Le « J’accuse » du président des Ingénieurs et Scientifiques de France
par CNISF
mercredi 7 janvier 2009
Noël Clavelloux, président des Ingénieurs et Scientifiques de France, interpelle le monde politique, financier et l’ensemble des relais d’opinion au nom de tous les ingénieurs pour redonner sa vraie place aux sciences et aux techniques qui restent et demeurent les vrais moteurs de l’innovation et donc de la croissance !
Assez de virtuel, revenons aux vraies valeurs !
Depuis le début de l’année 2008, la valeur en Bourse des entreprises industrielles a été divisée par 2 ou par 3, alors que les investissements de nos entreprises et leurs moyens de production et de développement de nouveaux produits ou services n’ont pas changé. Sur douze mois, Alstom a perdu 55 %, Bouygues 51 %, CGG Veritas 72 %, Lafarge 51 %, Renault 80 %, Veolia 69 %, Vallourec 58 %. De telles sous cotations, pour n’en citer que quelques-unes rendent à certains égards nos sociétés vulnérables et peuvent en faire des proies plus accessibles à des partenaires opéistes étrangers.
Au même moment et sur une très courte période, les prix du pétrole, des produits miniers, des produits agricoles, des matières premières en général se sont envolés fragilisant les économies mondiales, pour ensuite s’effondrer sans lien avec leur vraie valeur mais permettant à la spéculation de tirer des profits astronomiques puis de servir de ressources pour couvrir d’autres spéculations hasardeuses entraînant une baisse irrésistible.
Une telle société n’est pas celle en laquelle nous croyons !
Dans la finance – le monde virtuel – les salaires et indemnités des financiers ont atteint des sommes hallucinantes, le milliard d’Euros se gagne ou se perd très rapidement, l’attrait du seul profit efface la prise de conscience des risques courus et le sens des responsabilités.
A de tels jeux qui n’ont rien à voir avec la réalité, des financiers avertis se sont enrichis et sont jusqu’alors restés impunis, la crise créée par eux et submergeant le monde des pays industrialisés et des pays émergents ne les atteignant pas.
Il est urgent de revenir aux vraies valeurs.
Dans l’industrie et les services – le monde réel – les ingénieurs savent que pour avoir un résultat net de 1 milliard d’Euros, il faut au moins réaliser un chiffre d’affaire de 20 milliards d’Euros et faire travailler pendant 1 an environ 100 000 personnes qui créent des biens et des services réels !
Mesure-t-on bien aujourd’hui, les efforts qu’il a fallu accumuler dans les laboratoires, les bureaux d’études, les ateliers d’essais, les centres de marketing pour créer puis mettre au point des produits et services innovants. Ne sommes-nous pas fiers que la France ait réussi à constituer une vitrine remarquable de réalisations tels nos infrastructures et matériels de transports comme le TGV, nos infrastructures routières comme le viaduc de Millau, mais aussi les airbus et Ariane, les centrales nucléaires. Là, les ingénieurs ont pris rang, sans pour autant ruiner le pays.
S’il est vrai qu’il n’y a pas de risque zéro dans les entreprises humaines, la recherche des conditions optimales pour les réduire tant au niveau des produits que de leur utilisation repose sur une démarche approfondie et sérieuse d’appréciation des conditions d’élaboration et de fonctionnement tant techniques qu’environnementales, et sociales. On est là encore très loin des démarches qui ont contribué à faire partir en fumée en un laps de temps très court des grands pans d’activités qu’il a fallu des années d’efforts pour les constituer.
« Je demande aux politiques de reformer la finance mondiale et je les invite plus que jamais à s’en tenir aux fondamentaux et à donner toute leur attention aux vraies valeurs ajoutées, comme le font les ingénieurs dans leurs activités quotidiennes de R&D, de conception, de construction de production et de services. »
Noël CLAVELLOUX