La théorie de la frustration

par jean charles espy
mercredi 12 avril 2006

Le sondage réalisé par CSA pour La Tribune montre le véritable désarroi de nos concitoyens : 91% des Français déclarent qu’ils s’attendent à une nouvelle dégradation de leur pouvoir d’achat au cours des prochains mois, et 40% à envisagent de restreindre leur pouvoir d’achat.

Le chômage perdure, la flambée du prix du pétrole annonce un pouvoir d’achat rogné (conscience que le pire est probablement à venir), l’Europe et sa constitution frustre plus de la moitié de nos compatriotes, les JO 2012, qui étaient annoncés comme un véritable électrochoc d’une France qui gagne, partent à Londres, et le débat sur le CPE/ précarité risque de laisser des traces. Ce ne sont pas les propos de Thierry Breton, ministre de l’Economie, déplorant « une France qui vit au dessus de ses moyens » qui mettront une l’embellie à notre moral.

C’est un véritable cri du cœur de ceux qui laissent poindre plus qu’une inquiétude, un véritable désarroi, lourd de conséquences sur la consommation, ultime rempart d’une croissance affaiblie. La baisse de la consommation, voilà la hantise de nos politiques, de nos économistes et surtout des entreprises qui produisent ou diffusent et créent emplois et pouvoir d’achat. Car cette crise du moral est en réalité beaucoup plus profonde, et va au-delà de l’effet conjoncturel énoncé. Pourquoi le consommateur ne répond-il plus aux multiples sollicitations des entreprises, de leurs nouveaux produits comme de leur communication ou de leur promotion ? Voilà la question de fond.

Nos démocraties sont construites sur le développement économique et sur la progression des standards de vie, pas sur la régression. Le modèle économique mis en place en 1957 par Kittrick, qui voulait que l’on fasse des profits au travers des besoins du consommateur, paraît proche de l’épuisement. Les besoins du consommateur semblent satisfaits, saturés. Cela dit, il continue à avoir des envies, donc il est de plus en plus frustré. Il est probable que le redressement de la machine économique va dépendre de la capacité des entreprises à répondre non pas aux besoins, mais aux frustrations.

Un exemple, pour illustrer ces nouvelles pistes de développement, la mode. Elle est éphémère, elle coûte cher, et dès le moment de l’achat d’un produit à la mode, il commence à ne plus être à la mode. Cette simple logique (qui est aussi vraie pour les téléphones mobiles, les PC et tout produit à connotation technologique) entraîne une frustration : celle de ne pouvoir être toujours à la mode. En proposant de bien copier la mode à des prix réduits et en répondant à une frustration et non à un besoin, ZARA est devenue le leader mondial de la confection féminine. Le nouveau marketing doit s’orienter vers cette logique : trouvons la frustration pour être le mieux à même de répondre aux envies.


Lire l'article complet, et les commentaires