Le débat sur l’Euro : fragments de réponse
par Jean-Yves ARCHER
jeudi 24 octobre 2013
Sur ce site, le 23 octobre dernier, Monsieur Laurent Pinsolle a abordé le débat sur l'euro et exposé sa vision des choses avec clarté et intérêt.
Il entendait ainsi pointer du doigt deux articles que j'avais soumis à parution, la semaine dernière, auprès du Cercle Les Echos et d'Atlantico : chacun connaissant les nuances de style et de fond existant entre ses deux sites.
Pour ma part, la réaction de Monsieur Pinsolle et aussi de Jacques Sapir (http://russeurope.hypotheses.org/1639 ) ne m'ont pas surpris car leur hostilité à la monnaie unique est connue mais je veux dire ici que trouve positive leurs réactions pour une série de trois motifs :
1 ) Tout d'abord, des personnalités éminentes ( comme celles précitées ) et les lecteurs des différents sites concernés – dont évidemment Agoravox – ont pleinement conscience des enjeux que l'on peut résumer frontalement : l'euro est-il un rempart ou un boulet ?
2 ) Puis, nous sommes au pays où les Encyclopédistes nous ont appris les vertus et l'importance du débat. C'est un point d'histoire qui m'importe ainsi qu'à ceux qui ont chevillé au corps l'idée que l'on peut parler avec l'Autre même en phase de désaccord.
3 ) Nul ne connait l'avenir monétaire, et particulièrement celui de la monnaie unique, et mon objectif était d'essayer de poser quelques arguments de défense au milieu du vacarme des procureurs de l'euro.
Après ces trois points positifs, je suis au regret de devoir relever un point négatif : Monsieur Pinsolle a cru bon d'intituler sa contribution : " La désinformation sur l'euro continue " et de citer mon nom dès le début de son texte. Ce procédé est inutilement vexatoire au plan humain et gravement inexact au plan des faits puisque mes articles s'inscrivent dans une logique de prospective. Si l'auteur et certains amis du présent site prennent le temps de se renseigner, ils constateront que certaines personnes moins tolérantes ou moins patientes que moi ont eu gain de cause pour des faits similaires devant les tribunaux.
Puis, l'auteur cherche à noircir le tableau et décrit mon texte comme anxiogène. Si l'humour nous réunissait, ce qui n'est pas le cas, je pourrai le rassurer. Je me contenterais donc de lui rappeler que le repli sur une monnaie nationale comporte des risques géopolitiques qu'un Président de la République française était venu exposer devant le Parlement européen : " La nationalisme, c'est la guerre ! " ( François Mitterrand, 17 Janvier 1995 ). Au fond, telle est ma pensée mais précisément j'ai voulu et opté pour un article strictement économique ce qui a échappé à mon honorable lecteur.
Dans le climat digne des années 1930 que notre pays a le triste sort de devoir traverser depuis des mois, il semble que bien d'autres facteurs anxiogènes existent par-delà mes quelques feuillets devenus articles.
Sur le fond, ayant été atteint par la bombe à fragmentation que représente le titre minutieusement retenu par Monsieur Pinsolle, je ne vais donc que développer quelques fragments de réponse.
1 ) La France du temps du franc a souvent souffert des dévaluations compétitives ( espagnoles ou italiennes avec les montants compensatoires monétaires et autres usines à gaz ) tandis que nos exportateurs pâtissaient des commissions de change au profit des banques.
2 ) La fin d'une union monétaire qui oblige, par les Traités, à quitter l'Europe nous laisserait seuls face à une dette de 1.900 milliards à laquelle il est requis d'ajouter les 3.100 milliards de dettes hors-bilan ( exemple : provision pour pension des fonctionnaires, garanties d'emprunts accordées par l'Etat, etc ). Dire qu'un tel déséquilibre des finances publiques n'affecterait pas significativement la valeur du nouveau franc revient à estomper l'essentiel de la vérité. Pour ne pas dire plus.
3 ) La dette publique est détenue à 62,7% par des non-résidents qui attendent autre chose qu'un paiement en monnaie dépréciée. Tout le monde comprend que les fonds de pensions américains ou les financiers du Quatar n'accepteront jamais une minoration de leurs créances d'au moins 20%. L'idée d'écrire que " notre dette serait convertie au nouveau franc " est séduisante sauf qu'en droit, il y a un concept qui se nomme la " novation " et protège les situations des uns et des autres. A moins de dire – mais alors il faut le dire – que la France convient d'altérer les droits du créancier et de ne plus honorer complètement sa signature d'où de lourdes difficultés pour continuer à refinancer nos plus de 5.100 milliards de dette explicite.
4 ) Sous un de mes paragraphes ( dans l'article des Echos ), il est marqué : " Quitter l'euro pour vendre plus " : " Le véritable avantage de la sortie de l'euro est le coup de fouet, le booster, que cela induirait pour nos exportations ". Pourtant, sur Agoravox, Monsieur Pinsolle écrit : " Enfin, il est tout de même ubuesque de dire que la dévaluation ne permettrait pas d'augmenter les exportations ". Ayant de l'estime pour le présent site, j'ai décidé de ne pas demander, au sens formel, un droit de réponse mais je considère qu'il est grave de travestir la réalité à ce point, au détriment du lecteur.
Ayant des attaches familiales dans le Morvan, terre de granit, je ne compte pas surdimensionner cet écart de loyauté d'auteur tout comme je compte avoir un peu de mémoire face à ce genre de manœuvre.
" Debout la République ! " est un beau mot d'ordre pour mon camarade d'école Dupont-Aignan. Je laisse juge le lectorat et me contente de conclure, pour Monsieur Laurent Pinsolle, que " Debout la rectitude ! " ne serait pas un cri de ralliement superflu sauf à ce qu'il préfère que nos conseils respectifs débattent de son texte dans une autre enceinte.
Jean-Yves ARCHER