Le chiffre d’affaires réalisé par les auto-entrepreneurs : polémique et analyse

par Grégoire Leclercq
mardi 15 septembre 2009

Le statut d’auto-entrepreneur se développe et essaye de prendre sa place depuis 9 mois désormais. Les chiffres de la création sont annoncés à grand renfort de communication, et l’on parle de grand succès, devant l’engouement des Français à se lancer de façon délibérée et massive dans l’auto-entrepreneuriat.

On attend aussi les premières déclarations de Chiffre d’Affaire pour critiquer allègrement ce statut si simple, pour démontrer qu’il s’agit de fumée sans feu, de poudre aux yeux ou encore de faux succès… Les Français toujours prompts à critiquer, détruire, saper les bases d’une réforme de fond, ont trouvé là le talon d’Achille qui leur manquait.
 
C’est le site du journal La Tribune qui donne les premiers éléments, que nous reprenons ici : " … les premières déclarations de chiffre d’affaires font état d’une faible proportion d’auto-entrepreneurs ayant déclaré une activité réelle pour le deuxième trimestre (seulement 4.400 recensés par l’Urssaf de Paris, qui recouvre un tiers des cotisations nationales). La moyenne de chiffre d’affaires est de 4.700 euros par trimestre. Le secrétaire d’État au Commerce et aux PME, Hervé Novelli, à l’origine de ce statut, attend des statistiques complètes, que devrait lui fournir, prochainement l’Acoss, qui fédère les Urssaf ". Une dernière information précise que sur le nombre total d’inscrits franciliens, 21.710 ont déclaré une activité.
 
Nous aimerions apporter quelques analyses à ce semblant de polémique qui semble alimenter détracteurs, blogueurs, politiques, entrepreneurs et passionnés :
  • Sur les chiffres d’abord, qui devraient apporter un élément fiable et concret, pour construire une analyse de fond sur ce statut si jeune. Ce qui n’est pas mentionné est en effet capital, et rend l’effet d’annonce peut crédible. En effet, les auto-entrepreneurs ayant déclaré leur Chiffre d’Affaire au second trimestre en région parisienne sont au nombre de 4400, ce qui correspond à 16% des inscrits au régime pour certains, 30% pour d’autres. Mais cette proportion ne tient pas compte de la proportion d’auto-entrepreneurs réellement présents en Ile de France, qui n’est pas forcément la même.
  • L’auto‐entrepreneur choisit son échéancier de paiement des cotisations : il paye en ligne selon un rythme mensuel ou trimestriel. En régime de croisière, l’échéancier trimestriel est le 30 avril, 31 juillet, 31 octobre et 31 janvier, sachant que la règlementation prévoit que la première déclaration est effectuée le mois suivant le trimestre qui suit le trimestre d’inscription. Les auto‐entrepreneurs qui se sont déclarés au cours du premier trimestre 2009 ont donc jusqu’au 31 juillet pour liquider leur cotisations et leur impôt à partir de leur première déclaration de chiffre d’affaire. C’est à ces auto-entrepreneurs là que l’URSSAF fait référence, et il ne faut pas oublier qu’au 30 juin 2009, le chiffre exact d’auto-entrepreneurs réellement inscrits n’était pas connu (on a parlé de 185000 au 15 juillet).
  • Il ne faut pas non plus oublier que l’URSSAF ne recense que les déclarations des auto-entrepreneurs rattachés à son régime, ce qui ne veut donc pas dire que les autres auto-entrepreneurs, rattachés au RSI ou à la CIPAV. On évoque ainsi le chiffre national de 70 000 auto-entrepreneurs actifs, ce qui n’est qu’une extrapolation du nombre d’auto-entreprises inscrites fin juin aux Urssaf de Paris et de la région parisienne (exception faite de la Seine-et-Marne) : 21 710 (dont 7 250 en attente), qui représente environ un tiers des collectes de cotisations salariales et patronales du pays.
  • La moyenne du chiffre d’affaires, annoncée de 4700 euros, n’a pas non plus de sens dès lors qu’on n’annonce pas d’écart type, notion bien plus concrète et précises qu’une simple division du CA total divisé par le nombre de déclarants. De même, pourquoi l’annoncer par trimestre, alors que tout bilan d’entreprise se fait sur le mois, surtout lorsqu’on parle de micro-entreprise, qui paie en fait un salaire à son gérant ? A ce titre, il semble plus réaliste de parler de 1560 euros par mois, ce qui est convenable.
  • De plus, parmi ces déclarations, il faut toujours inclure les 10 000 premières déclarations de chiffres d’affaires enregistrées fin avril qui concernent exclusivement les micro‐entreprises existantes en 2008 qui ont adhéré au régime de l’auto‐entrepreneur au premier trimestre, et qui ont sans doute aussi déclaré au second trimestre.
  • Le bilan définitif des déclarations de chiffre d’affaires au titre de 2009 ne sera disponible qu’au 1er avril 2010, ce qui semble logique quand on sait qu’il faut bien six mois pour lancer une véritable activité commerciale et encaisser ses premières factures.
En guise de conclusion, il est à notre avis bien trop tôt pour sonner le glas d’un régime bien jeune et si attendu. L’imprécision des chiffres ne peut que pousser à la plus grande prudence en terme d’analyse, et ce d’autant que la méthodologie n’est pas connue. A force de procès manqués, de critiques désabusées et de mauvaise compréhension du phénomène, on risque de tuer dans l’oeuf une initiative économique qui a droit à sa chance. Laissons lui cette chance !

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