manipulation du prix le plus important d’une économie, le taux d’intérêt. Or une taxe de 0,05% grevant les transactions financières n’aurait aucun effet sur la production de ces bulles. Si ces 350 économistes veulent vraiment lutter contre ces bulles à répétition, ils feraient mieux d’exiger la fermeture des banques centrales ou le retour à l’étalon-or. Ensuite, cette « taxe Robin des bois » est à la fois contre-productive et inutile. Contre-productive quand elle complique le travail des intermédiaires financiers et la négociabilité des actifs. Car s’ils ont mauvaise presse et alors même que nous le sommes tous dans une certaine mesure, les « spéculateurs » sont bel et bien des intermédiaires économiques indispensables qui, en anticipant le futur, en n’agissant pas sur base des données actuelles, mais sur leurs expectatives de données futures, stabilisent les prix à long terme, facilitant ainsi l’achat et la vente pour les investisseurs ou les entrepreneurs. La « taxe Robin des bois » est également inutile si elle prétend contrôler les effets de l’expansion du crédit. Certes, elle pourra réduire l’usage de certains types d’endettement à court terme, mais les institutions bancaires peuvent parfaitement faire exploser un crédit artificiel par d’autres moyens.
En fin de compte, le résultat principal de cette « taxe Robin des bois » sera d’enchérir le mouvement des capitaux et de compliquer l’investissement dans les pays pauvres. Sans compter le fait qu’à terme l’impôt reposera toujours sur le client d’un compte bancaire, d’une police d’assurance, d’une hypothèque, d’un crédit ou d’un plan de pension. Car même si les promoteurs de cette taxe assurent que le prélèvement sera des plus minimes, ils en espèrent néanmoins un rendement de plusieurs centaines de milliards de dollars par an. Il serait absurdement illusoire de croire que les institutions financières ne feront pas répercuter ce nouveau coût sur leurs clients. Comme le rappelle Madsen Pirie dans un article paru dans leTelegraph (« Robin Hood Tax : why 350 economists are utterly wrong »), il est heureusement improbable que cette nouvelle taxe arrive à se concrétiser car demandant un accord global de toutes les instances et juridictions mondiales. S’il s’agit vraiment d’aider les pays pauvres, il serait plus pertinent de faire campagne pour que l’Union européenne ainsi que les États-Unis réduisent ou suppriment leur politique agricole protectionniste afin que le Tiers-monde puisse enfin concurrencer librement les producteurs locaux.
Une dernière réflexion concerne le détournement démagogique visant à présenter sous le nom de Robin des Bois une nouvelle taxe qui, au final, portera préjudice au citoyen de base et aux habitants des pays pauvres. Car selon la légende bien comprise, Robin des Bois ne volait pas les banquiers pour donner aux pauvres, il reprenait aux agents du fisc l’argent extorqué et le rendait aux gens écrasés d’impôts. S’il avait jamais existé, Robin devrait se retourner dans sa tombe en voyant comment son nom est désormais détourné par les descendants putatifs du Prince Jean.