Le Mali sous sanctions. Bilan et perspectives

par xavier dupret
vendredi 27 mai 2022

Le Mali connaît une situation politique compliquée depuis des années. Des groupes djihadistes occupent, en effet, le nord du territoire et depuis 2013, le pays est au cœur d’une opération militaire de grande envergure menée par la France au Sahel. Cette dernière (l’opération Serval) a débuté en 2013 et a été conclue en juillet 2014 par une intégration au sein d’un dispositif de sécurité régionale, l’opération Barkhane.

D’un point de vue militaire, l’opération Barkhane concerne tout le Sahel (Mali, Burkina Faso, Tchad et Niger) et regroupe, face aux différents foyers djihadistes, des troupes armées sous commandement de l’Etat-major français. On signalera également le déploiement d’une force européenne dans la région via le dispositif Takuba qui intègre des forces belges, tchèques, danoises, estoniennes, les forces françaises de Barkhane, hongroises, grecques, italiennes, lituaniennes, néerlandaises, portugaises, roumaines, suédoises, britanniques et allemandes. En juin de l’année dernière, suite à un nouveau coup d'État, la France suspend sa coopération militaire avec Bamako[1]. Le 10 juin 2021, l’Elysée a, en effet, revu en profondeur l’opération Barkhane et est passée à un dispositif d’appui, de soutien et de coopération aux armées des pays de la région qui le souhaiteraient[2].

 

Des sanctions commerciales asymétriques

Alors que le pays est en proie à une instabilité politique certaine, suite à la persistance du phénomène djihadiste, les nombreux désaccords avec Paris se sont accompagnés de sanctions économiques de la part de ses partenaires au sein de Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao). Depuis le 9 janvier de cette année, le Mali est donc sous forte pression. Un embargo économique limite les échanges avec le reste de la Cedeao aux seuls biens de première nécessité.

Cette situation est particulièrement pénalisante pour un pays qui est enclavé et dépend pour son approvisionnement des deux grands ports de la Cedeao que sont Abidjan et Dakar. Dans ces conditions, il y a lieu de pointer un risque de pénuries diverses et par conséquent, une augmentation sensible de l’inflation au Mali. Les sanctions exercées contre Bamako, si l’on scrute le détail de la balance commerciale du Mali, pourraient exercer un effet boomerang dommageable pour certains Etats membres de la cedeao.

Pour nous en convaincre, on repérera avec intérêt que le premier partenaire commercial de Bamako n’est autre que son voisin sénégalais (21,2% des importations maliennes en 2020). Si l’on agrège la totalité des pays de la cedeao pour ce qui est des importations du Mali, on obtient le tableau de synthèse qui suit.

 

Partenaires CEDEAO pour les importations maliennes (2020)

 

Pays

Part Imports Mali (%) en 2020

Sénégal

21,4%

Togo

3,28%

Niger

2,8%

Bénin

0,22%

Gambie

0,17%

Total CEDEAO

27,87%

 

Source : The Observatory of Economic Complexity, Mali (imports and exports of goods), Url : https://oec.world/en/profile/country/mli. Date de consultation : 22 avril 2022.

 

Près d’un tiers des importations du Mali ont pour origine un pays membre de la CEDEAO. Pour le dire familièrement, le Mali est traditionnellement un bon client pour cette communauté d’Etats. Pour le détail, nous avons omis le Burkina Faso dans nos calculs puisque ce dernier a été suspendu de la cedeao en janvier 2022 suite au coup d’Etat du lieutenant-colonel Damiba. En incluant Ouagadougou dans cette liste, on aurait pu établir que 28,94% des importations du Mali avait pour point de départ un Etat membre de la cedeao.

Puisque le Sénégal représentait, il y a deux ans, 73,95% des importations en provenance de la cedeao au Mali, on peut d’ores et déjà repérer quels secteurs de l’économie malienne sont les plus durement touchés par les sanctions mises en œuvre par la cedeao. Pour cela, il suffit de repérer à l’intérieur de la liste des produits importés par le Mali ceux qui proviennent principalement du Sénégal. On observe qu’à raison de 48,2% du montant des importations en provenance du Sénégal, on retrouve le pétrole raffiné. En y regardant de plus près, 95,76% du pétrole raffiné importé par le Mali provient d’Etats membres de la cedeao (75% du Sénégal, 19,3% du Niger et 1,46% du Bénin).

Les ruptures de chaînes de distribution entre le Mali et le reste de la cedeao devraient donc être particulièrement marquées pour ce qui est de l’approvisionnement en pétrole raffiné, à moins que d’autres sources d’approvisionnement ne puissent être sollicitées par les acteurs économiques maliens. Si l’hypothèse d’une pression à la baisse sur les livraisons de pétrole raffiné se vérifie, il s’agit, en tout état de cause, d’un facteur inflationniste d’importance pour l’économie malienne, vu le renchérissement de l’or noir sur les marchés internationaux depuis le déconfinement de l’économie mondiale, spécialement à partir de décembre 2020-janvier 2021.

On constate la même interdépendance pour ce qui est du ciment. En 2020, le Mali en avait importé pour 138 millions de dollars. 80,6% de ce montant correspondait à des importations en provenance du Sénégal (contre 14,3% du Burkina Faso et 3,11% en provenance de Gambie). En consultant d’autres grands postes d’importations, on voit très nettement que pour ce qui est de l’importation de camions, le Mali n’est tributaire dépendant qu’à raison de 7,83% de pays de la cedeao (Sénégal : 6,57%, Togo : 1,12% ainsi que Niger : 0,14%).

A l’échelle internationale, il convient cependant de mentionner que les prix du ciment ne peuvent, toutes choses égales par ailleurs, qu’augmenter avec le temps puisque les intrants essentiels entrant dans la fabrication du ciment (charbon et fioul, par exemple), de même que le coût du fret, connaissent des augmentations importantes. Nous venons d’identifier, à présent, un deuxième facteur d’inflation résidant dans les prix des matériaux de construction, en plus des produits pétroliers.

En ce qui concerne les denrées alimentaire, le blé importé par le Mali ne provient que très marginalement de la cedeao (Sénégal : 2%). Pour le reste, 62,3% des importations de blé au Mali proviennent de la France et 35,7% de la Russie. Bien évidemment, les conséquences de la guerre en Ukraine ne peuvent que favoriser l’inflation sur les dérivés du blé au Mali. Il n’en reste cependant pas moins que cette donnée importante est sans rapport direct avec les sanctions adoptées par la cedeao contre Bamako. En revanche, en ce qui concerne le poisson congelé, le Sénégal entre pour 32,3% des importations maliennes. Bien sûr, les produits alimentaires (tout comme les carburants) sont exclus de la liste des produits intégrés à la liste des sanctions. Nous verrons plus tard que cette affirmation doit être nuancée en raison des difficultés financières du Mali.

Cependant, les éleveurs maliens sont pénalisés par les sanctions. Or, l’élevage rapporte annuellement 7% des recettes d’exportations du Mali et constitue la source principale de revenus pour un bon tiers de la population du pays. Autrement dit, le manque à gagner pour cette partie importante de la population malienne constitue une détérioration des termes de l’échange de son revenu. L’effet économique d’une telle rupture des échanges est, en fin de compte, comparable à celui d’une pénurie d’un bien importé puisque le revenu des éleveurs maliens sera détérioré du fait de la diminution des échanges commerciaux dans le secteur. Par conséquent, le pouvoir d’achat des éleveurs maliens sera amputé du fait des restrictions posées à leurs capacités d’exportations à destination des pays voisins.

D’autres filières commerciales sont actuellement impactées par les sanctions. On mentionnera notamment la filière plastique (spécialement, les matériaux de conservation). En 2020, le Mali était approvisionné à raison 71,5% des importations dans le secteur par la cedeao (Togo : 61,5% et Sénégal : 9,02%). Outre le renchérissement direct du produit lié à son indisponibilité relative, il y a lieu de s’interroger sur l’impact de cette pénurie sur la capacité de conservation des aliments de l’économie malienne. Si celle-ci ressort gravement dégradée des sanctions, l’inflation sur les produits alimentaires aura sans nul doute tendance à s’accentuer dans les mois à venir au Mali.

En ce qui concerne les moyens de transport, les effets des sanctions vont également se faire sentir. La rupture avec le port de Dakar complique sérieusement l’approvisionnement de l’économie malienne. De surcroît, on n’oubliera évidemment pas de mentionner que près de 36% des importations de motocyclettes du Mali avaient pour origine le Togo.

Certes, il est toujours loisible d’imaginer une liaison portuaire pour l’économie malienne à partir de la Guinée, elle aussi sous sanctions. Hélas, Enfin, les capacités portuaires de Conakry sont, pour l’heure, nettement plus limitées que celles de Dakar et d'Abidjan. De même, l’approvisionnement en aliments et compléments alimentaires destiné au cheptel pose problème. Les intrants de la filière aviaire provenant des pays voisins ne peuvent plus entrer au Mali. Une pénurie, favorisant la montée de l’inflation, pourrait donc également en résulter.

Plus fondamentalement, le gel des avoirs du Mali dans les banques centrales de la cedeao et dans les banques commerciales des États membres pénalisent fortement les transactions avec Bamako, ce d’autant que de récents défauts de paiement sont intervenus concernant des paiements liés à des émissions obligataires en francs CFA sur le marché régional de l’UEMOA. Le lien avec la politique de sanctions est clair. En effet, le Mali dispose des fonds suffisants mais n’y a plus accès depuis le mois de janvier[3]. Il existe, dans ces conditions, un risque grandissant que des partenaires commerciaux du Mali pour des biens de première nécessité ne rechignent à concrétiser des transactions par peur d’une crise des liquidités à Bamako. En tout état de cause, il est probable que les craintes relatives à une raréfaction des liquidités disponibles à Bamako entraînent une prime de risque dans les échanges, en ce compris les biens de première nécessité, entre les entreprises de la cedeao et le Mali

 Cet état de choses nourrira un renchérissement des importations avec à la clé une augmentation des pressions inflationnistes. Cette prévision correspond à une hypothèse qui fait jouer au taux de return la même fonction de prime de risque que le taux d’intérêt.

