Le rapport Stiglitz pourfend les excès de la finance

par Laurent Herblay
vendredi 10 août 2012

En 2009, les Nations Unies ont demandé un « Rapport sur la réforme du système monétaire et financier international après la crise mondiale ». Une commission s’est réunie sous la présidence de Joseph Stiglitz. L’absence de réforme depuis lui a malheureusement permis de garder toute son actualité.
 
Un système financier fou et irresponsable
 
Dans la préface, Joseph Stiglitz souligne que « la crise que nous vivons n’est que la pire d’une série de crises successives qui ont ravagé le monde depuis le début de l’ère de la déréglementation (…). Dans le démi-siècle précédent, en revanche, il n’y en avait eu aucune  ». Il dénonce sans surprise les banques « trop grandes pour faire faillite  » et les « centres bancaires offshore (parasites fiscaux), qui posaient depuis longtemps un problème pour le système financier mondial  ».
 
Pour les auteurs, « la crise n’est pas un simple accident (…). Elle est due, au contraire, à l’action humaine : elle a été le résultat de fautes du secteur privé et de politiques mal orientées et vouées à l’échec des pouvoirs publics  ». Il souligne le rôle de la mondialisation, qui « a facilité la contagion  ». Les raisons de la crise sont « le laxisme de la politique monétaire, l’insuffisance de la réglementation et la négligence du contrôle (qui) ont interagi pour créer l’instabilité financière  ».
 
Ils dénoncent les « institutions internationales (qui) continuent à recommander des politiques comme la déréglementation du secteur financier et la libéralisation du marché des capitaux (…) (qui) ont contribué à l’apparition et à la diffusion rapide de la crise ». Suit une critique classique de la crise, des inégalités qu’elle a générées et de la bulle de crédit aux Etats-Unis. Ils critiquent l’aléa moral du sauvetage des banquiers, des actionnaires et des créanciers au détriment des contribuables.
 
Pour les rapporteurs, « le quart de siècle qui a suivi la Seconde Guerre mondiale s’est distingué par l’absence de crise financière, et la raison en est à peu près certaine : c’est le résultat des réglementations plus strictes du New Deal et d’autres du même type, qui ont été imposées au lendemain de la Grande Dépression ». Pour eux, « il est possible que l’actuel régime de réglementation doive davantage à l’influence de certains intérêts particuliers qu’aux mérites d’arguments théoriques  ».
 
Une entrave au développement
 
Cette commission ne comptait que huit « occidentaux » sur ses vingt-un membres. Joseph Stiglitz a voulu un groupe plus représentatif du monde que le G20, avec cinq africains et quatre latino-américains (et un Français, Jean-Paul Fitoussi). Il a également cherché à s’entourer d’économistes un peu « alternatifs », comme l’ancien gouverneur de la banque centrale de Malaisie, un pays qui avait refusé les potions amères du FMI dénoncées dans « La grande désillusion  ».
 
Globalement, elle dénonce « la conditionnalité procyclique (austérité en phase de récession) – réduction des dépenses publiques et relèvement des taux d’intérêt – diamétralement opposée aux politiques keynésiennes qu’ont suivies les pays industriels avancés dans la crise en cours  ». Elle souligne que les politiques du FMI poussent les pays en voie de développement à accumuler des excédents commerciaux importants pour constituer des réserves afin de pouvoir se passer de son aide.
 
La commission dénonce la prédation du système financier actuel où « avant la crise asiatique, les banques des pays industriels avancés s’étaient enrichies dans le grand afflux de capitaux en Asie orientale. Après quoi elles n’avaient pas eu à payer les coûts de leurs erreurs, puisque ce sont les contribuables des pays d’Asie, en définitive, qui ont financé les renflouements, en remboursant avec intérêts le FMI  », dans un scénario qui n’est pas sans rappeller la situation actuelle de l’Europe.
 
Dans son avant-propos, le président de la 63ème session des Nations Unies reprend une citation de Gandhi qu’affectionne NDA : « D’abord, ils vous ignorent, puis ils se moquent de vous, puis ils vous combattent, puis vous gagnez ». Souhaitons un tel destin à la réforme de la finance, que je détaillerai demain.
 

Source : « Le rapport Stiglitz  », Joseph Stiglitz, éditions Babel


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