Le journalisme solidaire est né !

par Voris : compte fermé
lundi 18 décembre 2006

Après le journalisme citoyen, voici le journalisme solidaire ! A l’heure où la presse papier connaît une crise grave (à Libération par exemple), et dans une ère de développement rapide des nouvelles technologies, où l’aspiration des journalistes à s’exprimer librement se tourne vers les blogs, une poignée de personnes a relevé un défi, celui de créer un journal de l’économie solidaire ! La difficulté se trouve encore renforcée du fait de la faible attractivité de ce thème pour la presse. Mais le journal est bien né. Il s’appelle « Enquête d’emploi ». Encore une feuille de chou produite par des bénévoles d’associations locales ? Pas du tout ! Un vrai journal réalisé par une équipe de professionnels, d’enquêteurs de terrain, d’où son nom à base de jeu de mots, qui exprime l’idée d’un point de rencontre entre les quêteurs d’emplois et les journalistes enquêteurs.

La crise de la presse papier ne favorisera pas cette initiative.

AgoraVox s’en est fait l’écho : le dernier article en date : "Libération et les gratuits, if you can t beat them, join them !", par Hugues Serraf. Lire
La presse paraît de plus en plus difficile à sauver : "L Institut Montaigne propose onze solutions pour sauver la presse quotidienne dinformation", par Dussauge. Lire
La presse traditionnelle est confrontée à la multiplication des sites et blogs sur Internet : " Blogs de journalistes : la liberté de ton retrouvée", par Philippe Grammaire. Lire

"Au revoir, ou plutôt adieu, vieux média !", par Alain Hertoghe. Ou comment et surtout pourquoi deux journalistes politiques vedettes du Washington Post ont démissionné du quotidien pour diriger un nouveau média multi plates-formes. Lire

Le journalisme citoyen vient même à présent marcher sur les plates-bandes des investigateurs patentés : "Du journalisme citoyen traditionnel au journalisme dinvestigation "open-source", par Carlo Revelli, Lire.

Les médias ignorent l’économie solidaire.

Dans un article du 22 septembre 2006, Le Monde titrait : "Manifeste de l’économie solidaire", et le journaliste de se montrer lyrique dans sa belle défense et illustration de cette nouvelle cause. Pourtant, il y a loin des belles intentions à leur réalisation. Comme le fait observer Perrine Créquy sur le site Place publique, dans son article "Médias : Economie solidaire ? Connais pas !", Lire , les médias continuent de bouder ce secteur. Les raisons en seraient son poids économique marginal : l’économie solidaire ne crée que 3 % de la richesse nationale (Pourtant le secteur est en pleine croissance...) et le dédain pour la microéconomie ainsi que le temps d’investigation trop important que requiert la collecte d’informations auprès de structures solidaires dispersées et non fédérées par une instance représentative.

Là où ça va tousser, c’est que l’on aurait pu croire à un meilleur sort sur le média citoyen de Carlo Revelli et de Joël de Rosnay. Mais il n’y existe pas de rubrique "économie solidaire". La thématique est intégrée dans le dossier "économie" et si l’on recherche le dernier article consacré à la question, il se trouve déjà relégué en page 6 de cette rubrique. Il s’agit de "Léconomie sociale fait salon", par Jean-Claude Benard Lire. Le titre est assez évocateur de la faible tribune et du peu d’intérêt accordé à l’économie solidaire. Ou, plus parlant, les suffrages qu’a recueillis l’article : vingt votes ! Aucun rédacteur n’est venu depuis traiter le sujet. Dix commentaires seulement sous l’article !

Et pourtant elle tourne, l’économie solidaire !

Elle tourne ! Et même de mieux en mieux. Pour le journal Enquête d’emploi, diffusé dans le seul Finistère (mais qui sait, peut-être l’idée s’étendra-t-elle ?), il est un peu prématuré de le dire, car il en est à son tout premier numéro (tiré à 45 000 exemplaires). Le préfet salue cette initiative portée par un opérateur privé et soutenue par des partenaires publics. Le président du Conseil général souligne la coïncidence heureuse entre la parution du premier numéro et la tenue du premier Forum de l’insertion organisé par le Conseil général (le 15 décembre à Brest).