Comme nous allons le voir au point suivant, les sanctions édictées contre le Mali ont des répercussions régionales. Ce sont, en effet, les exportateurs de la cedeao , outre les consommateurs maliens, qui sont pénalisés puisque les exportations du Mali ont, comme nous allons le voir, pour destinations principales d’autres zones que l’Afrique de l’Ouest.

On dira dès lors au sujet des sanctions frappant le pays qu’elles sont asymétriques puisqu’elles pénalisent davantage le commerce extérieur des partenaires commerciaux du pays visé que ce dernier. En 2019, les échanges intra-régionaux au sein de la zone UEMOA demeuraient faibles autour de 15%. Il s’agissait là d’une baisse par rapport aux années précédentes alors même qu’un objectif d’échanges intracommunautaires de 25% était mis en avant par les Etats membres de l’UEMOA[4]. Sachant que le PIB nominal de la zone UEMOA en 2020 était de 161 milliards de dollars US et que les importations du Mali effectuées auprès de ses partenaires s’élevaient à 1 milliard de dollars US, on peut anticiper que l’impact des sanctions sur le PIB de la zone sera de l’ordre de tout au plus de 0,8% du PIB. Pour les exportateurs de la zone, sachant que les échanges intra-régionaux représentaient, en 2019, 8,44 milliards de dollars US, les pertes liées aux sanctions vont concerner 11,99% du commerce communautaire de l’UEMOA.

Cependant, cette perte est, somme toute, plus que grandement compensée par l’importance de partenaires extérieurs dans le commerce international de la zone UEMOA. En effet, les exportations de l’ensemble de la zone UEMOA (Mali exclu) en 2019 s’élevaient à 25,05 milliards de dollars et les importations du Mali provenant de l’UEMOA représentaient à la même époque 1,3 milliards de dollars, soit 5,2% des exportations UEMOA (Mali exclu)[5]. En revanche, l’impact des sanctions posera assurément un important problème à l’économie sénégalaise puisque le Mali représentait, en 2020, 20,4% des exportations du Sénégal. Le Mali est, en réalité, le premier destinataire des exportations sénégalaises. Pour certains produits, le Mali représente, et de loin, le premier partenaire pour les exportations du Sénégal. C’est ainsi que 83,7% du pétrole raffiné exporté par le Sénégal avait pour destination le Mali en 2020 de même 85% des exportations sénégalaises de ciment.

 

Exportations du Mali

Pour nous convaincre du caractère asymétrique (quoique d’amplitude limitée sauf dans le cas particulier du Sénégal) des sanctions contre Bamako, nous allons, à présent, identifier les pays vers lesquels le Mali dirige ses exportations. Tout d’abord, on attirera d’emblée l’attention sur l’importance de l’or en ce qui concerne les exportations maliennes. Le précieux métal jaune représentait 93,8% des exportations du pays en 2020. Les principaux destinataires des exportations maliennes en 2020 étaient par ordre d’importance les Emirats Arabes Unis (58,4% des exportations maliennes), la Suisse (29,7%), l’Australie (5,61%) et la Chine (3,03%).

En ce qui concerne les Emirats Arabes Unis, la Suisse et l’Australie, l’or était le seul bien vendu par le Mali. Pour ce qui est de la Chine, on repère, en revanche, une plus grande diversité des biens vendus par les opérateurs maliens. 40,4 % des exportations du Mali vers l’Empire du Milieu concernaient des huiles oléagineuses. 34,9 % avaient trait au bois brut et 19,6% portaient sur le coton brut. Pour l’essentiel, cependant, le commerce extérieur du Mali en ce qui concerne sa balance des biens, c’est, en définitive, l’or.

Pour se convaincre définitivement du bien-fondé de cette hypothèse, on repérera que les exportations totales de biens de la part du Mali en 2020 équivalaient à 5,05 milliards de dollars dont 4,74 milliards pour l’or. Or, les importations du Mali, cette même année, se chiffraient à 3,86 milliards de dollars.

Autrement dit, l’économie malienne était compétitive en 2020 puisqu’elle enregistrait un excédent sur sa balance des biens de l’ordre de 1,19 milliard de dollars. Si seules les exportations d’or avaient dû financer la totalité des importations maliennes, le pays aurait malgré tout enregistré un excédent pour sa balance des biens.

Ce constat brut mérite cependant d’être nuancé. Il convient de repérer que les exportations de la filière coton malienne ont subi le contrecoup de la crise Covid en 2020. La mise sous cloche de l’économie mondiale a constitué un coup d’arrêt pour le secteur cotonnier malien. Au cours d’années plus normales (2018 et 2019), on peut constater que l’or représentait systématiquement 75% des exportations du Mali et la filière coton 12 à13%[6].

Par conséquent, la reprise de l’activité du secteur cotonnier va permettre au Mali de disposer de nouvelles recettes liées aux exportations du secteur qui a pour destination l’Asie à plus de 97%, dont principalement le Bengladesh avec 60,3% des exportations de coton préparé au Mali. En ce qui concerne les exportations de coton brut, on constate à peu près les mêmes tendances avec 85% des exportations maliennes dirigées vers l’Asie. Pour situer des ordres de grandeur, on prendra soin de préciser que les exportations de coton préparé représentaient 10,3% des exportations maliennes en 2018 contre 2,02% pour le coton brut[7]. Les cours de l’or étaient particulièrement élevés, il y a deux ans. A cette époque, l’économie mondiale subissait les contrecoups des mesures de quarantaine décidées par les gouvernements suite à la pandémie de Covid-19. L’or a donc battu des records sur les marchés mondiaux durant l’année de la pandémie.

 

 

Il existe, en effet, une corrélation entre la baisse impressionnante des taux d’intérêts réels (c’est-à-dire une fois l’inflation décomptée) des obligations du Trésor américain à 10 ans (ordonnée de gauche) et la flambée des cours de l’or (ordonnée de droite). A la fin de l’année 2018, le cours de l’or est au plutôt bas aux alentours de 1.300 dollars l’once (l’once d’or équivaut à 31,104 grammes) alors que le taux d’intérêt réel des obligations publiques US à 10 ans était de 1%. Les menaces de récession tout au long de 2019 se sont caractérisées par une diminution des taux d’intérêt de long terme.

Ces derniers sont déterminés par les acteurs de marché et comme un taux d’intérêt correspond à une prime de risque, si ce dernier diminue, c’est que l’on note une aversion croissante au risque de la part des investisseurs qui se montrent, pour le coup, plus pessimistes. Ce pessimisme se traduit par des achats élevés d’obligations publiques américaines, ce qui provoque un renchérissement du prix de cette catégorie particulière d’actifs sur le marché secondaire (soit le marché de l’occasion des obligations). Or, il existe une relation de type fonction inverse entre le taux d’intérêt et le prix d’une obligation publique. Voilà pourquoi on a coutume de dire que généralement, le prix d'une obligation émise à taux fixe évolue dans la direction contraire à celle du son rendement.

Pour comprendre cette relation de fonction inverse, imaginons à titre d’exemple une obligation publique émise avec un coupon fixe à la suite d’un mouvement de hausse des taux d’intérêt. Il est clair que cette obligation présentera un coupon supérieur à celui d'une obligation émise au moment où les taux d’intérêt étaient plus faibles. Si un acteur de marché détient une obligation émise avant la hausse des taux et qu’il décide de la vendre sur le marché secondaire, il ne trouvera d’acheteur qu’à la seule condition que le rendement de son titre soit comparable avec celui de l'obligation émise après la décision de hausse. Comme le coupon de son obligation est fixe, seule la variable prix s'ajustera. Elle baissera jusqu'à ce que le rendement de l’obligation au coupon plus faible soit absolument égal au rendement de l'obligation comportant un coupon plus élevé. Par cet exemple, nous venons de vérifier en quoi une augmentation des taux d’intérêt fait pression à la baisse sur le prix d'une obligation. Symétriquement, on note un effet inverse, en cas de baisse de taux. Voilà pourquoi une relation inverse lie le prix d'une obligation et son rendement. On notera que plus la maturité d’une obligation est longue, plus cette relation de fonction inverse se manifestera[8].

En cas de déprime sur les marchés d’actions et d’engouement très prononcé pour les obligations publiques à taux fixe (ce qui a pour effet d’en diminuer le prix), il ne reste plus guère que l’or et les cryptomonnaies comme actifs permettant de prendre des risques sur les marchés. Voilà pourquoi cette classe d’actifs manifeste une tendance haussière durant les conjonctures économiques moroses.

On note, tout au long de l’année 2019, une remontée des cours de l’or qui vont se stabiliser autour des 1.500 dollars l’once alors que les taux d’intérêts réels à 10 ans se sont dégradés au point de devenir très faiblement positifs. Ce scénario va constituer la toile de fond jusqu’au premier trimestre de l’année 2020. A cette époque, du fait du confinement de l’économie mondiale, les Etats de l’OCDE vont multiplier les plans de soutien. Pour cela, leurs banques centrales vont baisser le niveau des taux d’intérêt de court terme et multiplier les plans de soutien consistant en des rachats d’actions publiques (ce qui entraînait une augmentation de la demande pour ce type d’actifs et donc une augmentation de leur prix couplée à une diminution de leur taux d’intérêt). Si l’on couple cette donnée au pessimisme des acteurs privés face à la profondeur de l’impact des mesures de confinement sur l’économie mondiale, on comprend mieux les raisons de la plongée des taux à 10 ans une bonne partie de l’année 2020. C’est ainsi que les cours de l’or vont battre des records pour culminer au printemps 2020 au niveau des 2.000 dollars l’once. A la fin de l’année 2020 et au début de 2021, l’once d’or va se stabiliser au niveau des 1.900 dollars.

Tout au long de 2021, la normalisation économique a conduit à une rediversification des portefeuilles (lesquels ont davantage incorporé d’actions). Cette tendance ne pouvait que se traduire par une tendance baissière pour l’or, lequel avait été privilégié par les investisseurs l’année précédente. C’est ainsi que le métal jaune a perdu 5% de sa valeur l’année dernière, passant de 1.887,60 le 30 décembre 2020 à 1.825 dollars US le 31 décembre 2021.

