Le surendettement, une fatalité ?

par Voris : compte fermé
jeudi 13 novembre 2008

La crise est là avec son cortège de drames humains dont la montée importante des situations de surendettement des ménages. Mais le gouvernement préfère voler au secours des riches banquiers plutôt que de renforcer le pouvoir d’achat et le dispositif de lutte contre le surendettement.

Le Conseil économique et social avait déjà alerté par un rapport de 2007 sur l’aggravation inquiétante du surendettement. Rien n’a été fait ! Aujourd’hui, le Médiateur de la République alerte à son tour. Par un communiqué du 3 novembre, il affirme qu’il n’y a pas de fatalité et que l’on peut faire quelque chose. Les solutions existent, dit le Médiateur de la République. Mais encore faut-il que la volonté soit là. Or, le gouvernement préfère remédier en urgence et préventivement aux risques d’endettement des banques, en injectant des sommes tellement colossales qu’il pourra arguer de cela pour justifier son impuissance à intervenir dans les dossiers sociaux.

Surendettement : l’ampleur du phénomène

Le nombre de dossiers soumis aux commissions de surendettement ne cesse de croître (environ 180 000 dossiers par an). Quant aux ménages surendettés qui déposent un dossier de faillite personnelle (procédure créée par la loi Borloo de 2003), ils sont en augmentation importante également : près de 30 000 procédures entre juin 2007 et juin 2008 contre 4890 en 2003.

La crise est là : ce sont les pauvres qui trinquent ! La proportion d’employés et d’ouvriers dans ce total de 30 000 est de 53% selon la dernière étude de la Banque de France publiée le 29 septembre. Et cette part ne cesse de monter (ainsi que celle des chômeurs et inactifs).

Un nouveau prétexte pour réduire l’action de la justice ?

La mécanique est simple et désormais bien rodée. 1 - On refuse d’affecter des moyens supplémentaires à la justice. 2 - Les tribunaux croulent sous les dossiers. 3 - Les délais deviennent insupportables et le gouvernement, dans sa grande sagesse, décide de déjudiciariser davantage. Après les délits d’affaire et le divorce, la déjudiciarisation pourrait toucher la procédure du surendettement, pour les mêmes raisons toujours : les délais trop longs. Sauf qu’ici, tout le monde semble être d’accord pour dire que cela sera un bien.

C’est ainsi que la ministre Rachida Dati a déclaré vouloir faire bouger les choses, le 29 octobre, lors d’une rencontre sur l’amélioration des procédures de surendettement à la Banque de France à Montpellier. Il faut, dit-elle, que le traitement du surendettement "évolue pour prendre en compte plus tôt et plus vite ceux qui sont dans une situation de détresse" et dont les difficultés pourraient s’aggraver avec la crise.



"La commission présidée par le recteur Guinchard a montré que la procédure actuelle (de traitement du surendettement) manquait de rapidité et d’efficacité", a précisé la garde des Sceaux.

Il s’agit donc de permettre aux commissions de surendettement de prendre elles-mêmes des décisions sans passer par un juge, mais uniquement dans les cas les plus simples, c’est-à-dire quand il n’y a pas liquidation totale des biens. La commission pourrait ainsi décider des reports de dettes, des rééchelonnements, des suspensions et des effacements partiels. Cette proposition de mesure émane du Conseil économique et social (CES).

Il faut, dit Rachida Dati, "un système plus réactif et plus souple".

Les propositions du Médiateur de la République

Dans un communiqué du 3 novembre, le Médiateur de la République déplore l’absence de mesures concrètes et formule une série de préconisations :

Mieux gérer le FICP, fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, dit « fichier négatif », et géré par la Banque de France. Il recommande de laisser le tribunal d’instance du domicile du débiteur régler les litiges liés à l’inscription ou à la radiation sur le FICP.

Rendre obligatoire, sous peine de sanctions pour les organismes de crédit, la consultation systématique du FICP avant tout octroi de prêt. Sur ce point, la directive européenne du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs devrait aller dans le même sens. Il reste à procéder à sa transposition en droit français.

Interdiction des offres de crédit revolving sur les lieux de vente. Mais il sera difficile d’imposer une telle interdiction devant l’opposition de principe des organismes de crédit.

L’une de ses propositions s’accorde aux mesures envisagées par Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi : la réduction, en cas de procédure de rétablissement personnel, du fichage de 8 à 5 ans. 

Le solde bancaire insaisissable, un moyen sous-utilisé

Alors qu’existe depuis 2002, un solde bancaire insaisissable (SBI) - équivalent au montant du RMI d’une personne seule - pour les personnes faisant l’objet d’une saisie bancaire, il y a sous-utilisation de cette possibilité légale du fait de sa faible notoriété et des lourdes formalités de déclenchement de la procédure. 

C’est pourquoi, le Médiateur de la République propose de rendre automatique la mise à disposition du SBI dès la saisie, sans qu’une demande préalable du titulaire du compte ne soit nécessaire. 

Il ne reste plus qu’à espérer que le gouvernement saura mieux tirer profit des propositions faites par le Médiateur, la commission Guinchard et le Conseil économique et social et, surtout, qu’il tourne le regard un peu plus souvent vers les catégories de populations en difficultés réelles...

 


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