Le Figaro en plein délire de persécution fiscale - 1/3
par scripta manent
mardi 31 juillet 2012
19 juillet 2012, éditorial du Figaro, par Yves de Kerdrel, sous le titre « Folie fiscale » : « Les députés socialistes devaient porter hier soir l’ISF à un niveau sans précédent (..) Une mesure qui va contraindre un peu plus de 250.000 foyers fiscaux à acquitter pas moins de 2,3 milliards d’euros supplémentaires. A ce niveau là de taxation, ce n’est plus de « l’effort », c’est de la confiscation (…) de la spoliation ».
On est évidemment tenté de faire la division et l’on aboutit à 9.200 euros par foyer. Cependant, comme le confirme un article du même jour du supplément Economie du même journal, le surcroît de taxation s’inscrira dans une fourchette de 157 à 1.519 euros pour les tranches de patrimoine s’étageant jusqu’à 4 millions d’euros. Pas de quoi pousser des cris d’orfraie. Au-delà, si l’on en croit toujours le Figaro, le supplément de taxation sera en moyenne de 21.000 euros pour les patrimoines s’étageant de plus de 4 millions jusqu’à quelques milliards d’euros.
Un foyer riche de 10 millions d’euros acquittera un ISF représentant au total 1,12 % de son patrimoine. Pour 30 millions, ce sera 1,54 %. Tout ceci sans prise en compte des décotes, dégrèvements, déductions … qui, en pratique, peuvent réduire sensiblement l’impact final de l’impôt. C’est évidemment loin d’être négligeable mais cela ne transforme pas pour autant les foyers concernés en cas sociaux et, à ce rythme de « spoliation », en supposant même que la contribution exceptionnelle perdure (il y a des précédents, à droite comme à gauche …), il faudrait, sur la base d’un taux effectif de l’ordre de 1 %, un siècle pour que la « confiscation » soit totale.
Hypothèse au demeurant absurde puisque, bien sûr, cet argent ne dort pas.
A en juger par l’évolution des patrimoines au cours de ces dernières années, y compris les années de crise, il est même bien éveillé : selon l’INSEE, entre 2004 et 2010, le patrimoine des 10 % de foyers français les moins bien lotis en France s’est accru de 9,2 %, pendant que celui des 10 % les mieux lotis augmentait de 47,6 % avec, in fine, un rapport de 1 à 920 entre les patrimoines respectifs de ces deux catégories de la population. Entre 2004 et 2010, les 10 % les plus fortunés ont vu leur patrimoine moyen augmenter de 400 000 euros. Les 10 % les moins fortunés ont gagné 114 euros.
On serait donc tenté de renvoyer la formule à l’auteur : qui spolie qui ? qui confisque quoi ?
A ce niveau, l’ISF serait, si l’on en croit l’éditorialiste du Figaro, « le moyen le plus simple pour écoeurer tous les français qui croient au travail, qui participent à la croissance du pays et qui épargnent pour leur retraite ou pour les générations futures ». Selon Monsieur de Kerdrel, « tous les français qui croient au travail » seraient donc redevables de l’ISF ou ne travailleraient que pour accéder à ce niveau de patrimoine ? Voila qui est bien insultant pour tous ceux qui croient simplement que le travail - s’ils en ont un et s’il n’est pas trop précaire - va leur permettre de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Ceux-là aussi « participent à la croissance du pays » et ils aimeraient bien « épargner pour leur retraite », voire « pour les générations futures », mais encore faudrait-il que leurs revenus le leur permettent.
Au surplus, cette participation des grands patrimoines à la croissance économique est bien loin d’être un phénomène général et assuré car si, pour certains, le patrimoine est effectivement la résultante d’un succès entrepreneurial, pour d’autres, c’est la croissance … du patrimoine qui est l’objectif premier, fut-ce au moyen d’une pure spéculation financière qui, souvent, dessert plus l’économie qu’elle ne la sert.
Il faut être bien confiné dans la sphère de la richesse héréditaire, qu’il serait abusif de confondre avec celle de la création de richesse, pour penser que les nouvelles dispositions fiscales vont « désabuser aussi tous ces jeunes qui créent leur entreprise (…) et voient poindre à l’horizon cet ISF ». La plupart des entrepreneurs - et des jeunes en particulier - ne se lancent pas dans l’aventure avec un magot en ligne de mire et ils ont raison si l’on en juge par le taux de survie des jeunes pousses après quelques années d’existence. L’indépendance, la volonté de valoriser des idées, d’animer une équipe sont des mobilisateurs d’énergie autrement puissants.
On se permettra donc de juger particulièrement fallacieux ce plaidoyer emphatique et sans nuances pour « tous ceux qui détiennent ces capitaux, ces idées, et une part de ce génie français ».
A suivre …