Petit tour d’horizon du contenu de ce premier numéro d’Enquête d’emplois. Le journal est sous-titré "Journal de l’emploi, de la formation, de l’insertion et de l’économie solidaire en Finistère".

Le thème de l’économie solidaire est bien sûr largement développé dans ce numéro. Pour Richard Ferrand, conseiller général : "L’insertion n’est pas synonyme d’assistance" dès lors qu’elle associe utilité sociale et viabilité économique. Un article rappelle le rôle des PLIE (plans locaux pour l’insertion et l’emploi) qui incitent les entreprises classiques à aller vers le solidaire. Ils s’adressent aux personnes les plus éloignées du marché du travail. Commentaire de la coordinatrice du PLIE de Brest : "Pour nous personne n’est inemployable", et s’il le faut, on peut "rebondir". La loi a aussi créé les clauses d’insertion sociale pour les marchés publics.

Le journal décrit l’action du Conseil général dont c’est la mission d’intervenir dans le domaine de l’insertion : "Et si la solidarité venait au secours de l’économie ?" Le Conseil général du Finistère, en adoptant l’agenda 21 (plan de développement durable), a placé l’insertion par l’activité économique au premier rang des priorités. Le "droit de chacun à vivre et travailler sur le territoire qu’il s’est choisi" est affirmé par le Conseil général du Finistère dans son Agenda 21 et dans son plan départemental d’insertion pour 2001-2006.

Le Finistère a cette chance de connaître une tradition mutualiste et coopérative. A titre d’exemple, le Crédit agricole a été fondé sur le principe de la solidarité entre agriculteurs. Il gère un fonds de soutien mutualiste. L’économie solidaire, elle, est à mi-chemin entre l’accompagnement social et la rude réalité du marché.

Davantage de passerelles doivent être créées entre l’économie de marché et l’économie solidaire : l’exemple des clauses d’insertion des marchés publics ne saurait suffire. La ville de Brest et sa communauté se sont mises d’accord pour réserver 5% des emplois aux personnes en insertion lors de la passation des contrats de marchés publics. Le passage de 5% à 10 % pourrait être tenté.

Le journal rappelle le voeu du président du Conseil général : "Construire une économie solidaire et responsable" : "Le Finistère a des filières économiques et de formation performantes, une population active en augmentation, un taux de chômage inférieur au niveau national et le taux de réussite au bac le plus élevé de l’hexagone. Pour autant, il faut maintenant accompagner les mutations nécessaires de l’économie traditionnelle, diversifier les activités créatrices d’emplois et offrir toutes les chances d’un parcours professionnel réussi, dans le respect des personnes et des ressources." Voir le site officiel

Renseignements pratiques :

Abonnement au journal : 1 an soit 10 numéros : 20 euros. Ou abonnement découverte de 5 numéros pour 10 euros. Prix de vente au numéro : 3 euros, contact mél : enquete-emploi@orange.fr
Site web : www.finisterehebdo.fr

Pour aller plus loin sur le thème de l’économie solidaire :

- Définition : on regroupe sous le terme d’économie solidaire et sociale (ESS) le "tiers secteur", à savoir tout un pan de l’activité économique qui n’est ni une entreprise capitaliste (pas d’objectif de profit), ni une entreprise publique. En France, l’économie sociale regroupe les mutuelles, les coopératives, les associations et les fondations. Elle représente 10% du PIB et des emplois.
- Des expériences locales :
site de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire d’Aquitaine, qui devrait servir de modèle au projet de la Dordogne. Ici


Site de l’association « les écossolies » (44) : Ici

P.S. : Je fournirai en commentaires sous cet article des précisions utiles et complémentaires : qu’est-ce que le PLIE, etc.


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