Pour l’année en cours, les tendances actuelles sont à observer. La reprise de l’inflation au niveau international conduit les principales banques centrales (FED aux Etats-Unis, BCE dans la zone euro ainsi que la Banque d’ Angleterre) à revoir à la hausse leurs taux d’intérêts et à revenir sur les politiques d’assouplissement quantitatif. Ce mouvement constitue une rupture majeure par rapport la politique du « quoi qu’il en coûte » du confinement de mars 2020. En ce qui concerne l’or, cette volonté de voir remonter les taux d’intérêts réels excluait un scénario d’envolée des cours comparable à 2020. Cette hypothèse était finalement conforme d’un point de vue logique aux évolutions croisées classiquement observables entre la valeur des taux d’intérêt et celle du métal jaune. En à peine deux semestres à partir de l’automne 2021, les choses ont pourtant beaucoup bougé pour l’or. Les risques géopolitiques majeurs qui accablent, pour l’heure, l’Europe se sont traduits par une envolée des cours de l’or libellé en euro. Les investisseurs, spécialement ceux du Vieux Continent, cherchent clairement pour l’heure à protéger leurs actifs.

Cette fonction de protection des actifs dévolue à l’or explique pourquoi le niveau du métal doré atteignait en Europe un plus-haut historique au début du mois de mai de cette année. Au plus fort de la crise Covid, l’once d’or en Europe avait atteint les 1.718,65 euros l’once le 30 juillet 2020 contre 1.773,20 euros le 2 mai 2022. Aux Etats-Unis, le niveau élevé de l’inflation, couplé à l’évolution géopolitique incertaine du moment, joue également un rôle haussier pour ce qui est de l’évolution des cours de l’or mais dans une moindre mesure toutefois qu’en Europe.

C’est ainsi que l’once d’or à Wall Street a dépassé les 1.870 dollars l’once en mai 2022. Il s’agit là aussi d’un niveau comparable à celui la crise Covid. En fait, en mars 2021, l’or avait atteint un plus-bas aux Etats-Unis lorsque le métal jaune affichait un cours de 1.700 dollars l’once.

En 15 mois, il s’agit là d’une progression de 10%[9]. Au vu de tous ces éléments, on peut raisonnablement tabler sur une progression des recettes de commerce extérieur du Mali, tant en ce qui concerne le coton que l’or. Pourtant, le pays n’est pas encore pour autant tiré d’affaire.

Une tendance en trompe-l’œil

Nous n’avons, en effet, fait que détailler jusqu’à présent la balance des biens du pays. Cette dernière correspond aux exportations de biens physiques d’un pays diminuées de ses importations de marchandises. Nous avons vu qu’en 2020, la balance des biens du Mali était positive. En revanche, si l’on scrute la balance commerciale du Mali, cette dernière, en 2020, était déficitaire de l’ordre de -6,39%[10]. Ce décalage s’explique par un point de technique statistique. Un pays n’importe et n’exporte pas que des marchandises physiques tangibles. Le commerce international a également trait aux échanges de services marchands. On calcule donc pour les services marchands une balance des services. L’addition de la balance des services avec celle des biens permet de calculer la balance commerciale d’un pays. Dans le cas du Mali, l’excédent repéré auparavant sur la balance des biens est plus qu’annulé par une balance des services déficitaire. La position enclavée du pays contraint, en effet, ce dernier à avoir recours aux grands ports des Etats voisins membres de la cedeao (Lomé, Dakar et Abidjan) pour se fournir en biens. On peut donc dire que dans ces conditions, chaque importation physique du Mali se double immédiatement d’une importation de services bénéficiant à un partenaire de la cedeao.

C’est évidemment une donnée défavorable pour le pays. Le tableau qui suit résumera la position nette du Mali concernant sa balance commerciale. Il nous permettra de vérifier si l’hypothèse d’une hyperdépendance du Mali à l’égard des services importés à partir des ports avoisinants. Pour procéder à cet exercice, il sera fait appel à la base de données ITC Trade Map tenue par le Centre du Commerce International (CCI), lequel dispose d’un mandat conjoint avec l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et l'Organisation des Nations Unies (ONU) par l'intermédiaire de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED). Cette base de données a pour particularité d’intégrer les données relatives à la balance des services.

 

 

Balance commerciale du Mali en 2020 (biens et services en dollars)

 

Importations

Exportations

Solde (exportations- importations)

Biens

4.641.927.000

5.105.073.000

463.146.000

Services

2.352.663.000

618.554.000

-1.734.410.900

Total

6.994.590.000

5.723.627.000

-1.270.963.000

Source : ITC TradeMap, Mali (commerce extérieur 2020), Calculs propres.

Le Mali présentait donc en 2020 une balance commerciale déficitaire de l’ordre de 1.270.963.000 dollars US. Cette année-là, le PIB malien s’élevait, d’après la Banque mondiale, à 17,39 milliards dollars états-uniens.

Nous obtenons donc une validation de notre hypothèse de départ concernant la balance commerciale du Mali, à savoir que cette dernière est handicapée par une balance des services structurellement déficitaire. Ce déficit s’explique en grande partie par la situation enclavée du pays. On notera également qu’exprimé en pourcentages, ce déficit est supérieur à la source citée précédemment puisque nous obtenons un déficit équivalent à 7,31% du PIB.

Cette donnée établie pour l’année 2020 constitue une variable récurrente et systémique de l’économie malienne. Les évaluations du risque-pays du Mali rédigées par une grande banque de détail française indiquaient, en effet, dans un paper produit au début de cette année que « la balance commerciale du Mali est structurellement déficitaire et dépend largement des prix des produits de base. Selon les chiffres de l’OMC, en 2019, les exportations et les importations de marchandises du pays sont restées stables par rapport à l’année précédente, à respectivement 3,5 et 4,7 milliards USD.

Le Mali est également un importateur net de services : la valeur des importations de services commerciaux s'est élevée à 1,3 milliard USD, contre 469 millions USD d'exportations. Les chiffres de la Banque mondiale montrent que la balance commerciale globale était négative de 11,3% du PIB du pays en 2019 (contre -11,1% un an plus tôt) »[11].

Au passage, on notera que des éléments structurels typiques de la crise Covid ont, en 2020, joué en faveur de l’économie malienne. En effet, le confinement a entraîné une chute vertigineuse du commerce international.

Pour un pays comme le Mali, cette situation s’est traduite par une diminution des coûts de transaction liés à ses importations. Cette diminution a allégé la facture des importations de services alors que la vigoureuse remontée des cours de l’or a provoqué une amélioration des recettes d’exportation sur la balance des biens du pays. Ce mouvement conjugué explique pourquoi cette année-là, le déficit de la balance commerciale a diminué d’un quart par rapport aux deux années antérieures qui se caractérisaient par un déficit de la balance commerciale systématiquement supérieur à 10%.

A titre prospectif, on n’oubliera pas de mentionner que si l’augmentation des cours de l’or va constituer une donnée positive pour l’économie malienne en 2022, il n’en ira pas de même en ce qui concerne la facture des importations de services. En effet, suite au renchérissement des énergies fossiles, le coût du fret maritime à l’international a augmenté cette année. Pour s’en convaincre, on scrutera de près l’indice Baltic Dry Index (BDI).

Le BDI désigne un indice maritime et commercial mesurant l'évolution du coût du transport de diverses matières premières, notamment le charbon et l'acier. Il se présente sous la forme d’un indice composite des moyennes des coûts de fret du vrac sec. Pour la petite histoire, le BDI est publié depuis 1985 par la société Baltic Exchange Ltd dont le siège social se trouve au cœur de la City londonienne.

On constate que le BDI a connu une augmentation spectaculaire depuis la réouverture progressive de l’économie mondiale à partir de l’automne. Dès la fin de l’année 2020, les plans de relance mis en œuvre afin de lutter contre les effets potentiellement dépressifs des mesures de confinement mais aussi la progression de l’e-commerce ont fait exploser les coûts du fret qui ont été multipliés par 4 à 5 au cours de 2021 jusqu’au mois d’octobre.

A cette époque, on note également que les effets à proprement parler sanitaires de la crise Covid se traduisant par une diminution de la main-d’œuvre employable dans les ports ont également contribué à faire flamber les coûts du fret.

Par la suite, la normalisation des données sanitaires qui a permis le retour aux routes commerciales traditionnelles plus directes (donc moins coûteuses) a permis aux coûts de fret de baisser jusqu’au début de cette année.

Cette accalmie fut finalement de courte durée puisque la guerre en Ukraine a provoqué un renchérissement des coûts de fret. De ce côté, les mauvaises nouvelles continueront à frapper le Mali. La politique du zéro Covid en Chine risque de renforcer les goulets d’étranglement sur un grand nombre de chaînes de valeur, avec à la clé des tendances inflationnistes qui se diffuseront aux quatre points cardinaux dans le monde. De plus, ces tensions vont se traduire par une diminution des quantités transportées. Du point de vue du fret, l’amortissement d’un certain nombre de coûts fixes s’avérera plus difficile pour les grandes compagnies de transport maritime dans un contexte de forte augmentation des prix de l’énergie. Il en résultera fort logiquement une augmentation sensible des coûts de fret maritime à l’international. Pour preuve, le BDI a atteint 2.409 points le 4 mai contre un plus-bas cette année de 1.247 points le 27 janvier de cette année. En à peine quatre mois, la tendance spontanée de ce marché particulier correspond à un doublement des coûts. En tout état de cause, le Mali ne retrouvera plus cette année les conditions favorables caractérisées par un faible coût du fret telles qu’elles prévalaient il y a deux ans lorsque le BDI avait chuté au niveau des 417 points au mois de février. Si l’on veut comprendre l’impact des sanctions dans ces conditions, il importe que nous pratiquions un tout petit saut conceptuel en passant des évaluations centrées sur la balance commerciale à celles relatives à la balance des paiements. Nous allons voir que c’est ici que les sanctions risquent de frapper le plus durement l’économie malienne.

Une crise de liquidités en perspective ?

