La TVA sociale : vraie bonne idée, ou véritable arnaque ?
par reaper95
jeudi 6 septembre 2007
Elle est de retour ! Après avoir (probablement) contribué au fait que l’UMP n’aura pas obtenu un véritable tsunami à l’Assemblée, la TVA sociale est remise sur le travail ces derniers jours. Alors, la TVA sociale, kézako ? Est-elle la solution à tous les problèmes de la France, ou encore une fois est-ce un simple effet d’aubaine caché derrière un coup de comm’ comme sait si bien le faire notre nouveau président Nicolas Sarkozy ? A voir...
Ce matin , Eric Besson, le secrétaire d’Etat à la Prospective (note : que ceux qui savent ce que ça signifie me le disent IMMEDIATEMENT) et nouveau symbole du traître depuis Judas, a annoncé qu’il avait fini son étude sur les possibilités de la TVA sociale et que ça allait faire beaucoup de bruit ! C’est lui qui l’a dit ! Après avoir sérieusement grévé l’UMP de nombreux sièges au second tour des législatives, ce sujet est devenu fâcheux. A tel point qu’il est le ver dans la pomme des sondages dithyrambiques à l’attention du chef de l’Etat.
Qu’est-ce donc que cette TVA "sociale" ? La TVA, tout le monde connaît : c’est une taxe sur les produits finis que les consommateurs paient lorsqu’ils achètent n’importe quel produit ou service en France. Lorsqu’on achète un pain, un livre ou des travaux de rénovation de son appartement, on paye la TVA. Son taux est actuellement de 19,6 % pour la majorité des produits, avec parfois un taux abaissé à 5,5 %, comme pour les produits culturels ou les produits de construction.
Donc quand on fixe le prix d’un produit, l’entreprise doit établir un prix "hors taxes" et y rajouter cette fameuse TVA.
Oui, mais me direz-vous ? Et l’autre là ? La "sociale" ? Pourquoi est-elle sociale d’ailleurs ?
Pour schématiser au maximum, on va augmenter le taux de TVA de quelques points et cette différence va être destinée à financer les charges sociales, celles qui pèsent soi-disant depuis 150 ans sur la compétitivité de nos entreprises, puisque inutiles, puisque finançant les caisses d’allocations chômage, de retraite et de maladie de tous ces fainéants de Français ! (Désolé pour ce parti pris peu objectif ma foi, mais ça fait du bien quand ça sort !)
Donc si les consommateurs payent les charges sociales de notre pays à chaque achat, en contrepartie, on va baisser les charges sociales des entreprises, leur permettant - théoriquement - de faire baisser les coûts.
Est-ce clair ? Je répète donc : ce sont les consommateurs qui vont payer les cotisations sociales à la place des entrepreneurs, leur permettant d’avoir un coût du travail plus faible et donc de pouvoir faire baisser leurs prix. En outre, cela taxe les produits importés (surtout ceux venant de Chine) et cela déstabilise un peu les prix bas des pays asiatiques ou de l’Est européen, luttant soi-disant contre le dumping provoqué par le faible coût de la main-d’oeuvre asiatique.
C’est a priori une bonne idée qui a été plutôt efficace dans les pays qui l’ont adoptée, dont le Danemark et plus récemment l’Allemagne d’Angela Merkel, avec pas mal de succès d’ailleurs.
C’est en tout cas le pari que prend le chef de l’Etat en voulant l’imposer en France. Certains hommes politiques étaient pour (par exemple François Bayrou) et personnellement, n’étant pas pourtant un ultralibéral, j’estime que l’idée était à creuser.
Malheureusement, une bonne idée a encore été gâchée par le manque de réalisme et l’enthousiasme de nos gouvernants pour les pays où l’herbe est plus verte que chez nous, c’est-à-dire à peu près partout sauf en Iran et en Afghanistan. En somme, à trop vouloir copier les bonnes idées de nos voisins, on oublie de l’adapter aux spécificités culturelles et locales de la France.
Ainsi, si l’Allemagne a réussi à imposer sa TVA sociale, c’est d’abord parce que son taux de TVA antérieur était bien plus faible que le nôtre : il était de 16 % et fut augmenté à 19 % une fois la TVA sociale appliquée. Ce qui reste raisonnable dans un pays où le pouvoir d’achat est plus important que le nôtre et le salaire moyen de l’ordre de 1 500 € alors qu’en France il est plus proche des 1 200 €.
