Le Figaro en plein délire de persécution fiscale - 3/3
par scripta manent
vendredi 3 août 2012
Pour prendre connaissance des épisodes précédents (1/3 et 2/3) :
Le 25 juillet 2012, c’est à nouveau Yves de Kerdrel qui sonne la charge dans la croisade fiscale du Figaro. Son éditorial « Familles, je vous taxe », côtoie en première page le gros titre qui annonce le thème du jour : « Droits de succession : la surenchère fiscale », lui-même repris dans le supplément Economie avec la qualification de « Nouveau tour de vis ».
Le ton adopté par Yves de Kerdrel est résolument dramatique : « Faut-il ne pas aimer la famille pour prendre une mesure aussi violente sur le plan fiscal ? Faut-il ne pas comprendre que - mérite ou pas - il n’est pas anormal qu’un jeune se voit mettre le pied à l’étrier, par ses parents, ses grands-parents ou une vieille tante généreuse ? »
Emouvant, non ? A écouter l’auteur on pourrait en venir à penser que les nouvelles mesures mettent fin à la transmission financière entre générations. Il n’en est évidemment rien.
Pour l’essentiel, il s’agit, d’une part, de réduire de 159.325 à 100.000 euros le montant transmis en franchise d’impôt, par succession ou donation, par des parents à chacun de leurs enfants et, d’autre part, de porter de 10 à 15 ans le délai entre deux abattements (entre deux donations par exemple).
Il faut rappeler que, en 2007, le seuil d’abattement était de 50.000 euros. Il a été triplé par Nicolas Sarkozy lors de son arrivée au pouvoir (150.000 euros, qui ont ensuite été réévalués annuellement). Il faut croire que les gouvernements de droite qui ont précédé celui de Nicolas Sarkozy « aimaient encore moins la famille » que le gouvernement socialiste de 2012, qui a opté pour un montant de 100.000 euros, beaucoup plus favorable au contribuable que celui qui prévalait jusqu’en 2007 … On pourra aussi noter que ce même gouvernement socialiste a maintenu l’exemption totale de droits de succession au bénéfice du conjoint, qui ne date pourtant que d’août 2007.
Le Figaro s’abstient de rappeler le barème d’imposition pour les montants dépassant le seuil d’abattement. C’est bien dommage car il faut prendre en compte l’ensemble des paramètres de calcul pour donner une image fidèle des taux d’imposition et de l’incidence des nouvelles mesures.
En pratique (nous arrondissons les chiffres), pour chaque descendant, jusqu’à 100.000 euros, le taux est de zéro ; il est ensuite inférieur ou égal à 20 % pour les 4 tranches s’étageant de 100.000 jusqu’à 650.000 euros, puis 30 % pour la tranche de 650.000 à 1 million, 35 % de 1 à 1,9 million et 40 % au-delà. Si l’enfant héritier a bénéficié antérieurement d’une ou deux donations, le montant exonéré d’impôt peut atteindre 200.000 ou 300.000 euros.
Tout ceci laisse de la marge pour « mettre le pied à l’étrier » de ses descendants …
Yves de Kerdrel apporte d’ailleurs - bien involontairement - de l’eau à notre moulin car il se désole ensuite que les 250 millions d’euros, sur lesquels Bercy pourrait ainsi « mettre la main » (on appréciera au passage l’allusion à un quasi-forfait) ne représentent même pas une journée de déficit budgétaire. Il faudrait savoir : c’est beaucoup ou c’est de l’argent de poche ? On ne peut pas à la fois déplorer que « la nouvelle majorité préfère une France sclérosée, où les patrimoines ne se transmettent plus, où l’argent ne circule plus de génération en génération … » et ridiculiser l’impact financier des dispositions prises.
A suivre (épilogue)