La balance des paiements désigne le relevé de toutes les transactions économiques entre résidents et non‐résidents d’un pays au cours d’une période donnée. On établit la balance des paiements d’un pays en additionnant à la balance courante les opérations relatives au compte de capital d’un pays ainsi le solde des opérations financières de ce dernier. Au terme de cet exposé quelque peu technique, nous disposerons des outils permettant d’anticiper au plus juste les conséquences de la politique de sanctions sur un pays comme le Mali. La balance courante vise à mesurer tous les flux monétaires entre un pays et l’étranger. Elle consiste en l’addition de la balance commerciale (qui résulte de l’addition de la balance des biens exprimant la différence entre les exportations et les importations de biens avec celle des services qui équivaut à la différence entre les exportations et les importations de services d’un pays donné) avec la balance des transferts courants (il s’agit du solde de ce que l’on pourrait qualifier la balance du don dans le sens où ce compte correspond aux dépenses d’aide publique au développement, aux contributions aux organisations internationales, aux transferts de fonds des travailleurs immigrés à destination de leur pays d’origine) ainsi que, pour terminer, la balance des revenus (cette dernière quantifie les échanges de revenu correspondant aux salaires versés ou reçus à l’extérieur, dividendes tirés des investissements réalisés à l'étranger ou, au contraire, attribué à une entreprise de l’extérieur ayant investi dans le pays).

Le compte de capital d’un pays comptabilise, quant à lui, les opérations d’achat ou de vente d’actifs non-financiers (notamment, les brevets) ainsi que les transferts de capital (remises de dette ainsi que les aides à l’investissement). Pour sa part, le compte des opérations financières reprend toutes les opérations portant sur des actifs et passifs financiers. Il se compose de cinq catégories : les investissements directs, les investissements de portefeuille, les produits financiers dérivés, les autres investissements et les avoirs de réserve (c’est-à-dire les réserves accumulées au sein de la banque centrale).

Comme nous l’avons vu auparavant, la balance commerciale du Mali est structurellement déficitaire. Il en va de même pour sa balance courante. Cela signifie que ni les transferts courants (parmi lesquels les envois de fonds des émigrés maliens) ni les revenus tirés de l’extérieur ne parviennent à combler le déficit structurel de la balance commerciale (biens et services).

En ce qui concerne le compte de capital de l’économie malienne, on observe les tendances suivantes. En 2019, le solde du compte de capital de l’économie malienne était positif. Il s’élevait à 113,936 milliards de francs CFA. Le poste permettant au Mali d’occuper une position créditrice pour ce compte correspondait au transfert en capital impliquant les administrations publiques. Les transferts en capital correspondent à l'acquisition ou à la cession d'un ou de plusieurs actifs, peu importe à cet égard que le transfert en capital ait été effectué en espèces ou en nature.

Un transfert en capital, d’un point de vue comptable, correspond, en définitive, à une variation patrimoniale se traduisant par un crédit pour la partie bénéficiaire et un débit pour la partie subissant la cession d’actifs. Le transfert patrimonial dont bénéficie sous cette rubrique comptable le Mali implique, comme nous l’avons vu, les pouvoirs publics maliens. Très vraisemblablement, ces transferts en capital correspondent, en l’espèce, aux royalties résultant des activités extractives sur le territoire malien. Pour terminer l’analyse de la balance des paiements du pays, nous devons, comme nous l’avons vu, intégrer le compte financier du pays. On constate que le solde de ce dernier, dans le cas du Mali, était, il y a deux ans, largement déficitaire (-871,443 milliards de francs CFA). Cet état de choses correspond au fait que le Mali dépend fortement des investissements directs étrangers (solde négatif pour ce poste de 502,751 milliards de francs CFA).

Le Mali est donc un pays qui a besoin de l’extérieur pour se financer. Pour s’en convaincre, il suffit d’additionner la balance des transactions courantes à celles solde du compte de capital afin d’identifier le besoin de financement du Mali. Le besoin de financement d’un pays correspond au montant net des ressources que l'économie d’un pays laisse à la disposition du reste du monde (en cas de solde positif) ou qu'elle doit recevoir du reste du monde (en cas de solde négatif). Lorsque le solde est positif, on parle de « capacité de financement ». En revanche, s’il est négatif, on parlera de « besoin de financement ».

La capacité ou le besoin de financement de l'économie totale est égal, mais de signe opposé au besoin ou à la capacité de financement du reste du monde. En 2019, le besoin de financement du Mali s’élevait à 641,133 milliards de francs CFA. Le Mali devait donc trouver cette somme auprès de l’extérieur pour équilibrer ses comptes[12].

En 2018, le besoin de financement du Mali s’élevait à 331,538 milliards de francs CFA. Cette année-là, on constate encore une balance positive du compte de capital (132,957 milliards de francs CFA) ne permettant pas de combler le solde négatif de la balance des transactions courantes (-464,495 milliards de francs CFA)[13]. On peut répéter les mêmes constats pour 2015, 2016 et 2017 avec respectivement des besoins de financement de l’ordre de 210, 478 et 554 milliards de francs CFA[14].

Il s’agit là, en tout état de cause, d’une faiblesse structurelle qui implique une forte dépendance à l’égard de sources extérieures disposant des capacités permettant le financement et/ou le refinancement des acteurs économiques maliens considérés dans leur ensemble. Cet état de grande dépendance financière est d’autant plus marqué que le Mali peut s’endetter en francs CFA auprès de tous les marchés financiers de la zone CFA afin de financer ses déficits budgétaires chroniques.

Le tableau qui suit retrace le niveau des déficits publics du Mali au cours de la décennie écoulée.

Déficits budgétaires du Mali (2007-2019)

Année

Déficit budgétaire (% du PIB)

2019

-1,68

2018

-4,74

2017

-2,86

2016

-3,95

2015

-1,82

2014

-2,89

2013

-2,37

2012

-0,96

2011

-3,42

2010

-2,57

2009

-3,72

2008

-1,98

2007

-2,78

Moyenne

-2,75

Source : Banque mondiale, 2022

De 2007 à 2019, le Mali présente un déficit public annuel moyen de l’ordre de 2,75% de son PIB. Les choses, de ce point de vue, ne se sont évidemment pas améliorées depuis l’application des sanctions. On constate, en effet, une détérioration des données budgétaires du pays où le déficit est passé à 5,5% du PIB en 2020, soit le double de la moyenne du déficit budgétaire de 2007 à 2019. En cause : la récession qui a plombé les recettes fiscales du pays selon un mécanisme bien connu en cas de diminution sensible de l’activité économique. Le retour de la croissance économique n’a guère permis de tirer vers le haut les finances publiques maliennes. En 2021, le déficit budgétaire était de 4,5% du PIB et on peut s’attendre à ce qu’il reste supérieur à 3% du PIB cette année.

On a, certes, pu observer une réduction du déficit du compte des opérations courantes au niveau de 1,1 % du PIB en 2021. Cette amélioration ne sera, hélas, que de fort courte durée. L’augmentation de la facture pétrolière, en lien avec la guerre en Ukraine, devrait replacer le déficit des opérations courantes autour des 2,5 % du PIB en 2022. Le besoin de financement du Mali demeure donc une donnée structurelle caractérisant l’économie du pays. Or, le Mali est actuellement sous sanctions. Ces dernières frappent tout particulièrement le secteur financier malien. En effet, le gouvernement malien ne dispose plus aujourd’hui de l’accès à ses comptes auprès des banques de la cedeao et la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dont la mission est d’émettre le franc CFA. On notera, au passage, que le Mali, du fait de la rupture des relations avec la BCEAO, n’est plus en mesure d’utiliser ses réserves de change. En effet, les réserves de change des Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) sont centralisées au sein de la BCEAO (article 3 du Traité de l’Union monétaire ouest-africaine de 1962).

De la militarisation de la finance en contexte africain

Dans le même ordre d’idées, la rupture des relations financières entre le bloc régional et les autorités maliennes rend donc impossible le refinancement des dettes publiques. Or, c’est là la seule manière pour Bamako, vu les déficits structurels de l’économie malienne, de pouvoir honorer ses dettes. Ce roulement n’étant plus assuré aujourd’hui, le gouvernement malien n’a plus d’autres choix que de se placer en défaut de paiement. « Outre l’impossibilité de rembourser ses créances, le Mali ne peut émettre de nouveaux titres de dette pour financer le fonctionnement de l’État. Le 12 janvier dernier, le pays a dû renoncer à l’émission de 30 milliards de francs CFA de dette. Un an plus tôt, au premier trimestre de 2021, les besoins de financements du Mali sur le marché régional représentaient pas moins de 235 milliards de francs CFA d’émissions de dettes »[15]. Cette suite de défauts de paiement en série a conduit l’agence de notation Moody’s à dégrader la dette publique malienne qui, de ce fait, est devenue davantage encore un actif spéculatif. Pour information, Moody’s a fait reculer la notation de la dette publique Caa1 à Caa2[16].

Il s’agit là dans l’échelle des cotes de la célèbre agence de notation new-yorkaise du dernier niveau avant d’entrer dans la liste des pays en défaut structurel de paiement. Cette dégradation compliquera davantage encore l’accès du Mali aux marchés financiers d’Afrique occidentale dans les mois à venir mais surtout, elle constitue la preuve que les sanctions de la CDEAO fonctionnent puisque le gouvernement malien dispose des liquidités lui permettant de faire face à ses échéances. A terme, ces sanctions préparent l’étouffement financier du pays, avec à la clé une crise de liquidités en interne mais ne peut s’en servir du fait de son appartenance à la zone CFA. Pour l’heure, ce sont les créanciers extérieurs du Mali qui font en premier lieu les frais des sanctions de la CDEAO. A terme, le manque de liquidités disponibles devrait finir par frapper les acteurs maliens. C’est le but affiché plus ou moins ouvertement par la BCEAO. Cette dernière ne couvrait plus, au début de cette année, les besoins des banques commerciales du Mali qu’à raison de 82,94% avec 289,136 milliards de FCFA injectés au lieu des 348,611 milliards demandés par le gouvernement malien (soit une différence de 59,475 milliards)[17]. On notera que ces injections de liquidités sont renouvelées sur une base hebdomadaire.