Or que proposait François Fillon ? D’augmenter notre TVA de 5 points ! Passer de 19,6 à 24,6 %, soit une augmentation de 25 % ! (Si si, calculez.) Dans un pays où la préoccupation principale est la baisse du pouvoir d’achat, il est évident que ça serait gonflé, surtout de la part d’un président qui a été élu sur ce thème-là.
En plus, peut-on imaginer que de l’autre côté, c’est-à-dire celui des entreprises, l’effort de baisser les prix va se produire ? Rien de moins sûr ! Dans la plupart des PME françaises qui sont suffisamment étouffées par le manque de bénéfices, on va sûrement préférer augmenter ses marges en laissant les prix au même tarif, mais en profitant de la baisse du coût du travail. Peut-être quelques entreprises pourront-elles baisser leurs prix, mais qui pourra se le permettre, à part des entreprises aux bénéfices stabilisés, donc des grosses entreprises, dont les actionnaires souhaitent des taux de rentabilité immédiats et maximum ? (Donc personne...)
Le risque est donc de voir les prix de nos produits augmenter de façon substantielles pour que nos entreprises ne paient plus (ou presque) de charges et se déresponsabilisent totalement de l’organisation de la société française.
En ce qui concerne l’argument sur les produits importés, cela aurait pu avoir son effet si, derrière, les importations ne représentaient pas la grande majorité des produits de consommation en France. Donc les prix vont forcément augmenter pour ces produits qui ne seront pas concernés par des "baisses". Et oui, votre lecteur MP3 made in China va voir son prix augmenter naturellement ! Ce qui va réduire un peu plus le pouvoir d’achat des Français et accroître un peu plus la grogne des plus démunis. En Allemagne, la part de la production nationale dans la consommation est bien plus importante, ce qui compensait l’augmentation des prix.
Entre le paquet fiscal qui va permettre aux plus riches de payer moins d’impôts (et bientôt moins d’impôts que la classe moyenne) et la TVA sociale qui va mettre sur le dos des consommateurs le coût de notre système social et surtout son déficit colossal, c’est le "Français d’en bas" ou du moins le "Français de pas très haut" qui va devoir boucher le déficit causé par des années de cadeaux fiscaux aux entreprises (la totalité des exonérations patronales depuis 10 ans est supérieure au trou de la Sécurité sociale, environ 65 milliards d’euros par an !). S’il n’y a pas de véritable politique de hausse salariale en France, on risque de voir l’inflation tellement honnie par J. C. Trichet à la BCE flamber de 5 ou 10 % par an, ce qui serait inconcevable dans l’UE. Et si les salaires augmentent en masse, les prix vont augmenter de plus belle, apportant la preuve d’un beau cercle vicieux qui s’emballe... Donc cette idée de TVA sociale va provoquer plus de dégâts qu’elle ne va en résoudre !
Ce qui risque d’apporter un problème à ce doux rêve sarkozyen, c’est que l’Europe interdit formellement d’augmenter la TVA au-delà de 22 % (ce qui est quand même pas mal !) et surtout un véritable accroc dans la France parfaite qui chante à l’unisson (pour l’instant...) le nom de Sarkozy. La cote de popularité du président de la République pourrait être alors profondément écornée, et quitte à choisir entre réduire les déficits publics et garder son image de grand homme de la Nation, je pense que Nicolas Sarkozy a fait son choix. Donc, on va faire du vent médiatique pendant quelques semaines, et puis pffiut, comme aurait dit l’ancien président Chirac, on laissera ça de côté, comme le CPE à son époque.
Il est juste dommage une fois encore de n’avoir pas réfléchi un tout petit peu et d’avoir une fois de plus voulu entrer de force de peur d’avoir à subir les foudres des syndicats, car la TVA sociale aurait pu être une bonne idée. En augmentant la TVA à 21 %, mais en prélevant dessus 5 %, on baissait juste la valeur de la TVA "normale", mais finalement les prix n’auraient pas trop soufferts et tout le monde aurait été "content". Or, là, ce à quoi on va avoir droit, c’est une levée de boucliers des syndicats, de la grande distribution (qui sera pénalisée par une telle méthode, perdant eux de la marge), des Français de la classe moyenne et même des Français "d’en bas" qui se vengeront aux prochaines élections... Et j’espère de la presse politique et économique qu’elle ne va pas cette fois louer une idée, certes médiocre, mais venant de la bouche du divin président...