Le hold up du siècle pour financer l’Amérique ?

par Daniel Roux
jeudi 28 octobre 2010

La politique monétaire du Zimbabwe de ces dernières années n’intéresse pas grand monde. Cependant, ce qui s’est passé dans ce pays africain peut très bien se passer au USA et suivre la même dynamique sauf que l’Amérique est toujours la première puissance militaro-économique du monde et que les conséquences seraient d’une autre dimension.

Un entrefilet paru le 19 décembre 2008 sur « afrik.com ».

"La cause de l’hyperinflation est un Etat qui force la Banque Centrale du Zimbabwe à imprimer de l’argent. L’Etat finance ses dépenses en émettant de la dette que la Banque Centrale du Zimbabwe doit acheter avec de nouveaux dollars… "

Un autre entrefilet paru le 16/09/2010 sur « Afrique en ligne ». 

" Le Zimbabwe a retiré sa monnaie locale de la circulation, après qu’une trop grosse perte de sa valeur ait entraîné une hyperinflation et l’a remplacée par une série de devises étrangères, dont le dollar américain, l’euro et le rand sud-africain."

Depuis lors l’inflation est passée d’un niveau record de plus de 500 milliards pour cent à des nombres à un chiffre. »

Ce qui s’est passé au Zimbabwe est le scénario le plus prévisible pour les pays qui abusent de la planche à billets pour se financer. N’est ce pas le cas des USA ?

En août 2008, la monnaie créée directement par la banque centrale américaine représentait 871 milliards de dollars. En février 2009, elle avait atteint 1587 milliards et, aujourd’hui, elle se dirige vers les 2700 milliards. La planche à billets chauffe à produire tous ces dollars. Une monnaie imprimée à un tel rythme, conserve t-elle la même valeur ?

Le dollar que vous avez en poche correspond à une créance sur la banque centrale américaine. Cette dernière garantit sa valeur par celle d’un actif, comme les biens confisqués au clergé garantissaient les assignats de la Révolution française. A la sortie de la deuxième guerre mondiale, 35 dollars américains valaient une once d’or soit 28,35 grammes. Les autres monnaies étaient gagées sur le dollar américain. En 1971, les États-Unis suspendent la convertibilité du dollar en or et en 1976, l’or perd tout rôle monétaire officiel.


Aujourd’hui lorsque la banque centrale imprime un dollar et l’injecte sur le marché financier, ce dollar est garanti par l’hypothèque ou créance, de valeur équivalent, qu’elle acquiert en échange. La valeur d’une monnaie est donc liée à la valeur de la créance acquise en échange. Plus une banque centrale devient laxiste dans le choix des contreparties, plus elle crée de la monnaie de mauvaise qualité.

Une injection massive de liquidités signifie que la banque centrale accepte des créances reposant sur des actifs de plus en plus douteux, comme par exemple des maisons en période d’éclatement de la bulle immobilière. C’est ce que l’on appelle pudiquement une « politique monétaire non conventionnelle ».

Que valent les bons du trésor servant à financer un déficit budgétaire équivalent à 9,9% du PIB, soit 1.555 milliards de dollars pour la seule année 2010 ?

Que vaut un dollar garanti en théorie par les actifs américains quand la dette publique était déjà de 12 000 milliards de dollar en 2009 pour un PIB de 14 266 milliards de dollars ?

Mais que valent réellement les contreparties quand il s’agit d’obligations émises par des entreprises en quasi faillite, comme le sont les trop fameuses Fannie Mae et Freddie Mac, principales victimes des défauts de remboursement liés au logement. Deux entreprises géantes hypothécaires dont la faillite est rendu impossible par un droit de tirage illimité sur le Trésor.

L’administration fédérale du financement du logement (FHFA) a estimé que les deux entreprises devraient avoir besoin de 73 à 215 milliards de dollars d’ici à 2013. Ces sommes s’ajouteraient aux 148 milliards de dollars déjà tirés par "Fannie" et "Freddie".

Ces deux groupes ont été placés sous tutelle publique en septembre 2008 après avoir soutenu d’importants prêts immobiliers insolvables, encouragés par l’administration Bush qui voulait augmenter le nombre de propriétaires pour des raisons électorales.

L’utilisation excessive de la planche à billets a eu pour conséquence de baisser artificiellement le rendement des bons du Trésor. La banque centrale américaine achètera tous les titres émis par le Trésor, ce qui diminue mécaniquement son rendement puisque plus une obligation est en demande, plus elle vaut et plus son taux de rentabilité baisse.

A propos des actifs américains, la valeur des placements américains dans le monde, 7 000 milliards de dollars, reçoivent plus de dividendes que le pays ne paie d’intérêts sur leurs dettes. Ces avoirs extérieurs sont essentiellement composés d’actions dont le taux de rentabilité est en moyenne de 6,8%, alors que les créances étrangères correspondant à des titres obligatoires sur le Trésor sont aux environs de 2%. La différence de rendement entre des actions et des obligations explique que les États-Unis restent, en dépit de leurs déficits, des investisseurs bénéficiaires.

Situation fragile dans la mesure où la valeur des actions est susceptible de variation importante à la baisse pendant que le taux des obligations progresserait. Cette situation explique peut-être les niveaux surprenants pour beaucoup d’observateurs, auxquels parviennent les indices « actions ».

Un facette moins brillante de cette « politique monétaire non conventionnelle », est que rien n’empêche les dollars sortant de la planche à billets, dont la contrepartie, rappelons-le, est de faible valeur, d’être utilisé pour acheter de vrais actifs à l’étranger, des matières premières, des entreprises, des actions. Du papier sans valeur intrinsèque transformé en or ? Une transmutation dont le principe serait la crédulité des vendeurs, l’Union Européenne pour commencer qui se laisserait piller. Des mesures de protection devraient être prises pour empêcher ce hold up, au moins jusqu’au retour d’une politique monétaire conventionnelle.

Tout cela ressemble à un château de cartes ou au jeu de la patate chaude. Un événement, un mot de trop d’une autorité, une décision mal comprise et tout risque de s’effondrer. A ce moment les USA se retrouveraient dans la même situation que le Zimbabwe décrite au début de cet article. Les conséquences pour l’économie mondiale seraient évidemment d’une autre ampleur.

La brutale perte de valeur de la monnaie de référence aurait des conséquences catastrophiques pour l’économie mondiale. Quelle moyen d’échange inspirerait suffisamment confiance pour assurer les échanges commerciaux sur le marché mondial ? L’or ?

Anticipant cet effondrement dont seule la date n’est pas connue, les investisseurs se sont rués sur des placements renommés pour leur résistance à l’inflation comme l’or métal dont le cours a atteint des records, le pétrole et même les terres agricoles.

Les denrées alimentaires sont en effet l’ultime monnaie d’échange car contrairement à l’or, elles sont indispensables à la survie des hommes.

Ce qui est effarant voir criminel, est que les élites anglo saxonnes mais aussi hélas, européenne, continuent à prôner inlassablement les privatisations des services publiques, la flexibilité du marché du travail et la libre circulation des capitaux et des marchandises. La cupidité de l’oligarchie et la stupidité de ceux qui les servent contre l’intérêt général ne semblent connaître aucune borne.

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