La perspective d’une pénurie de liquidités se renforce du fait de la décision récente de la Banque mondiale (avril 2022) de suspendre ses décaissements en faveur du Mali suite à l’accumulation au cours des 45 jours précédents d’échéances impayées au titre du service de la dette publique extérieure[18]. Afin de quantifier l’impact des sanctions frappant le Mali et tenter de voir de combien de temps le pays dispose avant de connaître des soucis plus graves de liquidité, nous allons utiliser le concept de position extérieure globale nette d’un pays. Ce concept permet d’identifier la position financière nette (actifs moins passifs) d'un pays par rapport au reste du monde. En ce qui concerne cette variable, les dernières données que la BCEAO a présentées au sujet du Mali remontent à 2019. Nous baserons nos calculs sur ces chiffres évidemment dépassés dans la réalité. Aussi l’ambition de cette analyse visera davantage à décrire un ensemble de tendances générales qu’à construire un modèle prédictif en bonne et due forme.

Dans le cas du Mali, on peut voir que la position extérieure nette du pays correspondait à un solde négatif de -5.588,529 milliards de francs CFA en 2019. Si l’on reprend la restriction imposée par la BCEAO en ce qui concerne le financement des banques commerciales maliennes eu égard à leurs besoins réels, nous avons vu qu’il portait sur un montant hebdomadaire de 59,475 milliards de francs CFA[19]. Autrement dit, à ce rythme, la situation globalement débitrice du Mali aura totalement effacé les fonds propres et les actifs du pays en 94 semaines (puisque 5.588,529/59,475 est égal à 93,96). Autrement dit, si le seul élément négatif caractérisant la position extérieure du Mali résidait dans le plan de limitation des liquidités mises à disposition des banques maliennes par la BCEAO, Bamako pourrait encore tenir théoriquement 21 mois à compter du mois de janvier de cette année.

Au passage, on remarquera que le plan de sanctions de la CEDEAO correspond au schéma dit de la militarisation de la finance. En d’autres termes, il s’agit du fait de se servir des relations financières internationales comme d’une arme en cas de sanctions contre un pays récalcitrant. La militarisation de la finance consiste à mettre en service des instruments et des outils financiers afin de faire progresser les intérêts de sécurité nationale d'un pays ou d’une zone. La militarisation de la finance consiste donc à mettre en œuvre une série de blocages aux échanges financiers de façon à ce que des pays financièrement puissants utilisent leurs ressources financières afin d’influencer l’agenda politique interne d’un autre Etat moins favorisé dans le rapport de forces. Ce sont les Etats-Unis qui se sont engagés les premiers dans la militarisation de la finance en tant qu'instrument de politique étrangère. L'omniprésence du billet vert dans le commerce international et, par conséquent, la centralité du système bancaire US rendent impossible pour les entreprises le fait d'éviter des transactions en dollars impliquant des contacts avec le système financier américain. En d’autres termes, la plupart des grandes entreprises dans le monde sont de facto concernées par des plans de sanctions édictés par Washington.

Par la suite, d’autres zones dans le monde ont considéré favorablement l’application de ce modus operandi dans leurs politiques de relations extérieures. Par exemple, l’Union européenne (UE) a fini par faire des sanctions un instrument privilégié de sa politique étrangère. C’est ainsi que lorsque le Burundi a été sanctionné par Bruxelles le régime de Bujumbura a été frappé par un gel des avoirs et une interdiction du paiement des créances. Au terme de ce plan, les réserves de change burundaises étaient tombées en-dessous des standards internationaux minimums en la matière. C’est ainsi qu’à la fin de l’année 2018, soit deux ans après que l’Union européenne ait imposé des sanctions au Burundi, les réserves de change du pays n’équivalaient plus qu’à 0,9 mois d’importations (soit à peine plus de trois semaines)[20]. Or, il est admis par les grandes organisations internationales que le niveau minimal des réserves pour un pays en ce qui concerne la couverture de ses importations par ses réserves doit être équivalente à trois mois[21].

A priori, les programmes de militarisation de la finance fonctionnent bien. On observera cependant que le Burundi était déjà en posture délicate avant l’application du programme de sanctions par Bruxelles. C’est ainsi qu’en 2015, les réserves de Bujumbura ne couvraient plus que 1,923 mois d’importations. Un an plus tard, alors que le Vieux Continent tapait du poing sur la table, les réserves burundaises étaient à peine supérieures à un mois et demi d’importations (1,515 mois pour être plus précis)[22]. Certes, la situation des réserves du Burundi était particulièrement dégradée à la fin de l’année 2018 avec 0,9 mois d’importations couverts. Cependant, il a encore fallu attendre février 2022 pour que l’Union européenne lève les sanctions contre le Burundi, soit deux ans après le décès du président Pierre Nkuruziza.

Comment un pays peut-il tenir aussi longtemps avec des réserves aussi faibles et une coupure complète avec ses actifs détenus à l’étranger ? Plusieurs pistes peuvent être esquissées pour répondre à cette question. Tout d’abord, une crise de liquidités exercera davantage d’effets négatifs dans un pays où une grande majorité de la population a accès à des services bancaires que dans un Etat où la bancarisation de la population est faible. Or, on observe que le taux de bancarisation en Afrique est particulièrement bas (18% de la population) et c’est précisément en Afrique subsaharienne qu’il est le plus faible. Au sein de l'UEMOA (dont fait partie le Mali), le taux de bancarisation reste faible, quoiqu’en légère progression, est passé de 17,2% en 2018 à 18,0% en 2019[23]. Cela signifie donc, en d’autres termes, qu’une part importante des actifs financiers dans ces pays se trouve en dehors des circuits bancaires classiques. Cet état de choses implique une résilience de la part des sociétés concernées si le système bancaire se retrouve en situation d’illiquidité voire de banqueroute résultant d’un état de profonde insolvabilité. Ensuite, la place de l'économie informelle est importante en Afrique subsaharienne et équivalait en moyenne à 38% du PIB entre 2010 et 2014. Plus globalement, la contribution du secteur informel aux économies nationales variait, en réalité, selon les contextes de 25 à 65% des PIB.

L'emploi informel contribuait, à cette époque, à en moyenne 60% de l'emploi total non-agricole[24]. Le secteur informel représentait, à cette époque, environ 80 % du secteur privé au Mali. En outre, la contribution du secteur privé à l'économie était estimée à environ 12,5 % du PIB en 2017 et représentait près de 60% des emplois du pays[25]. Il existe donc dans toute l’Afrique, et le Mali ne fait pas exception à cette règle, un matelas de liquidités permettant de financer les importations et les passifs en dehors des chiffres officiels des réserves des banques centrales. Il s’agit évidemment là d’une limite sur laquelle peuvent buter les programmes de sanctions de l’Union européenne. Enfin, presque les 2/3 de la population active en Afrique subsaharienne sont occupés dans l’agriculture. Au Mali, il s’agissait de 62,44% de l’emploi total il y a deux ans[26]. Cette donnée sectorielle permet en cas de crise des liquidités à une partie importante de la population de continuer à bénéficier d’une certaine forme de sécurité économique et alimentaire.

Ces caractéristiques socioéconomiques sont communes au Burundi et au Mali. Nous avons vu que dans le cas burundais, elles ont permis au pays de tenir le coup sous les sanctions pendant 6 ans.

On peut, dès lors, raisonnablement formuler l’hypothèse que les possibilités de résilience du Mali excèdent, et peut-être, d’ailleurs, de loin, ce que la position extérieure et le besoin de financement du pays laissent présager en termes de fragilités structurelles face aux programmes de sanctions correspondant, selon l’expression consacrée, à la militarisation de la finance.

L’alternative réside dans la multipolarisation du monde

Le 2 mai de cette année, le gouvernement malien a annoncé urbi et orbi qu’il suspendait sa coopération militaire avec la France. Au passage, il dénonçait ce qui lui apparaissait relever des « atteintes flagrantes » à son indépendance ainsi que sa souveraineté nationale de la part des troupes françaises présentes sur son territoire en plus de violations répétées de l'espace aérien malien[27].

Ces accusations n’ont, en fait, rien de bien surprenant dans la mesure où précisément la rupture de la collaboration militaire avec Paris constitue un souhait exprimé depuis des mois par Bamako. En tout état de cause, les relations avec la France, déjà dégradées depuis bien longtemps, semblent avoir atteint un point de non-retour. En effet, cette fois, la junte malienne, arrivée au pouvoir à Bamako, il y a deux ans, dans un climat de sauve-qui-peut généralisé face à la menace djihadiste, a purement et simplement dénoncé les accords SOFA (Status of Force Agreements) qui fondaient juridiquement la présence de troupes occidentales au Mali, qu’il s’agisse des dispositifs Barkhane ou Takuba. Force est d’ailleurs de constater que la confiance ne règne plus spécialement entre les Etats-majors maliens et occidentaux (spécialement, français). C’est ainsi que la France a, en juin 2021, décidé unilatéralement de suspendre toutes les opérations conjointes entre les forces françaises et maliennes. C’est toujours de façon aussi unilatérale que les Occidentaux ont décidé le retrait des forces Barkhane et Takuba. Ce départ ne concerne, au demeurant, que le Mali, c’est-à-dire que les autres pays sahéliens continueront à être « protégés » (à condition toutefois d’être bien gentils) contre les groupes armés djihadistes par les dispositifs français et européen.

La détérioration des liens de coopération entre Bamako, d’une part, et l’axe Bruxelles-Paris, d’autre part, porte aujourd’hui sur l’exercice de sa souveraineté (un thème extrêmement sensible en Afrique) sur son territoire par le gouvernement malien. C’est ainsi qu’à l’origine de la rupture intervenue au début du mois de mai de cette année, il y a l’exaspération qu’ont provoquée, côté malien, les violations de l'espace aérien du pays par les forces aériennes françaises alors que les autorités nationales avaient, comme c’est leur bon droit, instauré une zone d'interdiction aérienne au-dessus d'une vaste partie au nord du pays. Rétrospectivement, on peut considérer que Paris et les Européens ont, d’évidence, donné à Bamako des verges pour se faire battre. Ces interventions intempestives dans l’espace aérien malien ne doivent cependant rien au hasard.

En effet, les autorités maliennes se sont beaucoup rapprochées de la Russie au cours des dernières années. Pour s’en convaincre, on fera, par exemple, valoir que des accords de coopération militaire ont été convenus entre Bamako et Moscou en 2019. C’est ainsi qu’un bon millier de mercenaires du groupe russe Wagner se trouvent désormais au Mali. Cette présence renforcée de la Russie sur le théâtre des opérations au Mali avait amené, au début de cette année, Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères à l’époque, à considérer que les conditions n’étaient plus réunies pour que la France poursuive la mission Barkhane dans ce pays[28].

