Le sempiternel retour du débat sur l’euro cher

par Laurent Herblay
mercredi 23 juillet 2014

Le débat sur la valeur de la monnaie unique européenne ne semble pas prêt de s’arrêter. Déjà, avant la crise de 2008, Louis Gallois, alors patron d’EADS, la maison mère d’Airbus, s’en plaignait. Aujourd’hui, son successeur le fait également, de même que le patron du Medef.

Un niveau toujours trop élevé
 
Début 2008, Louis Gallois avait justifié l’incorporation d’une part grandissante de composants fabriqués en zone dollar pour assurer la compétitivité d’Airbus. C’est ainsi que l’avionneur européen a choisi Spirit, aux Etats-Unis pour une grande partie du fuselage de son dernier né, l’A350. C’est aussi pour cette raison qu’Airbus a besoin de construire des usines d’assemblage en dehors d’Europe, en Chine, mais aussi aux Etats-Unis, pour ne pas perdre la main face à Boeing. Le problème est qu’à chaque fois, cela signifie que les pays de la zone euro perdent des emplois, qui plus est, hautement qualifiés, et souvent plutôt bien payés. Bref, l’euro cher a un lien direct avec le niveau du chômage.
 
Fabrice Brégier, patron d’Airbus, l’a affirmé dans un quotidien allemand, « estimant que le niveau de la monnaie unique, préjudiciable à l’activité de l’avionneur, n’est pas une fatalité ». Il soutient que « la banque centrale européenne, la commission européenne et les gouvernements doivent faire en sorte que nous arrivions à un niveau raisonnable pour l’industrie. Ce n’est pas une fatalité que l’euro crève le plafond  ». Pour lui, la BCE « doit faire ce que les Japonais ont fait l’an dernier et les Américains font tout le temps : ils dévaluent sciemment leur monnaie. Je n’en peux plus du discours en Europe comme quoi cela ne serait pas possible  ». Il souhaite un niveau de 1,2 à 1,25 dollars, contre 1,15 à 1,2 pour Pierre Gattaz, au lieu de 1,35 à 1,4 dollars récemment, soit une dévaluation de 10 à 15%.
 
Mission impossible pour monnaie unique

La cherté de la monnaie unique européenne est clairement un problème fondamental qui explique en partie les difficultés de la plupart des pays de la zone euro. Mais elle n’est pas prête de cesser pour trois raisons. D’abord, la zone euro a un excédent commercial, du fait des excédents allemands, mais aussi du redressement commercial des pays de la péripétie, conséquence de l’étouffoir des politiques économiques déflationnistes et austéritaires suivies depuis 2010, qui ont cassé les importations et la croissance. Du coup, les forces naturelles du marché tendent déjà à pousser la monnaie unique européenne vers le haut, d’autant plus que les banques centrales japonaise et étasunienne ont mené des politiques monétaires beaucoup plus ambitieuses, qui ont poussé leur monnaie vers le bas.

Mais ce n’est pas tout. Statutairement, le mandat de la BCE est exclusivement limité à la lutte contre l’inflation, un biais qui pousse à des politiques qui augmentent la valeur de la monnaie. Et il est illusoire d’imaginer changer cela car les Allemands le refuseraient. Nicolas Sarkozy n’a même pas essayer de le faire en 2008 à Lisbonne, malgré sa campagne et le « non » de 2005, qui le plaçaient pourtant dans la meilleure des positions pour le faire. Pire, l’euro cher convient à certains pays, dont l’économie est organisée pour avoir une monnaie chère, au premier rang desquels l’Allemagne, qui peut importer des pièces détachées à bas coûts pour améliorer sa compétitivité et dont la population peut voyager dans le monde à bon prix. Plus globalement, différents pays ont besoin de monnaies différentes
 
La cherté de l’euro est complètement structurelle, du fait des traités, mais aussi de l’économie allemande, organisée pour une monnaie chère. Le problème est que cela ne convient pas à beaucoup de pays et que cela provoque une hémorragie industrielle continue et sans fin. Seule la fin de la monnaie unique pourra enfin mettre fin à ce problème qui provoque tant de chômage

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