Le krach obligataire devrait être une aubaine pour les pays endettés
par Catherine Segurane
mardi 19 juillet 2011
Par leurs baisses de note sauvages, les agences de notation provoquent un krach obligataire. Elles font monter les taux de façon exponentielle, mais aussi (et on le souligne moins) elles font baisser le montant des obligations elles-même sur le marché secondaire dans des proportions tout aussi massives, puisque chacun cherche à se débarrasser de tels titres. Cette situation devrait être une aubaine pour les pays endettés, puisqu'ils ont ainsi la possibilité de racheter pour pas cher leurs propres titres de dette et de les annuler. Encore faudrait-il que les autorités européennes veuillent se saisir de cette occasion au lieu d'instrumentaliser la crise de la dette pour mettre en place ou pour préparer des plans de rigueur partout et pour demander encore plus de fédéralisme européen.
Le mécanisme du krach obligataire est bien expliqué dans cet article.
Les obligations (et autres titres de dette), une fois émis et placés à un certain montant (disons : 100) et affectés d'un certain taux d'intérêt, continuent leur vie dans le monde des marchés : ils peuvent être vendus sur le marché secondaire, à un prix qui n'est pas celui d'origine, mais qui est un nouveau prix fixé par la loi de l'offre et de la demande. Ce prix secondaire peut chuter très bas en cas de krach obligataire. Actuellement, il y aurait des titres de dette grecque valant 55 sur le marché secondaire pour 100 de valeur "faciale" ; peut-être même valent ils encore moins, puisqu'à ce prix ils ne se vendent pas et que le marché est bloqué faute d'acheteurs.
Cette situation devrait être une aubaine pour la Grèce (que nous prenons ici comme métaphore de tout autre pays endetté et malmené par les agences de notation).
En effet, celle-ci pourrait racheter à 55 ses propres titres de dette valant 100. En étant devenue propriétaire, elle ne paierait évidemment plus d'intérêt dessus. Débiteur et créancier étant confondus, le titre de dette s'annule par le fait même. La dette se résorbe au lieu de s'auto-entretenir, puisque la "Grèce" (je mets des guillements pour montrer que je l'utilise ici comme métaphore) utilise l'argent pour racheter le capital, au lieu de le dépenser en intérêts.
Ce mécanisme libérateur ne fonctionne que si la "Grèce" rachète elle-même ses propres titres. Dès lors qu'il y a un intermédiaire, il ne marche pas. Par exemple, si la banque centrale européenne (BCE) rachète 55 des titres grecs valant 100, la "Grèce" continue de devoir 100 (plus intérêts), mais elle les doit à la BCE au lieu de les devoir au créancier d'origine.
On le voit, les agences de notation ont rendu involontairement un sacré service aux pays endettés en provoquant un krach obligataire sur certaines dettes d'Etat.
Ne manque que la volonté politique d'exploiter cette situation.
Au lieu de souffrir de cette situation, les Etats endettés devraient s'en enthousiasmer, et attendre avec impatience le moment où une notation ZZZmoins leur permettrait de racheter 10 un titre de valeur faciale 100.
Ce ne serait pas un "défaut", mais la simple applications des lois du marché. Ceux qui spéculent sur la banqueroute des Etats en seraient pour leur frais. Ceux qui ont acheté des CDS , instrument majeur de la spéculation en cette affaire, ne pourraient pas les faire jouer, car nul ne peut appeler "défaut" le rachat de titres rendus bon marché par la loi de l'offre et de la demande.
Ces achats à bon compte ne nécessiteraient aucune négociation avec des banques de mauvaise volonté, de même qu'il ne faut l'accord de personne pour acheter à bas prix, sur le marché, une action qui a chuté.
Pourquoi cette solution n'est-elle pas mise en oeuvre ?
Ne manque que la volonté politique.
Au lieu de chercher à désendetter la "Grèce", et de désendetter aussi les autres pays en saisissant cette occasion en or, nos politiques et les banquiers qui les conseillent préfèrent poursuivre d'autres objectifs comme :
- de "punir" les populations qui auraient "vécu au dessus de leurs moyens"
- de mettre en place des plans de rigueur partout, d'abord dans les pays sur-endettés, puis dans les autres (car, bientôt, de plan d'aide en plan d'aide, c'est tous les pays européens qui sont partis pour être sur-endettés
- de transférer encore plus de pouvoir à Bruxelles, puisqu'on nous dit que la crise se règlerait mieux s'il y avait un ministre des Finances européen.