Plus globalement, la présence militaire russe au Mali remet clairement en cause les sphères d’influence de la Françafrique dans le domaine militaire. Evidemment, vu le conflit militaire actuellement en cours en Ukraine, on peut comprendre que cette perspective irrite quelque peu Paris, tout comme d’ailleurs Bruxelles. Cela dit, le retour de la Russie en Afrique ne fait peut-être que commencer. La relation tutélaire, et pour le dire crûment néocoloniale, de l’Europe occidentale avec l’Afrique risque, dès lors, de prendre du plomb dans l’aile. On assiste, en tout cas, à une réactivation des liens entre la Russie et l’Afrique, du Maghreb à l’Afrique du Sud.

Pourtant, au cours de la décennie des années nonante, les relations entre la Russie et l’Afrique subsaharienne avaient subi un coup terrible. La disparition de l’Union soviétique avait quasiment anéanti les liens entre ces deux parties du monde alors que la mission de diffusion du socialisme dans les Tiers-monde ne constituait plus un axe de référence de la nouvelle doctrine diplomatique en vogue alors à Moscou. De surcroît, la Russie de l’époque, en proie à une profonde crise économique, n’était plus en mesure d’assurer le subventionnement des régimes alliés dans la zone subsaharienne. Les relations avec certains États africains se sont même tendues « à la fin de l’année 1991, lorsque le président, Boris Eltsine, arrêta toute aide étrangère et exigea le remboursement immédiat des dettes impayées. Avec la reprise économique en Russie, mais aussi sous l’effet de l’ouverture d’esprit dont font preuve les nouveaux dirigeants, la situation va progressivement s’améliorer »[29].

La création des BRICS à laquelle adhère pleinement la Russie va permettre la réimplantation de Moscou dans la région. En effet, la constitution d’un pôle alternatif à l’hégémonie états-unienne à travers la création d’un groupe autonome de pays autour des deux grandes puissance que sont la Chine et la Russie s’inscrit « dans le sillage de la conférence de Bandung en 1955, qui avait vu l’alliance des pays du « tiers-monde » se déclarant « non alignés » (notamment l’Égypte, l’Inde, l’Indonésie, la Chine et de nombreux pays africains) par rapport aux deux puissances dominantes de l’époque »[30]. On peut, à cet égard, considérer, sans pour autant verser dans l’idéologie pour l’idéologie, que l’avènement des BRICS constitue le préambule à l’avènement d’un monde multipolaire et d’une désoccidentalisation du système des relations internationales. Cette dernière est déjà à l’œuvre, d’un point de vue structurel, à l’intérieur de l’économie-monde contemporaine. En effet, depuis 2014, le PIB de la Chine, exprimé en parité de pouvoir d’achat (PPA), dépasse celui des Etats-Unis. Certes, si cet indicateur positionne la Chine en pole position, « le PIB nominal reste toujours à l’avantage des États-Unis, pour quelques années encore, sans doute moins d’une décennie. Mais l’important n’est pas là. Le fait que Beijing supplante désormais Washington à la fois dans les échanges commerciaux – depuis 2013 – et en PIB en PPA est un événement qui peut être qualifié d’aboutissement après trois décennies de croissance exceptionnelle, au point que certains observateurs américains font état d’un véritable tremblement de terre capable de bouleverser l’ordre mondial »[31].

La présence accrue de la Russie au Mali et le développement d’une coopération militaire accrue avec Moscou entrent complètement en syntonie avec ce bouleversement de l’ordre mondial. Nous allons voir dans les développements qui suivront que cette situation entre en contradiction avec l’appartenance du Mali à la zone du franc CFA. Nous commencerons cependant par repérer que les développements actuels au Sahel revêtent un caractère historique non seulement parce que l’Union européenne et la Fédération de Russie se regardent, pour l’heure, en chiens de faïence mais aussi et surtout parce que si la Russie réussit à s’implanter au Mali pour en chasser les groupes djihadistes, son prestige dans cette région, soumise actuellement un peu partout à la pression du fondamentalisme islmaiste, s’en trouvera grandement rehaussé.

C’est que le Mali n’est pas le seul pays de la région à être la victime d’un déferlement de violence djihadiste. Environ 500 civils ont été tués par des groupes armés djihadistes de différentes obédiences au Sahel l’année dernière. Des massacres ont également été commis au Niger et au Burkina Faso[32]. De surcroît, on n’oubliera pas de mentionner l’existence du redoutable mouvement djihadiste Boko Haram sévissant dans la partie septentrionale du Nigeria. Créé à la fin des années 90, Boko Haram est passé, en l’espace de dix ans, du stade de secte islamiste à celui de mouvement terroriste capable de défier l’État fédéral nigérian (première puissance militaire de l’Afrique de l’Ouest) et de mener des incursions dans des pays limitrophes (Cameroun, Tchad, Niger). Au printemps de cette année, on estimait que la violence du Boko Haram avait fait plus de 75.000 victimes au Nigeria depuis 2009. Pour prendre la mesure des choses, cela signifie que Boko Haram a, en treize ans, fait, en moyenne, 5.770 morts chaque année au Nigeria. De juillet 2009 à mars 2022, 15 Nigérians sont donc morts en moyenne chaque jour de la main du fanatisme religieux. Et en ce qui concerne l’appartenance confessionnelle de ces victimes, on peut, sans faire preuve de mauvais esprit, estimer que le Boko Haram œuvre de manière particulièrement œcuménique. C’est ainsi que sur les 75.000 assassinats perpétrés par le Boko Haram depuis treize ans, 45.000 concernaient des chrétiens et 30.000 des musulmans[33].

Dans ces conditions, on comprend évidemment mieux pourquoi la présence militaire russe au Mali gêne aux entournures les Occidentaux. Si les forces russes présentes au Mali parviennent à mettre en déroute le djihadisme, le Nigeria pourrait, à terme, se poser la question de définir un partenariat militaire avec la Russie pour combattre le redoutable Boko Haram. Or, le Nigeria boxe, pour le dire familièrement, dans une tout autre catégorie économique que le Mali. Alors que ce dernier appartient au club des Pays les Moins Avancés (PMA) qui regroupe des Etats cumulant divers handicaps structurels particulièrement lourds (un niveau de vie très bas avec un PIB inférieur à 745 dollars US per capita, une population inférieure à 75 millions de personnes, un faible indicateur de développement humain et un cruel manque de diversification économique qui rend ces pays particulièrement vulnérables), le Nigeria, pour sa part, est complètement intégré à l’économie-monde du capitalisme contemporain. Par exemple, le Nigeria est membre de l’OPEP et avec une production quotidienne de 1,9 millions de barils, se situait, pour la période 2009-2019, à la 11ème place mondiale pour ce qui est des pays producteurs de pétrole (devant le Mexique, l’Algérie et l’Angola). Pour la petite histoire, le Nigeria est le premier pays africain producteur de pétrole.

De surcroît, « le Nigeria est devenu en 2014 la première puissance économique du continent africain [devant donc l’Afrique du Sud]. Son important marché national l’a grandement aidé pour atteindre ce niveau : ses services (banques, assurances, télécoms) et ses produits culturels (…) ont ainsi un bassin de clients potentiels bien plus important que dans tout autre pays africain. Ce pays situé dans le golfe de Guinée a aussi pu profiter de son secteur pétrolier : il est le premier producteur en Afrique depuis 1979. Le Nigeria est, en outre, à la tête des deuxièmes réserves de pétrole et des premières réserves de gaz du continent »[34]. La place importante des hydrocarbures dans l’économie nigériane ne doit cependant pas occulter la diversification économique en œuvre dans le pays depuis une bonne vingtaine d’années, spécialement en ce qui concerne le secteur minier. La contribution de ce dernier au PIB nigérian avoisinait les 0,3% du PIB du pays en en 2018. Cependant, à cette époque, le gouvernement nigérian désirait multiplier ce chiffre par dix ou par vingt en visant une part du PIB pour les mines nationales de 3 à 5% du PIB à l’horizon 2020. Evidemment, la crise Covid a retardé la mise en œuvre de ce projet mais les ressources existent[35]. Ces ambitions dans le secteur primaire ne doivent pas non plus occulter la formidable progression du secteur manufacturier nigérian qui est passé de 7 à 13% du PIB de 2011 à 2021[36].

Il va de soi qu’un rapprochement entre la Russie et le Nigeria constituerait un évènement à proprement fracassant dans l’histoire du continent. La répression des groupes djihadistes pourrait constituer une porte d’entrée pour Moscou au Nigeria. La compétition pour l’accès aux richesses du Nigeria (et ailleurs, en Afrique) risque donc de faire rage entre le couple Moscou-Pékin et les Occidentaux dans les années à venir. Moscou représente une alternative à la dépendance dans le domaine militaire de cette partie de la périphérie à l’égard du centre occidental, dont l’Union européenne fait évidemment partie. Voilà pourquoi au moment de la condamnation de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, on a pu noter que lors du vote de la résolution de l’ONU exigeant que Moscou cesse immédiatement de recourir à la force contre Kiev, 26 pays africains sur 54 n’ont pas suivi les Occidentaux. L’Erythrée a voté contre cette résolution. 17 pays (parmi lesquels le Sénégal) se sont abstenus et 8 (dont le Maroc) n’ont pas participé au vote. Parmi les raisons de cette abstention, on n’hésitera pas à citer l’esprit de Bandung qui continue à animer les relations afro-russes. Par exemple, parmi les 17 pays qui se sont abstenus, on retrouve tous ceux qui sont aujourd’hui dirigés par un mouvement de libération nationale (l’Algérie, l’Angola, le Mozambique, l’Afrique du Sud, le Soudan du Sud ainsi que la Namibie) soutenu autrefois par l’Union soviétique, à qui l’actuelle Fédération de Russie a succédé parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies.

