Le déficit public français a atteint au moins 3,7% du PIB en 2008
par Nono Ladette
dimanche 15 février 2009
De nombreux médias ont commenté vendredi 13 février la hausse du déficit de l’Etat, à 56,2 milliards d’euros en 2008 contre 34,7 milliards en 2007 (soit une hausse de 62%) ! Pourtant aucun de ces journalistes n’a refait le calcul : le déficit public (déficit de l’Etat, de la sécurité sociale, des collectivités territoriales et des autres administrations publiques) n’a pas été de 3,2%, comme le gouvernement le répête, mais d’au moins 3,7% en 2008. Et en 2009, il ne sera pas de 4,4%, mais il est parti pour dépasser 6%. Explications.
L’augmentation du déficit de l’Etat en 2008 est le résultat d’une baisse des recettes et d’une hausse des dépenses. Forte baisse des recettes de TIPP (-6,9%), de TVA (-1,3%, concentrée sur les deux derniers mois de l’année), d’Impôt sur les Sociétés (-3,3%). Seules les recettes d’impôt sur le revenu augmentent de 3,4%, car elles ont une plus grand inertie (on a payé en 2008 l’impôt sur nos revenus de 2006). Pendant ce temps, les dépenses de l’Etat ont augmenté de 2,8% dans leur ensemble ! Dont 12,4% pour la charge de la dette, dépense contrainte conséquence des déficits passés.
Le déficit de la Sécurité Sociale devrait s’établir à 10,5 milliards contre 9,5 en 2007. D’après un rapide calcul, 100 000 emplois perdus en France augmentent son déficit au bout d’un an de 3 milliards d’euros. Ainsi, les 136 000 emplois perdus depuis septembre ont déjà augmenté le déficit de 1,2 milliard en 2008 (la sécu prévoyait 9,3 milliards de déficit au mois de juin), et devraient le creuser de 2 milliards de plus en 2009. Si 200 000 emplois disparaissent au premier semestre 2009, le déficit augmentera encore de 4 milliards. Sans compter les éventuelles destructions d’emplois du deuxième semestre, ni le ralentissement des salaires de ceux qui conserveront leur emploi, cela portera donc le déficit aux alentours de 16 à 17 milliards en 2009.
Pour calculer le déficit public total, il faut encore ajouter le déficit des collectivités sociales et des autres administrations publiques (6,1 milliards en 2007), qui aura forcément augmenté car leurs recettes (assises notamment sur des droits sur les ventes immobilières) ont baissé aussi en 2008. Aussi, nous ne sommes pas à l’abri d’une mauvaise surprise de ce côté là (rappelez-vous en 2007, le déficit avait finalement atteint 2,7% au lieu des 2,5% attendus en fin d’année à cause du dérapage des dépenses des collectivités locales).
Ainsi, le déficit public 2008 qui sera dévoilé officiellement fin mars sera au minimum de 56,2 + 10,5 + 6,1 = 72,8 milliards d’euros, soit 3,7% du PIB, contre 50,3 milliards, soit 2,7% du PIB en 2007 !
La dette publique atteindrait ainsi 67,4% fin 2008 (1313 milliards) contre 64,2% fin 2007 (1210 milliards). C’est mon estimation minimum, la dette à fin septembre était déjà de 1283 milliards, avant que l’Etat n’emprunte des dizaines de milliards supplémentaire pour compenser le déficit du quatrième trimestre et pour prêter aux banques.
Et tous les chiffres cités, aussi graves qu’ils puissent paraître, sont des minimums ! Si le déficit public a augmenté d’un point sur l’année 2008 entière à cause de seulement 4 mois de crise (septembre-décembre), cela veut dire qu’il augmente à un rythme de 3 points par an ! Par conséquent à ce rythme un déficit de 6 à 7% pour 2009 parait plus probable (soit une dette à 75% du PIB fin 2009, puis supérieure à 80% en 2010...).
A la lumière de ces réalités, il ne serait pas inutile de s’interroger sur les conséquences d’éventuels plans de relance supplémentaires, qui augmenteraient directement ces déséquilibres. De plus la logique même des plans de relance ("il faut ramener la production - donc l’emploi et les salaires - à son niveau d’avant crise") est vaine : ce n’est pas la baisse de la production qui est anormale, c’était son niveau passé.
Quand on voit les difficultés qu’avaient les gouvernements à réduire le déficit pendant les années de croissance, on voit mal comment ils feront désormais pendant les années de décroissance sans de grands changements. Ne nous leurrons pas, une grande réduction de notre niveau de vie est inévitable. Et si nous n’acceptons pas rapidement une réduction modérée des services publics et une augmentation modérée des impôts, nous assisterons ensuite impuissants à la liquidation d’une grande partie des services publics.
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