Le jour ou le capitalisme s’arręta
par olivier cabanel
lundi 12 janvier 2009
Un groupe de touristes chinois sema le désordre en refusant pour la première fois la visite imposée d’un supermarché.
C’était le 4 décembre 2007. Une page de notre histoire a peut-être été tournée.
Cette étrange information, donnée par Hervé Kempf dans son dernier livre (pour sauver la planète, sortez du capitalisme, édition du seuil 2009) mérite une explication plus poussée, afin que chacun puisse en prendre la mesure.
Il est de coutume, lors de n’importe quel voyage organisé, ici ou ailleurs, d’arrêter le bus des touristes devant une boutique de souvenir, organisant de cette manière une sorte de consommation « forcée ».
Bien sûr, personne n’est obligé d’acheter, mais pris dans la dynamique du groupe, le touriste mettra la main à la poche, afin d’acheter un objet, aussi modeste soit-il.
Ces arrêts providentiels pour le commerçant visité sont programmés longtemps à l’avance, et nul ne doute qu’un geste généreux du commerçant en question, en direction de l’agence de voyage, soit régulièrement effectué.
Tout le monde y trouve donc son compte.
Revenons à l’épisode décrit dans le livre d’Hervé Kempf.
Ce voyage organisé d’une quinzaine de jour dans une lointaine province chinoise, pour des touristes, chinois eux aussi, mais mieux nantis, était ponctué chaque jour d’arrêts obligatoires devant des grandes surfaces, avec la quasi-injonction du voyagiste de bien vouloir se dégourdir les jambes, et de vider par la même occasion son porte-monnaie aux caisses des supermarchés visités.
La colère montait, à la même vitesse que les porte-monnaie se vidaient, et le quatorzième jour, les touristes firent front, refusant de pénétrer dans le magasin « proposé ».
On en vint rapidement aux mains, et les forces de l’ordre durent intervenir afin de maîtriser la révolte.
Cette petite fable s’est produit le 4 décembre 2007, et l’auteur propose de choisir cette date pour marquer la fin du capitalisme, date qui pourrait être fêtée chaque année lors d’une manifestation citoyenne, au cours de laquelle on se congratulerait d’avoir enfin tourné la page.
Le discours d’Hervé Kempf est court : « pour sauver la planète, il faut sortir du capitalisme en reconstruisant une société ou l’économie n’est pas reine, mais outil, où la coopération l’emporte sur la compétition, où le bien commun prévaut sur le profit ».
Vaste programme.
Il est rejoint dans son analyse par un autre auteur, américain celui là, Gus Speth.
De son vrai nom, James Gustav Speth.
Il est doyen à l’université de Yale (school of forestry and environmental studies) et a publié un livre en 2008 qui va dans le même sens que celui d’Hervé Kempf :
« Le pont du bout du monde : le capitalisme, l’environnement et le passage de la crise vers la durabilité ».
il essaye d’expliquer ce paradoxe :
« Dans la communauté de ceux qui se soucient de l’environnement ne cesse de grandir, de se sophistiquer et d’accroître son influence, elle lève des fonds considérables, et pourtant les choses vont de pire en pire ».
Ces deux écrivains sont dans l’air du temps, et leur propos tombent plutôt bien, au moment ou la crise du capital ne fait que commencer à montrer les dégâts qu’elle va occasionner.
Ces deux livres démontrent, s’il le fallait encore, que les efforts individuels ne suffisent pas, et qu’il faut sortir sans hésiter du capitalisme.
Déjà en 2007, Hervé Kempf avait publié un livre quelque peu prémonitoire : « comment les riches détruisent la planète ».
Dans son dernier livre, il dénonce le capitalisme qui « valorisait à l’extrême l’enrichissement et la réussite individuelle au détriment du bien commun ».
Pour l’instant, le choix des gouvernements est plutôt d’aider les banques et les entreprises à survivre : les pauvres devront patienter.
Pour les deux auteurs, nous devrions donc retrouver les valeurs de solidarité et de partage, valeurs aux quelles nous avons tourné le dos depuis longtemps.
Espérons que ces belles paroles trouveront un écho chez nos dirigeants « bling bling », mais rien n’est moins sûr, car comme disait un vieil ami africain :
« Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regardes d’où tu viens ».