Voilà pourquoi la Russie est redevenue un partenaire stratégique référentiel en matière de défense sur le continent africain. En 2019, Vladimir Poutine a présidé à Moscou un sommet afro-russe auquel ont pris part plus de 40 chefs d’Etat africains. Un an plus tard, la Russie est devenue le principal exportateur d’armes vers l’Afrique. Aussi le retour de la Russie dans la zone sahélienne, à l’heure où la guerre en Ukraine a mis en lumière la terrible dépendance de l’Union européenne aux importations de gaz russe, risque de poser un problème existentiel pour les occidentaux. En effet, la géopolitique du gaz constituera très certainement un moteur majeur de l’action de l’Union européenne dans la région. A ce propos, on notera avec intérêt que le Mali présente un intérêt stratégique majeur dans le cadre de la géopolitique du gaz, laquelle revêt un caractère vital pour l’Union européenne depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le Mali pourrait, en effet, se retrouver en plein milieu du tracé du gazoduc transsaharien (également appelé Nigal) qui reliera le Nigeria à l'Algérie afin de transporter à partir de 2027 du gaz naturel vers l'Europe. Il n’était pas prévu à l’origine que le Mali fasse partie des pays traversés par le gazoduc Nigal. Cependant, dès 2009, Bamako a préparé un argumentaire visant à convaincre l’Algérie et le Nigeria d’intégrer le territoire malien dans l’aire de référence du projet de gazoduc transsaharien.

A cette fin, la société canadienne Erco Worldwide a rédigé, à la demande des autorités maliennes, un rapport qui concluait que l’hypothèse du passage par le Mali présentait un plus grand intérêt que le tracé initial privilégiant le Niger. L’existence d’un potentiel de production gazière au Mali susceptible d’intégrer le gazoduc Nigal ainsi que des facilités au niveau du relief (par comparaison avec le nord du Niger) justifiaient, à cette époque, une modification du tracé[37]. En tout état de cause, la construction d’un gazoduc qui partira du delta du Niger et traversera le nord du Nigeria puis le Mali ou le Niger avant d’arriver dans le sud algérien pose, d’entrée de jeu, la question de la lutte contre le djihadisme puisque nous avons déjà pu vérifier que toute la zone sahélienne (en ce compris, le territoire nigérian) était aujourd’hui concerné par ce phénomène qui semble décidément faire tache d’huile depuis des années.

Sachant que la coopération militaire russe constitue la pierre d’angle d’un modèle économique basé sur l’échange d’un accès à des biens sécuritaires (livraison d’armes, coopération militaire) et technologiques (construction de centrales nucléaires) contre un accès aux ressources minérales ou énergétiques, il se pourrait fort bien qu’à l’avenir, l’indépendance énergétique de l’Union européenne à l’égard du gaz russe repose sur un projet de gazoduc transsaharien auquel participeront…des capitaux russes. Au passage, on notera sans trop s’étonner que lorsque ce sont les firmes occidentales qui sont gagnantes au terme de ce type d’échange de bons procédés avec l’Afrique, il y a nettement moins de monde qui s’en indigne dans la presse européenne. Le souci d’éviter la survenance de ce type de situations gênantes pour paris, Bruxelles, Berlin et Washington explique pourquoi le Mali restera, à n’en pas douter, une cible en Afrique dans les années à venir pour les Européens et les Etats-Unis.

S’émanciper de la Françafrique

Mais Bamako résiste et veut s’émanciper de la Françafrique. La récente décision (2 mai) des autorités maliennes de rompre les accords militaires avec la France renforce l’importance de la présence russe au Sahel. Il en va de même en ce qui concerne le choix formulé le 15 mai de quitter le G5 Sahel. Pour mémoire, le G5 Sahel désigne le mécanisme coordination sécuritaire cornaqué de main de maître par Paris impliquant au départ cinq États du Sahel : la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad.

En cas de retour en force de la Russie au Sahel, il n’est pas déraisonnable de pronostiquer que l’encerclement gazier de l’Europe pourrait, d’ailleurs, commencer à prendre forme lentement mais sûrement. L’Afrique constituera, d’ailleurs, de plus en plus un terrain d’affrontement entre l’Union européenne et la Fédération de Russie. On rappellera, à ce sujet, la récente visite du ministre des affaires étrangères russes, Sergueï Viktorovitch Lavrov, à Alger. A l’occasion de cette rencontre, le partenariat qui unit Moscou à Alger a été confirmé et renforcé. L’Union européenne aura bien des difficultés à l’avenir à mobiliser des capacités gazières excédentaires en Algérie pour satisfaire la demande intérieure du Vieux Continent. On n’est, comme on dit, pas sorti de l’auberge.

Pour toutes ces raisons, le Mali constitue donc aujourd’hui un point nodal pour le retour de la Russie en Afrique et pour la lutte d’influence avec les anciennes métropoles coloniales (en particulier, la Françafrique). A ce titre, force est de constater que les sanctions mises ne place par la CEDEAO à la demande de Paris frappent durement le pays en le prenant par son talon d’Achille, à savoir son besoin structurel de financement par l’extérieur. L’appartenance du Mali à la zone du franc CFA constitue, de ce point de vue, une difficulté majeure à la volonté d’affirmation de sa souveraineté telle qu’affichée actuellement par Bamako. On remarquera, à ce sujet, que les vieux mécanismes de sujétion coloniale ne sont pas, loin de là, morts et enterrés en Afrique.

Le franc CFA renvoie, en effet, à un projet de soumission des politiques monétaire dans ses anciennes colonies par Paris. C’est ainsi que le franc CFA bénéficiait, à l’origine lors de sa création en 1960, d'une parité fixe avec le franc français garantie par la Banque de France. Aujourd’hui, le franc CFA se caractérise par une parité fixe face à l’euro. Ce lien fort avec le franc français a privé les pays de la zone de la faculté de dévaluer ou de décider d’une réévaluation en fonction de leurs intérêts bien compris. Voilà pourquoi le projet d’une monnaie régionale, l’éco, gérée directement par les Etats de la CEDEAO, a été conçu au début des années 2000 pour éviter un contrôle monétaire décidé de l’extérieur à Paris. Des critères de convergence avaient été adoptés fin de favoriser une homogénéisation du cadre macroéconomique dans la région mais à la fin de l’année 2019, il était clair qu’aucun Etat de la région, à l’exception du Togo, n’avait respecté ces critères tant et si bien qu’en février 2020, le Nigeria décidait de reporter sine die le projet de création de l’eco. Cela dit, l’arrimage de l’eco à l’euro ainsi que sa convertibilité auraient continué à être garantis par Paris. Cependant, la gestion de leurs réserves de change par les pays de la zone aurait connu une grande autonomisation grâce à l’eco.

A contrario, dans le cadre du franc CFA, les Etats membres de l’UEMOA doivent placer la moitié de leurs réserves de change sur un compte du Trésor français. Avec l’eco, ce lien post-colonial aurait disparu. Hélas, l’échec du lancement de l’eco n’a pas permis au Mali de s’extirper des liens de sujétion monétaires de la Françafrique. Voilà pourquoi les sanctions constituent une épée de Damoclès pour Bamako.

Il ne faut, en effet, pas perdre de vue que le Mali ne dispose plus de l’accès aux réserves qu’il avait accumulées avant la mise en œuvre un programme de sanctions. Ces réserves se trouvent aujourd’hui sur les comptes de la BCEAO à Dakar ou du Trésor français à Paris. Comme nous l’avons vu, la gestion des réserves est collective dans le cadre de la BCEAO mais sous supervision de Paris. Cela signifie que si un pays de l’UEMOA est victime de sanctions, il ne dispose plus de la faculté de financer lui-même son système bancaire. L’étouffement financier constitue, dans ce cas de figures, une perspective assez réaliste avec à la clé, la probabilité élevée d’un défaut de paiement. La question urgente pour le Mali va donc résider dans la possibilité de se trouver des financeurs en Chine et auprès des autres émergents. Il ne faut pas oublier, à ce sujet, que l’Empire du Milieu détient déjà plus de 60% de la dette bilatérale des pays d’Afrique subsaharienne[38]. L’enfermement dans la zone CFA n’est pas du tout inéluctable. C’est ainsi que le Mali a déjà quitté le franc CFA entre 1962 et 1984. Cependant, il faut prêter attention à une autre donnée qui n’a rien d’anodin.

L’endettement extérieur d’un pays comme le Mali correspond, vu son besoin de financement élevé, à une partie relativement importante de son PIB. En l’occurrence, il s’agit de 29,2% dudit PIB en 2021. Or, si le Mali sortait de la zone CFA, il le ferait sans disposer de réserves importantes permettant de stabiliser le cours de la nouvelle devise. Il en résulterait une dépréciation du nouveau franc malien. Lorsque le Mali est sorti du franc CFA en 1962, il a été contraint de consentir une dévaluation de 50% du franc malien. Evidemment, le poids des dettes en devises étrangères va peser davantage sur les finances publiques maliennes. On connaît l’argument, au demeurant, fondé qui veut qu’un pays qui se déclare en défaut de paiement éprouve, et c’est bien compréhensible, des difficultés à renouer avec les marchés. Ce cas de figures se retrouvera-t-il dans le cas du Mali ?

Il se trouve que la patrie de Salif Keïta attire peu les grands investisseurs privés. C’est ainsi qu’à la fin de l’année 2018, les créanciers principaux du Mali au titre de sa dette extérieure étaient « la Banque Mondiale (46,3%), le Fonds Africain de Développement (19,8%), la Chine (12,5%), la Banque interaméricaine de développement (5,5%), l’Inde (3,2%), l’Agence Française de Développement (3%), le Fonds international de développement agricole (FIDA) (2,1%) ainsi que la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (1,9%) »[39]. Sachant que les prêts de l’Inde et surtout de la Chine en faveur du Mali passent par des canaux bancaires étatisés, on peut estimer que plus de 94% de la dette malienne est, en réalité, le fait d’agences et d’institutions publiques ou parapubliques. La majorité d’entre elles (78,6 du volume de la dette publique malienne) sont, au demeurant, des structures multilatérales ou bilatérales explicitement dédiées à la coopération au développement. On peut supposer, sans faire preuve d’une excessive témérité, qu’une renégociation de l’encours de la dette avec de telles structures pourrait poser moins de problèmes qu’avec des privés. Cela s’est, d’ailleurs, déjà produit dans le passé. C’est ainsi que l’évolution de la dette publique extérieure du s’est caractérisée par des opérations de restructuration. Par exemple, « ces allègements ont eu un impact positif et significatif sur la viabilité de la dette extérieure du Mali permettant une diminution de l’encours de la dette totale de 103% du PIB en 2000 à 19% en 2006 »[40].

En ce qui concerne la dette intérieure malienne (c’est-à-dire la dette libellée en francs CFA), une opération de défaut-restructuration aurait les conséquences suivantes. Il faut, d’entrée de jeu, tenir compte du fait que la dette intérieure malienne était principalement constituée « de titres publics à court et moyen termes dont 68,1% d’obligations et 13,9% de bons du Trésor »[41] qui se retrouvent dans les actifs du système financier interne malien mais aussi régional. Un défaut sur paiement de cette fraction de la dette publique aurait des conséquences dommageables pour les possibilités de croissance de l’économie malienne puisqu’elle affecterait le tissu économique productif national selon un mécanisme bien connu de rétrécissement du crédit résultant du fait de la dégradation de la qualité des actifs et de la solvabilité du système bancaire.

Voilà pourquoi un accord avec les créanciers étrangers du pays en devises fortes (43,2% de la dette malienne[42]) constitue indubitablement la meilleure formule pour soulager les finances publiques du pays. De ce point de vue, le rapprochement particulièrement remarqué, ces dernières années, avec les BRICS (en particulier, la Russie, l’Inde et la Chine) constitue un précieux contrepoids pour jouir d’un meilleur rapport de forces afin de faire efficacement pression sur les Occidentaux dans le cadre des institutions multilatérales.

Si le Mali se dote d’une devise nationale, la dépréciation face au CFA qui l’accompagnera inexorablement, étant donné la profondeur des déséquilibres macros du pays, est susceptible de faire grimper l’inflation importée. Le Mali doit impérativement se reconstituer des réserves en devises pour amortir ce choc. De plus, tout défaut du pays sur sa dette extérieure ayant pour origine des prêts consentis par des organisations internationales aura malgré tout un effet négatif pour les créanciers privés. Le capital, c’est bien connu, est peureux. Aussi le Mali devra s’attendre, dans ces conditions, à une remontée des taux d’intérêt sur sa dette publique financée par le secteur privé de la zone CFA.

Ce schéma descriptif a, certes, été observé à maintes reprises en cas de restructuration de dettes par des Etats du Sud. Cependant, comme en tout chose, il importe de savoir quantifier les données à des fins d’objectivation. Pour ce faire, on prendra soin de noter que la dette intérieure du Mali s’élevait, en 2018, à 984.977.240.000 de francs CFA[43]. Ce montant correspond à 1,56 milliard de dollars (cours du 17 mai 2022).

Il ne s’agit guère là d’une sortie de capitaux trop importante pour des pays comme la Chine ou même la Russie aujourd’hui. En imaginant une sévère dépréciation du franc malien de l’ordre de 50%, l’emprunt de très long terme dont aurait besoin l’économie malienne pour effectuer la transition vers la pleine souveraineté monétaire devrait s’élever à 3 milliards de dollars. Bref, rien d’impayable pour la partie chinoise si cette dernière décide de s’implanter plus fermement au Sahel, une région qui revêtira de plus en plus un caractère stratégique pour l’Europe occidentale dans les années à venir.

Seul, le Mali ne peut parvenir à inverser le rapport de forces. En s’insérant dans les rouages de coopération des BRICS, les choses pourraient d’avérer radicalement différentes. Nous vivons décidément un changement d’époque. Il vaudrait mieux que les Européens (de l’Ouest) en prennent la pleine mesure dès maintenant…

 

[1] Le Monde, « La France suspend sa coopération militaire bilatérale avec le Mali », édition du 3 juin 2021. Date de consultation : 17 juin 2021.

[2] Huffington Post, « Opération Barkhane : Macron annonce une "transformation profonde », 10 juin 2021. Date de consultation : 1er août 2021.

[3] Le Monde, Le Mali en défaut de paiement sur le marché financier du fait des sanctions ouest-africaines, édition du 3 février 2022.

[4] Ambassade de France en Côte d’Ivoire, Service économique régional d’Abidjan, Direction générale du Trésor, Le commerce extérieur de l'UEMOA en 2019, 20 octobre 2020, p.1.

[5] The Observatory of Economic Complexity, Mali (imports and exports of goods in 2019), Url : https://oec.world/en/profile/country/mli. Date de consultation : 22 avril 2022.

[6] The Observatory of Economic Complexity (OEC), Mali (imports and exports of goods in 2018 and 2019),
Url : https://oec.world/en/profile/country/mli. Date de consultation : 2 mai 2022.

[7] Ibid.

[8] Huart, Florence, « Annexe 2. La relation inverse entre prix et taux d’intérêt d’une obligation » in Économie des finances publiques (cours), sous la direction de Huart Florence, Paris, Dunod, « Éco Sup », 2016, pp. 283-284.

[9] Makets Insider, Gold, 2 mai 2022. Url : https://markets.businessinsider.com/commodities/gold-price. Date de consultation : 3 mai 2022.

[10] Perspective Monde, Université de Sherbrooke (École de politique appliquée-Faculté des lettres et sciences humaines), Université de Sherbrooke, Québec, Canada. Url : https://bit.ly/3vVHFcg. Date de consultation : 4 mai 2022.

[11] Groupe Crédit du Nord, Risque pays du Mali : Commerce international, Février 2022, Url : https://bit.ly/3LLc4AK. Date de consultation : 4 mai 2022.

[12] Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), République du Mali (Ministères de l'Economie et des Finances Comité National de la Balance des Paiements), Balance des Paiements et Position extérieure globale en 2019, 2020, pp.14-15. Calculs propres. Pour le surplus, nous ne disposons plus de données concernant le besoin de financement du Mali sur le site de la BCEAO depuis 2020.

[13] Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), République du Mali (Ministères de l'Economie et des Finances Comité National de la Balance des Paiements), Balance des Paiements et Position extérieure globale en 2018, 2019, p.13.

[14] Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), République du Mali (Ministères de l'Economie et des Finances Comité National de la Balance des Paiements), Balance des Paiements et Position extérieure globale en 2015, 2016 et 2017.

[15] Mali : les défauts de paiement passent le cap des 80 millions d’euros, Jeune Afrique. Url : https://bit.ly/3yl6rp3. Date de mise en ligne : 14 février 2022. Date de consultation : 1er avril 2022.

[16] Financial Afrik, Moody’s dégrade la note du Mali à Caa2, 7 février 2022.

[17] Financial Afrik, Mali : l’injection de liquidités maintenue à 209 milliards de FCFA cette semaine, 26 janvier 2022.

[18] Financial Afrik, La Banque mondiale suspend ses décaissements au Mali, 26 avril 2022.

[19] Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), République du Mali (balance des Paiements et Position extérieure globale en 2019), 2020, p.36.

[20] CEIC, base de données, Burundi : reserves (months of imports), mai 2022. Url : https://bit.ly/3KRSdPh. Date de consultation : 1er mai 2022.

[21] Cédric-Achille Mbeng Mezui et Uche Duru, Détenir des réserves de change excédentaires ou financer l’infrastructure. Que doit faire l’Afrique ?, Banque Africaine de Développement, working paper No 178, juin 2013, p.5

[22] CEIC, ibid.

[23] BCEAO, RAPPORT ANNUEL SUR LA SITUATION DE L’INCLUSION FINANCIÈRE DANS L’UEMOA AU TITRE DE L'ANNÉE 2019, octobre 2020, p.14.

[24] FMI, Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne. Faire redémarrer la croissance, 2017, p.53.

[25] Banque africaine de Développement, Perspectives Économiques en Afrique (2018), Mali, p.6.

[26] Banque mondiale, 2020.

[27] Le Figaro, Mali : la junte « dénonce » les accords de défense avec la France, édition mise en ligne le 2 mai 2022.

[28] Le Parisien, Mali : un millier de mercenaires du groupe Wagner sont déployés, dénonce Jean-Yves Le Drian, édition mise en ligne le 15 février 2022.

[29] Alexandra Arkhangelskaya. « Le retour de Moscou en Afrique subsaharienne ? Entre héritage soviétique, multilatéralisme et activisme politique », Afrique contemporaine, vol.248, n°4, 2013, pp. 61-74.

[30] Michaël Oustinoff, « Introduction », Hermès, La Revue, vol.79, n°3, 2017, pp. 13-18.

[31] Barthélemy Courmont, « La Chine, première puissance économique mondiale : et maintenant ? », Revue internationale et stratégique, vol.99, n°3, 2015, pp. 32-40.

[32] Natasja Rupesinghe et Mikael Hiberg Naghizadeh, Les djihadistes du Sahel ne gouvernent pas de la même manière : le contexte est déterminant, The Conversation, édition mise en ligne du 25 janvier 2022.

[33] Cathobel, Boko Haram a fait 75 000 victimes au Nigéria depuis 2009, édition mise en ligne du 27 avril 2022.

[34] Benjamin Augé, « Le pétrole au Nigeria, instrument de puissance et miroir d’une fragilité étatique », Hérodote, vol.159, n°4, 2015, pp. 142-154.

[35] La Tribune, Diversification économique : le Nigeria mise sur l'industrie minière hors hydrocarbures, édition mise en ligne du 28 novembre 2018.

[36] TradingEconomics, Nigeria, Manufacturing, Value Added (% Of GDP), Url : https://bit.ly/3wc62mm. Date de consultation : 6 mai 2022.

[37] Benjamin Augé, « Le Trans Saharan Gas Pipeline. Mirage ou réelle opportunité », Note de l’IFRI, Programme Afrique Subsaharienne, mars 2010, p.14.

[38] La Croix, L’Afrique subsaharienne, un terrain d’expansion pour la Chine, édition en ligne du 10 avril 2022.

[39] MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES (Mali), DIRECTION GENERALE DE LA DETTE PUBLIQUE, COMITE NATIONAL DE LA DETTE PUBLIQUE, STRATEGIE D’ENDETTEMENT PUBLIC DU MALI A MOYEN TERME 2019-2021, Août 2018, p.12.

[40] Ibid., p.7.

[41] Ibid, p.10.

[42] Ibid, p.8.

[43] Ibid, p.10.


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